3.1.2 Le divorce

En France, le divorce a suivi un grand parcours historique. En 1792, avec la Révolution Française, il a été légalisé et pouvait être prononcé, soit par consentement mutuel, soit dans le cadre de divorce litigieux. Toutefois, en 1816, il a été supprimé en raison des fortes pressions de l’église catholique. Ensuite, en 1884, avec la loi dénommée Naquet, le divorce a de nouveau été autorisé, mais à la condition qu’il ne soit que litigieux, en y précisant de graves fautes telles que l’adultère et les injures.

Par ailleurs, le divorce, depuis longtemps, est régulièrement associé à l’idée de faute et est fortement condamné. Lors de l’analyse des législations de plusieurs pays portant sur les raisons qui amènent à en finir avec un mariage, les notions d’injure et d’adultère sont toujours omniprésentes.

C’est à partir de 1975 que le divorce par consentement mutuel a de nouveau été institué. Pendant environ cent ans, la seule possibilité s’est résumée aux procédures d’un divorce contentieux (Thèry, 2001). Les personnes qui désiraient divorcer n’avaient qu’à imputer ou «inventer » une faute au conjoint pour obtenir le divorce. La simple affirmation disant que le mariage était fini en raison de l’absence d’amour dans le couple ne pouvait pas être acceptée. Il fallait attribuer une faute pour que le magistrat décide qui avait raison et qui avait tort. Ceci représente la logique de la culpabilité et du contradictoire du système judiciaire.

Toutefois, la réforme du divorce, qui a eu lieu à travers la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004, a provoqué des modifications pour simplifier et apaiser la procédure du divorce et c’est la tendance des législations contemporaines. Pour Segalen (2006), la principale modification de la nouvelle loi concerne plus spécifiquement la simplification des procédures. Il s’agit de l’obligation de réaliser une seule audience, dans le cas de divorce par consentement mutuel, au lieu des deux d’auparavant. En ce qui concerne le divorce pour altération définitive du lien conjugal, il peut être envisagé sur demande de l’un des deux conjoints et il peut intervenir à partir de la deuxième année du mariage au lieu des six ans antérieurs.

Plus précisément, l’innovation de la récente loi autorise un conjoint à rompre son union sans qu’il y ait eu de faute, mais tout simplement parce que la vie en couple est devenue insupportable. D’après Segalen (2006), le législateur a considéré qu’on ne peut pas obliger un couple à durer même s’il n’y a pas eu de « faute ». Toutefois, dans certains cas, la notion de faute continue, en accord avec la loi de 1975.

En effet, dans le droit français, quatre genres de divorces sont prévus : le divorce par consentement mutuel, le divorce accepté, le divorce pour altération définitive du lien conjugal et le divorce pour faute. Il est important de souligner que seul le premier type correspond à un divorce consensuel, les trois autres sont de nature contentieuse, mais ils peuvent se transformer en consensuel au cours de la procédure judiciaire, selon la volonté des parties (Miniato, 2004).

Ces quatre modalités de divorce, la majorité étant non consensuelle, révèlent la forte tradition du droit canonique à rendre plus complexes les procédures visant à rompre un mariage.

Pour certains juristes, ces réformes ne rompent pas radicalement avec le droit précédent. Les propositions innovatrices, recommandées dans les débats législatifs, n’ont pas été envisagées. En effet, la disparition du divorce pour faute qui y est proposée a été maintenue et la notion de faute dans des cas précis (Miniato, 2004).

Plusieurs pays, à l’instar du Canada, de l’Angleterre, de l’Allemagne, de l’Italie, de la Suède et des Pays-Bas, devant les inadéquations que la procédure du divorce pour faute crée dans la recherche d’accords, l’ont déjà supprimée dans leurs législations. Le divorce est alors simplement fondé sur le constat de l’échec du mariage sans toutefois imputer à l’autre une violation. Cette conception de faute, selon les sociologues juridiques, tend à envenimer encore plus le conflit en annulant les possibilités d’un accord. De plus, les notions de faute et de culpabilité comme causes du divorce ne correspondent plus à la réalité sociale des sociétés contemporaines.

De nos jours, dans une situation de divorce, dans la plupart des cas, les personnes, en général, ne veulent pas savoir juridiquement qui a raison et qui a tort ou qui gagne et qui perd. Un mariage ne se fait pas seul, mais à deux, alors la responsabilisation concerne le couple et non plus seulement une personne. On recherche avant tout la légalisation de la séparation par un acte légal.

Par ailleurs, en France, le divorce administratif, recommandé dans certains cas dans un projet de loi, n’a pas été accepté et autorisé par les législateurs. Le juge continue à être le seul professionnel à prononcer le divorce, même par consentement mutuel.

Le rapport de Serge Guinchard sur la réforme du droit français, présenté à la Ministre de la Justice, Madame Rachida DATI, en 2008 et mandaté par la Garde des Sceaux a été réalisé dans une perspective de modernisation de la justice française. Parmi les recommandations, il y avait la nécessité de simplifier certaines procédures judiciaires et de déjudiciariser certains contentieux dont celui du divorce par consentement mutuel. Malgré la demande de déjudiciarisation de la part du gouvernement français, dans les 65 propositions de la Commission du rapport, le maintien de la procédure du divorce par consentement mutuel devant le juge a été de nouveau recommandé, caractérisant ainsi la préservation de la « judiciarisation » du divorce consensuel. La commission a jugé que la réforme du divorce du 26 mai 2004 avait déjà beaucoup simplifié la procédure, réduisant le délai pour l’obtention d’un divorce de 9 mois à 3,7 mois.

Ainsi, la Commission jugea nécessaire la continuation de cette judiciarisation qui assure l’intérêt de l’enfant et celui des époux, des intérêts qui doivent rester « la pierre angulaire de toute législation sur le divorce » (Rapport Guinchard, 2008).

Foucault (2004) a interprété cette position comme le maintien de la tendance conservatrice des tribunaux et la domination idéologique du droit. Le discours actuel, appuyant l’intervention judiciaire, prétexte la sécurité juridique et la protection des plus faibles, mais en même temps le législateur veut rendre le divorce plus simple et plus amiable. Ainsi, les modifications demeurent plutôt limitées et l’intervention judiciaire est toujours très présente.Parallèlement, la loi sur la réforme du divorce du 26 mai 2004 a envisagé, pour la première fois, la possibilité de la médiation familiale en cas de désaccord. Cette réforme ne concerne pas exclusivement les revendications des couples mariés, elle s’adresse aussi à d’autres types d’union tels que les couples en union de fait et les couples du même sexe qui revendiquent une protection juridique.

Ainsi, plusieurs pays, notamment du continenteuropéen, devant l’émergence de ces nouvelles situations dans les sociétés, ont introduit dans leurs législations des lois visant à donner aux couples cités certains droits qui leur étaient auparavant refusés. Le Pacs, en France, en est un exemple.