1. La famille contemporaine

Selon Singly (2005), les études démographiques des pays occidentaux indiquent que les principales transformations familiales qui ont surgi depuis les années 1960 peuvent être subdivisées comme suit :

  1. La diminution du nombre de mariages ;
  2. La diminution du nombre de naissances ;
  3. L’accroissement des divorces et des séparations ;
  4. L’accroissement des unions libres ou de la cohabitation ;
  5. L’accroissement des familles monoparentales (un foyer d’un parent et d’un ou plusieurs enfants) ;
  6. L’accroissement des familles recomposées (un ménage consitué par un couple dont l’un des conjoints, au moins, a un passé conjugal et partage le domicile avec un de ses enfants) ;
  7. L’augmentation du nombre des naissances hors mariage.

En effet, comme le souligne Anaut(2005), la famille occidentale au cours des siècles, a beaucoup changé et une pluralité des configurations familiales est apparue.

Ces changements viennent bouleverser les structures familiales et, par conséquent, les relations au sein des familles. Parallèlement, un grand débat social s’élabore en ce qui concerne les conséquences de ces transformations.

L’illustre anthropologue français Lévi-Strauss (1986) affirme que la famille est souvent présente dans tous les types de société. D’autre part, pour certains sociologues, elle n’est plus considérée comme étant une institution et pour d’autres, elle continue à l’être et le sera toujours (Roussel, 1989). Le sociologue Singly (2005) et la psychanalyste Roudinesco (2003) assurent que la famille devient plus souple et que d’autres modèles de fonctionnement s’imposent. Ils montrent que les nouveaux modèles familiaux ne mettent pas en danger la continuité de la famille.

De nos jours, il est difficile de conceptualiser la famille. Anaut (2005) définit la famille contemporaine comme «un groupe de personnes vivantes ou décédées, habitant ou non ensemble et reliées par des liens biologiques, sociologiques, affectifs ou légaux » (p.16). On peut dire que ce concept suit une définition plus interdisciplinaire de la famille et va de pair avec les diversités des fonctionnements familiaux contemporains. Dans ce sens, lorsque l’on parle de famille, il ne s’agit pas que d’un acte de filiation tel que généralement défini par les juristes mais aussi de liens sociaux et affectifs. Cette définition a l’avantage de préciser plusieurs configurations familiales dont la filiation biologique n’en est qu’une forme parmi d’autres.

En effet, Roudinesco (2003) illustre trois grandes périodes dans l’évolution de la famille. La première, nommée « traditionnelle » concerne la garantie de la transmission d’un patrimoine ; les mariages étaient arrangés par les parents, la vie sexuelle et affective des futurs conjoints n’était pas prise en compte et la cellule familiale était soumise à une autorité patriarcale. La deuxième, dite « moderne », qui s’est imposée entre la fin du XVIIIe siècle et la moitié du XXe siècle, avait une logique plus affective et était fondée sur l’amour romantique et la réciprocité des sentiments. C’est le début de la mise en valeur de la division des travaux domestiques entre les conjoints dans les foyers. Enfin, la troisième, appelée « contemporaine » ou « postmoderne », débute dans les années 1960 et privilégie les relations intimes et de réalisations sexuelles et affectives. La transmission de l’autorité est devenue alors précaire dans la mesure où le nombre des divorces, des séparations et des recompositions familiales est en hausse.

Dans notre étude, nous nous rapporterons davantage aux écrits sur la famille dite contemporaine pour situer la pluralité des configurations familiales et leurs formes de fonctionnement.

Singly (2005) postule que la famille contemporaine est relationnelle et individualiste. L’auteur s’appuie sur les analyses de Durkheim, basés sur la privatisation de cette institution en fonction de l’attention tournée de plus en plus vers la qualité des relations interpersonnelles. Ainsi, nous sommes devant une société qui privilégie et met en valeur l’individualité des personnes au sein de la famille et l’importance des relations affectives. Les valeurs ont beaucoup changé et de nouvelles perspectives sont envisagées dans la formation d’un couple. Par conséquent, la diversité des conflits familiaux et les manières de les aborder et de les gérer ont aussi été transformées.

Si, dans le modèle de la famille traditionnelle, l’assurance et la transmission d’un patrimoine étaient primordiales, les valeurs sont toutes autres dans les familles postmodernes. Ce qui est important, aujourd’hui, c’est aussi bien la mise en valeur des relations affectives dans les rapports familiaux et conjugaux que l’autonomie et l’indépendance des personnes. Ainsi, l’accent est mis sur la relation interpersonnelle, l’épanouissement personnel et non plus sur le patrimoine. A titre d’exemple, les parents d’aujourd’hui privilégient davantage la réussite scolaire. Les nouvelles normes d’éducation favorisent le développement personnel et l’actualisation de leur potentiel, (Singly, 1996). Ce nouveau modèle familial est plus démocratique et autonome si on le compare à l’ancien qui lui était centré sur les contraintes économiques et institutionnelles.

De plus, selon Anaut (2005), la signification sociale du mariage n’est plus la même. Il devient plus contractuel et le facteur principal de sa durabilité est l’importance de la relation affective. Ainsi, le mariage est un sujet qui concerne prioritairement le couple et, après, la famille, ce qui peut expliquer l’augmentation du nombre de séparations et de divorces dans notre société. Les relations affectives sont donc l’assurance des unions conjugales, soit sous la forme de la cohabitation, soit sous la forme légale.

Pour sa part, la sociologue Théry (1998) avance que la famille, dans les dernières décennies, passe par trois grandes transformations : une transformation de références  se rapportant à l’individualisation, une transformation des normes concernant la privatisation et une transformation des modèles  liés à la pluralisation. On peut se demander toutefois si ces mutations n’ont lieu que dans les pays les plus développés et ou si elles se retrouvent universellement dans tous les milieux sociaux?

Pour Singly (1996), le nouveau modèle familial, nommé relationnel, basé sur des fondements plus démocratiques et égalitaires, a tendance à se généraliser dans les pays occidentaux, même si l’ancien modèle, plus hiérarchique et traditionnel, continue dans certains milieux sociaux. Ceci peut être observé dans la réalité des familles brésiliennes.

Au Brésil, comme dans bien d’autres pays, on a constaté au cours des dernières années de nombreuses transformations familiales même s’il existe avec ces pays des différences importantes sur les plans social, culturel et économique. L’Institut Brésilien de Géographie et Statistique (IBGE) énumère dans les cahiers de Synthèse des Indicateurs Sociaux (2007, 2008) les principaux changements observés dans la société brésilienne: l’augmentation du taux de divorce; l’augmentation de la proportion des personnes qui vivent seules; le nombre grandissant des couples sans enfants ; l’augmentation des familles monoparentales et la diminution du nombre d’enfants par famille. Par exemple, en 1960, l’indice de fécondité était de 6,3 pour chaque femme, alors qu’il était à 2.3 en 2000. Ces transformations sont le résultat d’un ensemble de facteurs tels que l’augmentation de l’espérance de vie, l’entrée de la femme sur le marché du travail et la diminution de la fécondité. Généralement, ces changements sont associés à l’amélioration de la qualité de vie de l’ensemble de la population.

Parallèlement, l’Institut de recherche Datafolha (2007), dans une étude comparative sur l’évolution des valeurs de la famille brésilienne de 1998 à 2007 indique que les valeurs de la société brésilienne et les relations familiales ont aussi changé. D’après cette recherche, les enjeux relatifs à la sexualité, l’homosexualité, la virginité, les séparations conjugales et la grossesse hors mariage sont, aujourd’hui, plus acceptables qu’auparavant. Ainsi, la fidélité conjugale a été considérée l’une des composantes les plus importantes pour la stabilité et la réalisation des personnes dans un mariage. Pour Singly (2005), la fidélité conjugale continue d’être la règle dans la famille postmoderne.