5.2 Mises en scènes de la féminité.

5.2.1 Les variables déterminantes pour l’interaction et la mise en scène.

Notre premier constat se porte sur l’importance du facteur « environnement social » qui détermine majoritairement la nature de la représentation et son interprétation. Le cadre social est le premier porteur de sens dans le processus de signification de l’image de mode, il détermine les postures et les vêtements à adopter dans le cadre de l’interaction mise en scène.

Nous sommes donc face à une forme de prescription de comportements socialement normés dans les deux cas de mises en scènes reconnaissables. Chaque magazine s’accorde sur ces injonctions du social et mettent en scène des représentations du genre féminin cohérentes avec le contexte social. Ainsi, si des postures érotisées surviennent dans un cadre ne mettant pas en scène une interaction homme-femme dans un cadre intimiste (à l’intérieur en général), ces dernières sont à situer dans un univers fantasmé, onirique, imaginaire. La mise en scène ainsi produite est celle du rêve, nous sommes dans une forme d’intimité imaginaire, un monde fictionnel distancié du social et du quotidien et ce sont les éléments du décor qui viennent coder pour cette interprétation. Les jeux de lumière, les matériaux du décor, les apprêts relèvent d’un univers extra-ordinaire que nous ne sommes pas en mesure de rencontrer dans une réalité sociale vécue et qui suggèrent alors au mannequin une série de postures qui seraient, dans le social, inappropriées. Le contexte est donc une variable tout à fait déterminante pour la mise en scène des images de mode, comme il l’est pour la figuration dans la réalité de l’interaction sociale. La mode ici, dans les cas de mises en scènes du social et de l’intime, reprend donc les codes assignant des rôles féminins aux femmes dans la société. Ce constat est renforcé par l’émergence d’un troisième type de représentations, dont les postures restent pour le moins difficiles à identifier socialement. Ni dans l’attente ni dans la séduction ni dans l’action, ces représentations ne sont plus situées dans un contexte social reconnaissable. L’interprétation jusqu’alors possible, encodée dans le contexte, n’a plus cours dans ces images de mode particulières. Sans contexte social, impossible donc de parler de figuration, d’injonction du social ou d’assignation de rôles, puisque la cohérence jusqu’ici traduite entre postures, vêtements et contexte perd son facteur déterminant, c'est-à-dire le contexte.

Face au contexte, les postures et les vêtements pourraient donc avoir valeurs de relais, de compléments d’information. En outre, sans contexte reconnaissable, nous le verrons, ces deux systèmes, corps et vêtements prennent d’autres fonctions dans la représentation. Ainsi, nous voyons déjà que dès lors qu’on retire de l’image des références au social, les postures peuvent transgresser les attentes normées et offrir des représentations du genre féminin non expérimentées et non représentatives d’un monde social existant.

Les tableaux suivants tendent à montrer la ventilation des indicateurs de la typologie par rapport aux systèmes de signes étudiés, à savoir le corps, le vêtement et le contexte. Nous verrons ici par exemple, si une majorité d’indicateurs du social s’articulent davantage autour des marqueurs du corps, ou du vêtement ou du contexte. Ainsi, nous saurons par quel système de signes les variations de représentations sont elles traduites. Nous nous interrogeons par exemple sur la mise en scène de l’intimité et cherchons à savoir si celle-ci passe davantage par un codage des marqueurs du corps ou par un codage des marqueurs du contexte ou du vêtement. Aussi, nous nous demandons si l’émergence d’un troisième type de représentations socialement anticipatrices se traduit davantage dans le codage des marqueurs du vêtement, compte tenu de l’absence d’injonction du social. Cette démarche est intéressante pour mieux saisir l’importance du corps, du vêtement et du contexte dans les représentations du genre féminin. Nous voudrions savoir ici si la féminité traduite dans notre corpus repose davantage sur la représentation de la socialisation des femmes, sur la représentation de leurs postures corporelles ou sur la représentation de leurs vêtements et donc de la mode. En effet, nous savons déjà par exemple que Cosmopolitan a recours au procédé de stéréotypage pour sa mise en scène de l’intime, mais l’interprétation peut varier selon que ce stéréotype est traduit essentiellement par les marqueurs du corps ou par les marqueurs du contexte.

Nous devons préciser ici que les marqueurs du corps représentent la moitié des marqueurs à identifier dans notre grille de codage, les marqueurs du vêtement et du contexte représentant respectivement chacun un quart des marqueurs à analyser. Ainsi, pour moitié, les marqueurs sont associés au système de signes « corps » et pour moitié à la somme des systèmes de signes « vêtements+contexte ». Ce rapprochement nous permet d’ajuster nos propos quant à la présence dominante de marqueurs du corps, en précisant qu’ils sont déjà, dans la typologie les plus nombreux à identifier. Ainsi, les chiffres de nos résultats sont à analyser en prenant en considération cette donnée de base dans notre typologie. La ventilation des marqueurs est effectuée pour chaque série de chaque magazine dans le type de représentation identifié. Nous allons fournir ici nos interprétations de résultats pour chaque sous-corpus, les chiffres sont présentés rassemblés à la fin de chaque analyse de magazine. Le premier tableau de résultats donne ainsi les chiffres bruts obtenus, le deuxième tableau extrait les données utiles du premier et les rapporte en pourcentage, traduisant non plus la présence mais la part et la répartition des indicateurs et des marqueurs.