5.3 Typologie des parades identifiées dans les images des séries mode.

5.3.1 Un ensemble de signes pour une série (dé-)finie de parades

Nous voyons dans cette première partie de notre analyse qu’une structure sous-jacente est reconnaissable dans les séries mode, en ce qu’elles répondent à une même forme de composition des éléments, avec pour chacune d’elles, la variable déterminante du contexte. Nous pourrions donc conclure sur l’existence d’un système structurant les mises en scène de la mode et de la femme dans les séries mode, système qui permettrait de répertorier l’ensemble des parades dans une série « finie ». Or, nous nuançons ce constat par l’observation d’une catégorie formée à la frontière des deux premières, qui n’obéit plus aux lois du système alors mis au jour dans les mises en scène du social et de l’intime. En effet, le troisième type de mises en scène identifié n’est pas construit en tant que tel, indépendamment des deux premières catégories, mais découle directement de l’impossibilité de le situer dans ces deux premiers types de représentations. Construites donc en « réaction » des deux premières séries de représentations, ces représentations sont dans un premier temps considérées en ensemble pour ce qu’elles ont en point commun l’absence de décor socialement reconnaissable. Nous pouvons donc « définir » des séries de représentations, et des séries de parades identifiées, pour autant, la structure « ouverte » de notre typologie permettant l’émergence d’un troisième type nous indique clairement que nous ne pouvons discuter d’une série « finie » de parades. Ainsi, si nous pouvons avancer que les représentations stéréotypées correspondant à des attentes sociales normées sont clairement répertoriées, identifiables et prévisibles, nous ne pouvons élargir ce constat à l’ensemble de notre typologie. Le troisième type de représentations mis au jour reste une catégorie pour l’instant ouverte, dans laquelle se retrouve, certes un ensemble de représentations, mais pour laquelle nous n’avons pas encore émis de « lois », si ce n’est un ensemble de procédés différentiels permettant seulement d’établir la non-appartenance de ces images aux autres types.

En dehors de cette caractéristique particulière des séries non répertoriées dans les deux premiers types de notre catégorisation, nous pouvons également nuancer notre définition des deux premiers types de représentation. En effet, soumettant à cette grille d’analyse les séries mode de ELLE, nous constatons que des représentations ne s’intègrent pas idéalement dans notre typologie. Toutefois, nous ne faisons pas le constat de limites à proprement parler de notre système d’encodage des indicateurs, nous profitons au contraire de ce constat d’écarts avec l’idéal typique des représentations pour saisir la particularité du magazine ELLE. Ses représentations, alors situées à la rencontre des deux premiers types, nous portent à croire que la séduction dans les postures du corps est transverse à toutes les représentations construites par le magazine. L’absence d’étanchéité entre nos deux premiers types ne vient donc pas mettre en péril notre analyse, mais bien au contraire, vient enrichir notre recherche et ses résultats, en démontrant, pour ELLE, la forte imprégnation du rituel de séduction dans les représentations de la féminité. Cosmopolitan quant à lui est un magazine pour lequel notre typologie est particulièrement efficace. En effet, si nous pouvons constater que pour d’autres séries mode les indicateurs peuvent se mêler et produire des représentations mitigées, pour les séries mode de Cosmopolitan, nous sommes véritablement devant des représentations clairement définies, dans lesquelles les indicateurs codent pour une seule et même figuration, et constat intéressant, dans lesquelles la séduction n’est pas transverse à l’ensemble des représentations.

La mise en exergue d’une série définie de parades et de mises en scène (et non finie) rejoint les approches méthodologiques d’Houdebine299 pour l’étude des représentations. Nous avons en effet mis au jour une structure définie pour la composition des images de mode, néanmoins celle-ci opère dans l’interprétation en fonction de systèmes de signes environnant variables.

Le contrat de lectorat est donc défini sur les bases d’un partage de significations communes aux deux instances en présence, co-construisant donc ces représentations, au carrefour d’un imaginaire social et de l’imaginaire de la mode. Une analyse systémique de type structurale permet donc de mettre au jour une série définie de parades pour les deux premières catégories de notre typologie, qu’une analyse interprétative socialement et culturellement située permet d’établir comme autant de procédés de stéréotypages. Dans le champ des sciences de l’information et de la communication, nous reconnaissons ici une stratégie d’énonciation de la part des médias considérés, qui opèrent à une construction de mondes possibles basés sur l’existant pour rendre opérationnelle l’identification de leur cible et instaurer une relation autour d’un langage commun. En outre, ce langage étant socialement et culturellement déterminé et en perpétuel mouvement selon les flux sociaux environnant l’interprétation, une analyse interprétative nous permet de resituer le processus de stéréotypage au sein d’un contrat de lectorat qui englobe d’autres phénomènes identificatoires dans lesquels le stéréotypage n’est plus au centre de la mise en scène.

Notes
299.

A. Houdebine, Pour une sémiologie des indices (structurale et interprétative), op. cit.