2. La déjudiciarisation des conflits familiaux

C’est ainsi que, en fonction des mutations de la société, les droits des familles subissent en permanence deschangements et des adaptations. En fait, comme arguait Durkheim (1975), « ceux qui sont chargés d’appliquer le droit domestique ou de veiller à son application ont besoin de savoir quelle est la situation actuelle de la famille ; quels changements s’y sont produits, quels autres s’y préparent… » (pp. 31).

Parmi l’évolution du droit, notamment en ce qui concerne le droit de la famille, les modèles de mariage dans les sociétés occidentales sont l’une de ces principales transformations. Auparavant, il existait un seul type de famille, celle constituée par le mariage civil.

Le mariage-institution, fondé sur l’autorité paternelle, était conçu selon les intérêts de la société et de l’Etat (Commaille, 1982). Il s’agissait d’un modèle dominant dont l’objectif principal était la préservation et la transmission du patrimoine. Le choix des conjoints était fondé sur les intérêts patrimoniaux des familles et ce sont  les parents qui décidaient l’avenir de leurs enfants. Aujourd’hui, dans les sociétés occidentales contemporaines, la conception du mariage a changé, l’amour et l’aspect affectif sont les principales conditions de l’union conjugale. Si ces sentiments n’existent plus, le mariage perd son sens. Ce n’est plus la famille qui cimente un mariage, mais l’amour qui existe entre deux personnes qui constituent une famille.

Alors, le mariage devient de moins en moins une institution et de plus en plus un contrat entre deux personnes qui décident de rester ensemble tant que le sentiment d’amour et d’affectivité dure. Aujourd’hui, c’est habituellement l’enfant qui fonde la famille et non plus le mariage qui introduit la filiation. A titre d’information, dans de nombreux pays, la naissance des enfants hors du mariage est en constante augmentation. En France, d’après les statistiques, plus de 50% des enfants naissent hors du mariage. Les relations familiales sont devenues plus relationnelles (Singly, 2005) et la justice plus démocratique (Commaille, 2007), préservant la liberté des personnes dans la gestion de leur vie privée. C’est dans ce sens que plusieurs pays ont adopté le divorce administratif ou extrajudiciaire, à l’exemple du Canada, de la Russie, du Danemark, de la Norvège, du Portugal, de la Colombie, de Cuba et plus récemment du Brésil. Cette conception réduit l’intervention de l’Etat, à travers le système judiciaire, dans les affaires privées. L’Etat y privilégie des formes consensuelles et non-judiciaires de résolution des conflits.

Parallèlement, d’autres formes d’allègement procédural de l’intervention judiciaire sont aussi mises en place, sans pour autant faire appel à un pouvoir juridictionnel. Le recours aux modes alternatifs de gestion des conflits, moins formels et plus souples, est également influencé par cet argument.

En somme, la justice devient plus consensuelle et moins belliqueuse, privilégiant plutôt des accords que des désaccords, des formes plus flexibles et moins formalistes et d’autant plus participatives dans la résolution des conflits. C’est dans cette conjoncture que sont développées et institutionnalisées les expériences de médiation dans les contextes familial et pénal.

En France, la première loi concernant une plus grande déjudiciarisation des conflits a été mise en place dans le domaine pénal (loi du 04 janvier 1993 créant la médiation pénale et la réparation pour les mineurs délinquants), alors que, dans les tribunaux, cette activité était déjà pratiquée empiriquement depuis une dizaine d’années (Faget, 1997). Ensuite, vient la loi de la médiation judiciaire en procédure civile, que nous allons exposer ci-après. Ces lois ont pour but d’obtenir des accords plus consensuels en dehors du cadre des procédures judiciaires classiques.