Les parades de genre : une ritualisation aux services du patriarcat.

Nous avons mis au jour dans notre corpus une typologie des représentations du genre dans laquelle nous reconnaissons l’existence de stéréotypes de la féminité. Les parades de genre311 sont donc mobilisées dans les mises en scène de la mode et l’imaginaire de la mode vient librement s’en inspirer, voire les nuancer parfois, mais en tout cas les convoquer dans les constructions d’images de mode. Cette ritualisation, pourrions-nous avancer, est au service du patriarcat et assure la continuité de la domination masculine, intériorisée au cours de la socialisation des femmes et restituée pleinement dans les messages médiatiques leur étant consacrés. Ainsi donc, nous pourrions admettre rapidement que la presse magazine féminine vient alimenter à son tour, directement auprès de la cible du stéréotype, un discours fortement imprégné de valeurs normatives quant aux postures et aux rôles assignés des femmes. Cette assertion peut être exacte si nous étudions les parades de genre représentées indépendamment du système plus vaste de représentations dans lequel elles figurent. Or, si dans un premier temps, une analyse structurale nous permet de mettre en exergue l’existence de tel ou tel procédé de construction de représentations et ici d’images de mode, c’est à ce stade qu’une analyse complémentaire interprétative prend tout son sens. En effet, si nous nous limitons ici à considérer le système des séries mode, dans leur construction et dans leurs occurrences de types de féminité représentés, nous sommes amenés à conclure que la presse magazine féminine est régie par la diffusion de messages de genre stéréotypés, à en croire le chiffrage même de nos indicateurs et notre typologie structurale. Mais cette conclusion reste incomplète et inexacte si nous ne menons pas en complément une analyse interprétative de ces résultats et si nous ne replaçons par nos objectifs d’étude au sein de l’ensemble du corpus étudié. Organisé comme un ensemble d’éléments, non pas seulement superposés mais agencés en système communiquant, convoquant des interprétants internes et externes, le corpus d’images de mode que nous avons établi est désormais à considérer comme un ensemble signifiant, dans un cadre socioculturel défini, auprès d’une cible identifiée. Au carrefour d’une analyse interprétative et d’une analyse communicationnelle, notre étude désormais devra s’appuyer sur les relations entre les éléments de nos sous-corpus et non plus seulement sur une analyse structurale qui se pratique en immanence.

Ainsi, nous avons établi la présence d’une pluralité de représentations de la féminité, au travers desquelles nous reconnaissons l’utilisation du stéréotypage, ayant pour fonction dans la communication médiatique, rappelons-le, la reconnaissance de représentations partagées et donc possiblement interprétables. Outre les fonctions de « raccourci » du stéréotype, nous en avons nuancé les effets dans le cadre de la construction de mondes possibles fictionnels, propres aux images de mode. Nous devons établir désormais le rôle du stéréotypage, en le considérant dans l’ensemble des représentations diffusées dans notre corpus.

Nous constatons qu’à l’échelle d’un numéro pour Cosmopolitan ou d’un mois, pour ELLE et Femme Actuelle, les représentations stéréotypées du genre féminin ne sont pas toujours autonomes et que l’ensemble des indicateurs codant pour les types de mise en scène ne se situent jamais pleinement dans l’une ou au l’autre des catégories. En effet, elles participent toujours d’un ensemble de signes plus vaste, dans lequel le stéréotypage est alimenté par une pluralité de marqueurs de natures différentes, instaurant la reconnaissance d’un type de représentation dominant mais non total.

Notes
311.

E. Goffman, Le déploiement du genre, op. cit.