7.2.1 La mode et les médias, vecteurs de représentations dans l’imaginaire social.

Si nous reprenons à la fois la définition de l’imaginaire social de Castoriadis348 et l’établissement des fonctions des médias de Charaudeau349 ou encore de Semprini350, nous pouvons avancer que les messages médiatiques, inspirés du social, retournent après transformation et interprétation par les organes de presse et leurs publics, au sein du social. Comme un mouvement circulaire qui aspirerait une forme du social, la retraduirait, et la réinjecterait dans le social, le dispositif d’énonciation des médias contribue à diffuser de nouvelles images et de nouveaux discours dans l’espace social, participant alors aux mutations de ce dernier. Si nous évoquons alors les possibilités de transformation d’une représentation sociale, nous reconnaissons dans les fonctions des médias, la possibilité de proposer une transformation brutale ou progressive des représentations sociales par le biais d’une diffusion de représentations médiatiques plus ou moins divergentes de la réalité vécue. S’écartant ainsi d’une forme de représentativité pour instaurer les règles d’une représentation médiatique librement inspirée des représentations sociales, le processus de diffusion de messages des médias permet de distiller au sein de l’espace social, de nouvelles formes de connaissances, qui peuvent engendrer à leur tour une modification de pratiques. Au travers des discours, comme des images, les médias diffusent des messages dont la signification finale appartient au moment de la réception, moment durant lequel l'imaginaire social sera lui-même mobilisée d'une façon propre au sujet interprétant. De Certeau insiste sur l'importance de ce sujet interprétant et dénonce la théorie selon laquelle les publics, passifs, ne pourraient que recevoir l'intégralité d'un message construit sans participation dans sa signification :

‘« La consommation, organisée par ce quadrillage expansionniste [les réseaux des médias], ferait figure d’activité moutonnière, progressivement immobilisée et « traitée » grâce à la mobilité croissante des conquérants de l’espace que sont les médias. Fixation des consommateurs et circulation des médias. Aux foules, il resterait seulement la liberté de brouter la ration de simulacres que le système distribue à chacun. Voilà précisément l’idée contre laquelle je m’élève : pareille représentation des consommateurs n’est pas recevable. »351

A notre tour, considérant à la fois la performativité des stéréotypes présentés dans les médias et cette représentation de l'activité des publics, nous pouvons accorder aux autres représentations médiatiques non stéréotypées, la même portée dans l’espace social et la même interprétation par les publics. En outre, si de nouvelles connaissances sont alors apportées non plus de façon brutale, ce qui pourrait contribuer à renforcer la représentation sociale mise en danger, mais de façon progressive, comme nous le notons dans la structure des séries mode par exemple, nous pouvons accorder aux médias et dans notre cas à la presse magazine féminine et à la mode le pouvoir d’amorcer la mutation des représentations sociales du genre. Prenant en compte les influences des médias sur les consommateurs, comme Soulages peut le noter dans ses études de la publicité et de la télévision mais accompagnant cette influence d'une compétence réflexive du public, nous pouvons aller au-delà de l'assertion de De Certeau et évoquer la possibilité pour les médias de participer à des mutations de représentations sociales significatives d'une évolution et d'une ouverture à de nouveaux schèmes de pensée. Accompagnée dans la réalité vécue, d’une émancipation des femmes et d’une évolution officielle de leur statut, cette mutation peut opérer à une transformation des représentations du genre féminin.

Notes
348.

C. Castoriadis, L'institution imaginaire de la société, op. cit.

349.

P. Charaudeau, Le discours d'information médiatique : La construction du miroir social, op. cit. 6-25

350.

A. Semprini, Analyser la communication : comment analyser les images, les médias, la publicité, op. cit.

351.

M. D. Certeau, L'invention du quotidien, tome 1 : Arts de faire, op. cit. 240