1. Les modes alternatifs de résolution des conflits

Le mouvement Alternative Dispute Resolution (ADR), appelé aussi justice informelle, est apparu aux Etats-Unis dans les années 1970. Il avait comme objectif de faciliter l’accès à la justice et de permettre une plus large participation aux individus dans la résolution de leurs conflits. Dans cette impulsion, la médiation a été développée comme un nouveau mode de règlement des conflits, plus rapide, plus économique et plus informel.

Toutefois, ce mouvement comporte des divergences et des contradictions qu’il faut analyser pour mieux comprendre le développement de la pratique de la médiation et de ses principales caractéristiques.

Pour Faget (2005), les ADR répondent à deux objectifs contradictoires. Pour certains, il s’agit d’une stratégie militante qui dénonce le coût, la lenteur et l’inadaptation du système judiciaire aux besoins sociaux des justiciables. Ainsi, la médiation est vue comme un moyen de ne pas institutionnaliser un conflit et de permettre, dans son règlement, une plus grande participation des personnes.

D’autre part, et surtout pour les juristes, l’objectif principal de ce mouvement est en général d’alléger la surcharge de tribunaux engorgés de procédures judiciaires, en dirigeant une partie du contentieux vers les modes alternatifs de résolution des conflits.

Ainsi, les pratiques de médiation sont habituellement abordées en ayant comme objectifs principaux : désengorger les tribunaux du point de vue plutôt juridique et impliquer les personnes dans la régulation de leurs conflitsdans un domaine plutôt sociologique.

En effet, il existe un grand courant de pensée, comme celui des juristes (Faget, 1997 ; Bonafé-Schmitt, 1998, Spielvogel et Noreau, 2002) qui attribue l’apparition de ces nouveaux modes alternatifs de règlements des conflits aux transformations liées aux sphères publique et privée. Il s’agit d’un changement vers une justice plus informelle et participative qui favorise le règlement privé des conflits, c’est-à-dire l’impulsion de la part de l’Etat vers des formes alternatives et non judiciaires de résolution des conflits, l’Etat délégant son pouvoir décisionnel à la société civile.

D’ailleurs, la sociologue française Théry(2001) souligne que ce mouvement a développé, au cours du temps, une philosophie qui est celle de la redéfinition de l’objet du droit et de la justice. Il n’agit plus comme un moyen de protection des droits personnels, mais, notamment, comme un mode de satisfaction des besoins individuels et sociaux.

Ainsi, dans ce contexte d’un droit plus participatif, souple et informel, est apparue la justice restauratrice et de proximité comme étant un nouveauparadigme de justice et, à l’intérieur de ses pratiques, la médiation des conflits qui remettait en question le modèle traditionnel. De telles pratiques émergent d’une conception de la justice plus proche du citoyen et plus efficace et, parallèlement, la mise en œuvre de formes plus démocratiques et non imposées dans une plus grande concertation entre les acteurs sociaux impliqués.

On souligne, dans cette logique, le développement des maisons de la justice et du droit en France, dans les années 1980, « As casas da cidadania » au Brésil, dans les années 2000 et « Os julgados de Paz », au Portugal en 2001. De la même façon, le mouvement de la justice restauratrice, très développé dans certains pays, à l’exemple des EUA, du Canada et de la France, qui donne une plus grande place à la victime et essaie de réserver une place centrale aux délinquants, aux victimes et à la communauté en ce qui concerne la résolution de leurs problèmes.

En consonance avec ces modèles de justice plus démocratiques, on associe le développement des dispositifs alternatifs de résolutions des conflits, notamment la médiation, la conciliation et l’arbitrage. Les personnes et les juges ont la possibilité defaire appel à un tiers, afin de régler un conflit hors du système judiciaire.

« Les nouvelles formes de justice » Commaille (2007) ou les « modernités de la pratique judiciaire » (Bastard et Guibentif,2007) sont des procédures plus distantes de l’institutionnalisation et des lois qui sont imposées par une autorité supérieure. Il s’agit d’actions plus proches de la société elle-même. C’est un changement de paradigme pour aborderla « nouvelle » justice, d’une façon différente de la justice traditionnelle dont la structuration du monde était issue des lois déjà prescrites et basées sur la rigidité. C’est le renouvellement du système judiciaire, en privilégiant des formes moins autoritaires et beaucoup plus tournées vers les situations particulières que vers des règles généralistes, fondées exclusivement sur un code normatif.

Dans ces logiques, au-delà de la médiation, se retrouvent des pratiques innovatrices dans ces systèmes, à l’instar de l’avènement récent du droit collaboratif, (Faget, 2008) dans lequel les personnes organisent des rencontres conjointes entre les parties et leurs avocats pour résoudre les contentieux. L’avocat travaille dans une perspective plus pacificatrice et moins belliqueuse. Il s’agit d’actions plus participatives, afin de trouver des solutions sans avoir recours aux tribunaux traditionnels. C’est en quelque sorte une démonstration que le système légal et le droit se soumettent à des transformations.