5.2.2 Les signifiés : qualifications d’actions genrées normatives. Résultats en images.

Stéréotypes de genre : la nécessité d’une reconnaissance.

Si les signifiants vêtements, marqueurs du corps, et éléments du contexte sont agencés selon une forme de cohérence qui paraît naturelle au lecteur, nous supposons que ceci dénote une volonté de signification spécifique. Les signifiés alors traduits par une telle composition des indicateurs et des marqueurs sont rendus accessibles par une reconnaissance des représentations, facilitant l’identification des personnages féminins mis en scène. Ainsi si nous nous en tenons à la logique sémiologique qui anime les médias et qui consiste à produire des énoncés propices à l’identification d’une cible, nous reconnaissons l’utilisation du stéréotypage en tant que préconstruit, et finalement en tant que processus de catégorisation, permettant une reconnaissance accrue du modèle représenté et donc un processus d’identification optimisé, répondant aux objectifs de fidélisation du lectorat. Sans pour autant estimer que la réception de telles représentations se suit d’un jugement positif ou négatif, nous avançons que la construction de ces catégories permet aux médias et aux publics de trouver une forme de consensus dans leurs systèmes de représentation, mettant l’imaginaire de la mode au rythme de l’imaginaire social. Cette rencontre des deux imaginaires permet d’établir les bases du contrat de lectorat entre les parties, qui désormais parlent un même langage. Nous observons donc une forme de maintien de l’ordre des choses, dénoncé en tant que tel par les féministes, mais contribuant néanmoins dans notre cas à la production de sens pour le public féminin concerné et reconnu comme efficace pour l’identification. Si nous considérons ces représentations normées non plus comme une finalité de la représentation mais comme un moyen permettant l’établissement le contrat de lectorat, pour arriver à des fins sémiologiques plus complexes (compte tenu de la présence d’autres types de représentations transgressives par exemple dans Cosmopolitan) alors nous comprenons que les représentations stéréotypées revêtent un caractère nécessaire pour la réception et la compréhension de l’ensemble des représentations produites. Cette qualification d’action genrée normative produite par l’agencement des signifiants du corps, du vêtement et du contexte, alimente un socle de connaissances partagées et reconnaissables, sur lesquelles le lectorat et le média vont s’accorder ensemble pour produire d’autres représentations acceptables, à partir de ces connaissances communes. C’est donc de cette fusion contractée d’un imaginaire social et d’un imaginaire de la mode que peuvent possiblement naître de nouvelles représentations dans les séries mode, parfois transgressives, en tout cas détournant les codes, après que ces derniers aient été présentés et reconnus. Nous voyons pour cela qu’une plus forte présence de séries mode d’une troisième catégorie non représentative d’interactions d’ordre social ou intime n’est pas associée à une absence du stéréotype. Au contraire, il semble que c’est à partir de la connaissance et de la reconnaissance de ce stéréotype et principalement du stéréotype de la femme séductrice, mis en scène par les postures du corps même, donc par le jeu du personnage en question, qu’il est permis de passer à une représentation socialement anticipatrice. C’est de ce constat que nous produisons l’explication de la coexistence de stéréotypes de genre opérant à une différenciation sexuelle et de figures socialement anticipatrices dans Cosmopolitan. Et c’est aussi de ce constat que nous déduisons que lorsque le stéréotype codant pour une mise en scène de l’intimité n’est pas incarné par le personnage et son corps mais seulement par le vêtement et par le contexte, alors la production de représentations socialement anticipatrices reste limitée voire inexistante, comme cela est le cas pour Femme Actuelle et pour Elle. Les signes du vêtement encodant le stéréotype de genre dans ces magazines, il est alors difficile de les détourner en vue d’encoder une anticipation sociale. Pour Cosmopolitan, les stéréotypes étant incarnés par le personnage au travers de ses techniques de corps et de ses postures, il devient plus aisé de les contourner dans un troisième type de mise en scène en mobilisant cette fois les marqueurs du vêtement.