2.1 Les récentes recherches sur le divorce

Martin (1997) a réalisé une recherche à caractère socio-économique auprès de 1085 personnes séparées et divorcées ayant des enfants. L’objectif de cette étude était de comprendre la réorganisation familiale et d’identifier les types de parcours socio-familial après une rupture conjugale. Trois éléments principaux se dégagent de cette recherche.

- Premièrement, la rupture conjugale a des parcours différents selon les milieux sociaux. Le nombre des foyers atteints par la précarité économique augmente suite à une séparation, surtout lorsque le parent gardien est une femme sans emploi. Toutefois, pour les femmes diplômées et actives, l’impact économique est plus faible.

Le second élément indique que la rupture conjugale ne produit pas nécessairement une rupture totale des contacts des parents avec leurs enfants. Ce constat est plus évident pour les personnes plus instruites.

Enfin, le troisième élément se rapporte aux parents gardiens qui restent plus souvent seuls après la rupture, même si les hommes se retrouvent davantage en couple.

Pour l’ensemble de ces résultats, on observe que le facteur milieu social a un effet important dans la dynamique du divorce.

D’autres recherches ont focalisé plus directement sur les conséquences psychologiques et sociales du divorce pour les enfants et leurs effets sur la structure familiale. Néanmoins, d’autres études ont relativisé ces résultats en remettant en question la méthodologie utilisée, un point que nous examinerons par la suite.

Parmi les effets psychosociaux sur les enfants du divorce, les études indiquent le faible rendement scolaire, les problèmes comportementaux et un plus haut taux de divorce.

En ce qui concerne le faible rendement scolaire et les problèmes comportementaux, certaines études révèlent que si l’on compare les enfants provenant de familles séparées et les enfants de familles non séparées, ils connaissent plus de problèmes scolaires et de problèmes d’adaptation sociale. Une étude longitudinale française plus récente de Paul Archambault (2007), a permis de suivre l’évolution des enfants des pères divorcés jusqu'à l’âge de 18 ans et de mesurer les effets de cette condition dans leur vie. Cette recherche a conclu que la séparation parentale, avant la majorité des enfants, effectivement, réduit la réussite scolaire. Mais, le plus significatif de ces résultats indique que le faible rendement scolaire ne dépend pas du milieu social. Les effets du divorce sur la vie des enfants sont identiques, aussi bien pour une famille favorisée que pour une famille socialement défavorisée. Pour l’auteur, les facteurs explicatifs de la baisse des rendements scolaires dans des familles séparées sont la contribution financière limitée des parents, l’affaiblissement du contrôle éducatif et l’autonomie de l’enfant plus précoce. Toutefois, ces facteurs ne sont pas compatibles avec la prolongation d’une scolarité et les jeunes de ces familles arrivent plus tôt sur le marché du travail.

Parallèlement, d’autres étudescomme cellesde Guidubaldi et al. et Hethering et al. (in Cyr,1998), concernant les conséquences du divorce dans la vie des enfants, ont montré que les difficultés scolaires des enfants de foyers de parents divorcés sont plus grandes que celles dans les foyers de parents non séparés. Cette tendance est également évoquée par plusieurs études qui disent que les enfants des familles divorcées manifestent plus de problèmes d’agressivité, de désobéissance et de conduites antisociales. De plus, les garçons sont plus vulnérables au divorce de leurs parents et présentent plus de problèmes que les filles.

Cependant, comme le précise Cyr (1998), il faut relativiser ces constats. Il faut souligner que ces études ont été réalisées auprès de familles dont la mère avait, en général, la garde des enfants et les contacts avec leurs pères correspondaient aux traditionnels droits de visite d’une fin de semaine sur deux et un contact par semaine. Pour l’auteur, d’après son expérience comme psychologue et professeure à l’Université de Montréal, la plupart des conséquences immédiates et durables du divorce chez les enfants découlent essentiellement d’un modèle familial unique où prédomine la figure maternelle.

En fait, il faut considérer d’autres facteurs comme l’âge des enfants au moment du divorce, le temps de la séparation parentale, le remariage des parents, la qualité de la relation des enfants avec les parents, les conflits entre les parents et aussi le sexe du parent avec lequel l’enfant vit. Tous ces facteurs sont importants et une seule perspective interactionnelle pourrait mieux identifier les conséquences du divorce chez les enfants. Cyr (1998) souligne que la grande majorité des enfants (70 à 80%) ne présente pas de problèmes sévères et permanents en raison du divorce ou du remariage de leurs parents.

Pour sa part, la sociologue Cadolle (2001), a recensé des recherches américaines sur les conséquences du divorce chez les enfants dans les foyers qui vivent une recomposition familiale. Parmi ces études, effectuées par des chercheurs sociologues ou psychologues, toutes confirmaient que les enfants de familles monoparentales et recomposées ont plus de difficulté de réussite scolaire et de problèmes de comportement que si l’on compare avec des familles de non-divorcés. Toutefois, ces études ont confirmé que le degré de conflit auquel l’enfant est exposé a aussi bien des effets négatifs pour les familles de divorcés que pour les familles de non divorcés. Ainsi, ce qui a été important, au vu de ces résultats, concerne, notamment, la qualité des relations parentales pour un épanouissement idéal des enfants et la capacité pour les parents de régler leurs différends à l’amiable.

Un autre facteur important que l’on retrouve dans les recherches sur les divorces consiste à présenter la séparation parentale comme une cause de la délinquance juvénile. C’est une conception que certains chercheurs partagent. D’après Déchaux (2007), une telle idée est une ancienne reproduction des élites sociales qui s’inquiétaient des effets néfastes du divorce, surtout dans les milieux les plus populaires. En effet, plusieurs recherches montrent que les effets d’une rupture conjugale sur le penchant de l’enfant à commettre des délits sont très faibles. Ce sont davantage les rapports conflictuels et non résolus entre les parents qui causent les comportements agressifs des enfants et des adolescents. Ce qui importe, vraiment, est la qualité des relations familiales. .

Pour Roché (2004), la délinquance juvénile doit être associée aux effets de la précarité des familles et aux effets d’une éducation déficiente. La surveillance des enfants par les parents et leurs interventions précoces sont des facteurs décisifs pour éviter la trajectoire vers la délinquance juvénile. S’il y a manque de surveillance, les délits s’accumulent et les possibilités de réhabilitation deviennent presque inexistantes. En ce sens, l’insertion familiale est un facteur prépondérant dans la prévention de la délinquance. Nous pouvons affirmer que les facteurs de risque des enfants de devenir délinquants, dans les cas de séparation parentale, d’après les recherches, sont notamment plus associés à l’attention et à la surveillance des parents qu’à la situation de divorcés.

Les études d’Archambault (2007) soulignent que les enfants issus d’une famille monoparentale ont une tendance à reproduire cette situation quand ils deviennent adultes. Ainsi, pour les filles de familles monoparentales, 38% qui vivent en couple, passent par une rupture conjugale, contre 19% de filles de familles issues de familles unies. Pour les filles venant des milieux plus précaires, la probabilité de répétition d’une histoire familiale marquée par la monoparentalité, la pauvreté et l’absence du père, est plus grande. Le risque d’une grossesse ainsi que l’abandon des études sont fréquents.

En somme, les recherches sur le sujet alimentent la controverse ; tantôt on dénonce une méthodologie de recherche déficiente, tantôt on déplore la validité des instruments. D’après Archambault (2007)et Cyr (1998), plusieurs recherches sont destinées aux effets négatifs du divorce sur les enfants, sans analyser profondément leur situation familiale avant le divorce ou sans tenir suffisamment compte de la dynamique familiale. Dans cette même ligne de pensée, Poussin (2004) mentionne que des études récentes, faites aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, indiquent que les parents divorcés ont généralement plus de problèmes psychologiques que d’autres personnes. En effet, ces mêmes études ont montré que des problèmes étaient présents chez les enfants avant la séparation de leurs parents. Ainsi, parmi tous ces facteurs, le plus important est la capacité des parents à maintenir les enfants à distance de leurs conflits (Poussin, 2004). En d’autres mots, les capacités parentales, les relations civilisées entre les parents et, enfin, les contacts fréquents avec le parent non-gardien sont des facteurs essentiels pour préserver les enfants des facteurs de risque du divorce. Dans cette perspective, la médiation familiale s’avèrerait un excellent support pour maintenir la spécificité et la continuité des liens familiaux (Sellenet, David et Thomère, 2007) ainsi que de faciliter l’apprentissage de stratégies de communication entre les parents.

En résumé, parmi les chercheurs les plus alarmistes et les moins inquiets, un consensus se dégage : ce sont la qualité de la relation parentale avant et après divorce et l’absence de conflit qui sont les facteurs déterminants dans l’adaptation des enfants à la séparation de leurs parents.