Chaque titre propose donc des séries mode, nous l’avons vu, correspondant aux critères établis pour la constitution de notre corpus, et répondant à la définition de la série de photographies de mode donnée par Monneyron289, tous composent donc leurs images en mettant en correspondance vêtements, corps de femme, et contexte photographique.
Le nombre de séries mode pour Cosmopolitan (34) est supérieur au nombre de séries pour ELLE (12) et Femme Actuelle (11). Ces derniers peuvent prétendre à une dissolution de la mode dans quatre ou cinq numéros par mois, tandis que Cosmopolitan présente une concentration de la mode dans un numéro unique par mois. Ainsi, Cosmopolitan ne propose jamais moins de trois séries mode par numéros sauf exception, tandis que ELLE parfois en fait complètement l’économie et que Femme Actuelle présente le plus fréquemment une seule série thématique autour de la mode. Ainsi donc, même si dans notre corpus, les chiffres semblent présenter un intérêt de Cosmopolitan pour la mode supérieur aux autres titres, nous devons bien songer que ce dernier est un mensuel tandis que les autres sont des hebdomadaires. Nous pouvons donc avancer que Femme Actuelle avec une série par numéro donc par semaine, parvient à présenter en moyenne quatre séries par mois, à l’instar de ELLE qui pratique la même fréquence de parution. Ainsi, si nous voulions effectuer des moyennes mensuelles pour chaque titre, nous pourrions proposer d’élargir nos constats pour ELLE et Femme Actuelle à l’échelle d’un mois soit environ quatre parutions. Et c’est dans cette mesure, que nous voyons qu’en moyenne, ELLE est finalement amené à présenter quatre séries mode par mois pour environ 56 images, tandis que Cosmopolitan n’en présente qu’une moyenne de trois, pour environ 19 images. Ainsi nous voyons que d’après nos chiffres, même si notre corpus présente davantage d’images pour Cosmopolitan, c’est bien ELLE qui à l’échelle d’un mois et d’une année, présente la plus grande quantité d’images et de séries mode.
L’ensemble des images du corpus, passé au filtre de notre grille d’analyse (utilisée pour une série et toutes les images d’une série donc) nous amène aux résultats suivants, synthétisés dans le tableau de la page suivante. Pour être plus significatifs à l’échelle d’un mois de parutions, rappelons que les chiffres obtenus pour ELLE et pour Femme Actuelle nécessitent d’être multipliés par quatre, afin d’obtenir une moyenne pour le mois. Ici, sont répertoriés les résultats sans le calcul de moyennes, c'est-à-dire tels qu’ils sont apparus à l’analyse du corpus. Les séries ainsi catégorisées ont été analysées par la grille de codage fournie précédemment. Le comptage final de l’ensemble des indicateurs a permis de classer les séries selon le nombre d’indicateurs majoritaires dans les images, codant pour un type de mise en scène.
Magazines | Parutions | Nb Séries | Nb images | Mise en scène à dominante sociale | Mise en scène à dominante intime | Mise en scène autre |
ELLE | 7-13 Janvier | 1 | 18 | 1 | 0 | 0 |
4-10 Février | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | |
24-30 Mars | 1 | 26 | 1 | 0 | 0 | |
21-27 Avril | 1 | 13 | 0 | 1 | 0 | |
12-18 Mai | 1 | 14 | 1 | 0 | 0 | |
9 -15 Juin | 1 | 14 | 1 | 0 | 0 | |
30 Jn- 6 Juil | 2 | 17 | 2 | 0 | 0 | |
19-25 Juil | 1 | 21 | 0 | 1 | 0 | |
25-31 Août | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | |
8-14 Sept | 1 | 14 | 1 | 0 | 0 | |
27 Oct-2 No | 1 | 16 | 1 | 0 | 0 | |
10-16 Nov | 1 | 16 | 1 | 0 | 0 | |
TOTAL ELLE | 11 | 169 | 9 | 2 | 0 | |
Femme Actuelle | 1-7 Janvier | 1 | 7 | 1 | 0 | 0 |
8-14 sept | 1 | 6 | 1 | 0 | 0 | |
15-21 sept | 1 | 7 | 1 | 0 | 0 | |
6-12 Oct | 1 | 7 | 1 | 0 | 0 | |
13-19 Oct | 1 | 7 | 0 | 0 | 1 | |
20-26 Oct | 1 | 6 | 1 | 0 | 0 | |
3-9 Nov | 1 | 6 | 1 | 0 | 0 | |
17-23 Nov | 1 | 8 | 1 | 0 | 0 | |
1-7 Déc | 1 | 7 | 1 | 0 | 0 | |
15-21 Déc | 1 | 7 | 1 | 0 | 0 | |
22-28 Déc | 1 | 5 | 1 | 0 | 0 | |
29Déc-4Jan | 1 | 6 | 1 | 0 | 0 | |
TOTAL Femme Actuelle | 12 | 79 | 11 | 0 | 1 | |
Cosmopolitan | Janvier | 1 | 7 | 1 | 0 | 0 |
Février | 3 | 25 | 1 | 1 | 1 | |
Mars | 4 | 23 | 0 | 1 | 3 | |
Avril | 3 | 19 | 2 | 0 | 1 | |
Mai | 3 | 24 | 2 | 0 | 1 | |
Juin | 3 | 21 | 1 | 1 | 1 | |
Juillet | 2 | 15 | 1 | 1 | 0 | |
Août | 2 | 12 | 2 | 0 | 0 | |
Septembre | 3 | 18 | 1 | 1 | 1 | |
Octobre | 4 | 30 | 1 | 2 | 1 | |
Novembre | 3 | 17 | 0 | 1 | 2 | |
Décembre | 3 | 23 | 1 | 0 | 2 | |
TOTAL Cosmopolitan | 34 | 234 | 13 | 8 | 13 |
Nous parlons de mise en scène à dominante sociale ou à dominante intime, les mises en scène « autres » pour l’instant sont celles dont les indicateurs n’étaient pas majoritairement répartis dans l’une des deux premières catégories. Ainsi, nous rappelons que ces mises en scène réparties par le nombre d’indicateurs sont à interprétées par la suite en fonction de la quantité précise d’indicateurs pour chaque type. Une mise en scène à dominante sociale par exemple, n’exclut pas la présence d’indicateurs de l’intime, certes en minorité mais néanmoins présents. Il en va de même pour chaque type d’indicateurs, ils sont répartis de façon plus ou moins différenciée au sein des séries. Nous notons toutefois que nous n’avons jamais été dans l’impossibilité de situer les séries dans notre typologie, même si parfois les quantités d’indicateurs codant pour deux types distincts se trouvent fort rapprochées.
Nous allons désormais nous baser sur ces premiers résultats pour préciser l’analyse de notre corpus. Nous voyons que les mises en scène dans le social, opérant une neutralisation des personnages féminins dans une visée de cohérence avec le contexte, sont majoritaires dans l’ensemble du corpus pour chaque magazine. Ces mises en scène à dominante sociale représentent ainsi plus de 81%290 des séries de ELLE, plus de 91¨% des séries de Femme Actuelle et plus de 38% des séries de Cosmopolitan. Cette similarité est à nuancée quand on observe l’ensemble des mises en scène. En effet, ELLE articule ce type de représentation avec une présence de l’ordre d’environ 18% de mise en scène dans l’intime, tandis que Femme Actuelle ajoute un autre type de mise en scène encore non identifié. Cosmopolitan est donc pour l’instant le seul magazine à présenter à la fois trois types de séries mode, parmi lesquelles la mise en scène de l’intime représente environ 23% de l’ensemble des séries mode du magazine, dans lequel la majorité des mises en scène se partage de façon équivalente entre la mise en scène du social et des mises en scène hors du social et hors de l’intime.
Tous les titres sont donc amenés à composer des mises en scène du social, à savoir, présenter la mode et la femme dans des contextes sociaux définis et reconnaissables. Ainsi, la mise en scène d’un corps de femme et de vêtements au sein d’un espace social normé et reconnaissable par le public est un point commun aux trois titres du corpus. De la même façon, la mise en scène de l’intimité est un point commun entre Cosmopolitan et ELLE. Nous notons ici que Femme Actuelle quant à lui ne présente aucune scène d’intimité ou de séduction basée sur une sexualisation du corps de la femme. Enfin, la mise en scène en dehors d’un contexte social est elle aussi une similitude entre ces titres, on remarque la présence de ce type de représentations dans deux des sous-corpus. Nous notons donc d’un point de vue structural, que ces trois titres se retrouvent sur leur conceptualisation de la féminité autour de la mise en scène du social, tandis qu’une mise en scène de la séduction retranscrite dans une sexualisation du corps n’est présente que dans deux de ces titres. Les premières distinctions à noter au sein de notre corpus sont donc à émettre dans l’absence ou la présence de sexualisation du corps de la femme et dans l’absence ou la présence d’autres mises en scène, ni dans le social, ni dans l’intime.
Structuré autour de plusieurs séries mode, Cosmopolitan produit des séries correspondant davantage aux modèles « idéaux » de notre typologie, les mises en scène sont donc plus fortement différenciées selon le contexte. Sont donc présentes plusieurs séries à dominante « intimiste » où l’érotisation des postures, dans un contexte intérieur identifié, nous indique une mise en scène du corps, des vêtements et du contexte dans le même dessein de séduction. ELLE quant à lui propose seulement deux séries à dominante « intimiste ». En outre, Femme Actuelle ne met jamais en exergue les indices d’une sexualisation, ni du corps, ni des vêtements, ni du contexte. Ce type de représentations est donc commun à ELLE et Cosmopolitan, avec une plus forte différenciation du type dans Cosmopolitan et un glissement du social vers l’intime et réciproquement dans ELLE.
Pour une interprétation cette fois plus précise de nos résultats d’observation, nous devons nous pencher non plus seulement sur le caractère dominant des séries mais sur les quantités précises d’indicateurs codant pour chaque type. Le tableau qui suit répertorie pour cela l’ensemble des indicateurs présents dans les séries mode de notre corpus. Le détail de ces résultats est présenté dans les annexes p.259 sur un tableau qui répertorie alors les indicateurs pour chaque numéro étudié dans l’ensemble du corpus. Nous en avons ici un extrait.
Magazines | Nb Séries | Nb images | Mise en scène à dominante sociale | Mise en scène à dominante intime | Mise en scène autre | Nb indic* social total | Nb indic intime total | Nb indic autres | Total indic |
ELLE | 11 | 169 |
9 (81%) |
2 (18%) |
0 | 1512 (62%) |
720 (29%) |
189 (7%) |
2421 |
Femme Actuelle | 12 | 79 |
11 (91%) |
0 |
1 (8%) |
912 (72%) |
157 (12%) |
188 (14%) |
1257 |
Cosmopolitan | 34 | 234 |
13 (38%) |
8 (23%) |
13 (38%) |
1704 (46%) |
1043 (28%) |
943 (25%) |
3690 |
*indic : indicateurs
Nous observons par cette répartition des indicateurs (selon qu’ils codent pour une mise en scène du social, de l’intime ou autre) que la ventilation n’est pas idéale, comme nous l’avons suggéré précédemment. En effet, nous notons que les mises en scène dominantes n’excluent pas le recours à des indicateurs codant minoritairement pour d’autres types de mise en scène et ceci est constatable dans ce tableau. Ainsi, nous pouvons nuancer nos premiers résultats et surtout les préciser.
La dominante sociale dans ELLE se traduit par le recours majoritaire à environ 62% d’indicateurs codant pour le social, mais composant avec plus de 29% d’indicateurs codant pour l’intime et seulement 7% d’un autre type. La dominante sociale pour Femme Actuelle quant à elle se traduit par le recours majoritaire à environ 72% d’indicateurs codant pour le social, eux-mêmes articulés avec seulement 12% environ d’indicateurs codant pour l’intime mais plus de 14% d’indicateurs codant pour un 3e type. Enfin, Cosmopolitan a recours à environ 47% d’indicateurs du social, pour 25% d’indicateurs d’un autre type et seulement 28% d’indicateurs de l’intime.
Les indicateurs mesurés pour les images de ELLE nous indiquent une présence répartie des indicateurs qui codent pour une représentation de l’intime et ceux qui codent pour une représentation du social. Or, nous l’avons vu, les séries sont à dominante sociale, presque exclusivement sauf pour deux d’entre elles. Le tableau situé en annexe, plus complet, nous montre que la répartition des indicateurs de l’intime se fait pour chaque série, ainsi il semble que la séduction est de mise dans l’ensemble du sous-corpus d’images de ELLE, et malgré une dominante finale sociale, nous remarquons que le recours aux indicateurs de l’intimité est présent de façon étendue à l’ensemble des séries. A la différence de ELLE, Cosmopolitan propose un jeu d’indicateurs moins complexe, et la typologie telle que nous l’avons établie, rencontre son succès à l’analyse de ce titre. En effet, les différents types de représentations du genre identifiés théoriquement en amont de l’analyse, trouvent leur correspondance quasi-idéale dans les représentations de Cosmopolitan. Ainsi, la femme est représentée sous trois angles tout à fait différenciés et identifiables, nous reconnaissons dans les images de Cosmopolitan la relation « équilibrée » dans les mises en scène où les indicateurs convergent ensemble vers le même type de représentations, avec une légère récurrence des indicateurs du social, mais toutefois bien moins significative que pour Femme Actuelle. Ainsi, les mises en scène de la femme dans le social voient l’ensemble des indicateurs varier en fonction de ce contexte et il en est de même pour la mise en scène de la femme dans l’intime qui voient l’ensemble des indicateurs varier également en fonction du contexte. En outre, Cosmopolitan renforce les mises en scène de l'intimité et de l'interaction f'emme-homme en ayant recours de façon notoire aux personnages masculins dans ses séries, personnage dont le rôle est essentiellement de regarder la femme, il n'y a pas d'équivoque sur la nature de la mise en scène. Les postures entre ces deux contextes sont donc clairement différenciées, en tout cas, de façon plus significative que dans ELLE. Il est en de même pour le Femme Actuelle qui propose une cohérence des indicateurs pour ces mises en scène du social, qui convergent donc tous vers le même type de représentations avec une part discrète d’indicateurs de la séduction, mais qui ne vient en rien confondre les deux types. Femme Actuelle a recours également aux indicateurs de la séduction, distillés dans l’ensemble des séries, mais a davantage recours à des marqueurs codant pour un troisième type que le magazine ELLE.
F. Monneyron, La photographie de mode - Un art souverain, op. cit.
Les pourcentages indiqués sont arrondis à l’entier inférieur pour simplifier la présentation dans le discours des résultats.