3.1.4 La coparentalité ou l’autorité parentale conjointe

En ce qui concerne les responsabilités parentales, le droit de la famille, en France, a également subi d’importants changements comme l’exigence de la participation des deux parents dans la vie de leurs enfants, après une rupture conjugale. Dans la législation française, la coparentalité repose sur trois prémisses : l’égalité des genres ou une égale répartition des droits et des devoirs parentaux entre le père et la mère ; la coresponsabilité parentale et éducative, basée sur les droits des enfants à maintenir des contacts avec leurs deux parents, même après une séparation ; enfin, une plus grande participation du père dans la vie de ses enfants, après le divorce.

D’après Vauvillé (2003), la notion juridique du terme coparentalité se rapporte au principe de l’exercice conjoint de l’autorité parentale que le droit français impose graduellement, depuis 1970.

La loi du 27 juillet 1987, dite « loi Malhuret », reconnaissait l’exercice en commun de l’autorité parentale, aussi bien dans les familles légitimes séparées que dans les familles naturelles. Sur le plan juridique, les familles naturelles sont celles constituées sans le lien du mariage. Depuis l’introduction de cette loi, le terme « garde » est de plus en plus remplacé par celui « d’exercice de l’autorité parentale » assorti de la notion de « résidence habituelle » (Girot,1997).

La loi Malhuret sera complétée par la loi du 8 janvier 1993 qui affirme le principe de l’exercice conjoint de l’autorité parentale, quelle que soit la situation des parents (mariés, unions libres, divorcés, séparés). Cette loi n’oblige plus le juge à fixer la résidence des enfants comme cela était prévu dans la loi antérieure. L’intervention du juge pour fixer la résidence habituelle des enfants est prévuedans deux situations : en cas de désaccord entre les parents ou si l’accord est contraire à l’intérêt des enfants. Ainsi, dans cette logique, l’accord consensuel entre les parents prend toute son importance.

Suite à la mise en application de ces deux lois, celle de 1987 et celle de 1993, la coparentalité est devenue la norme dans les cas de séparation et de divorce (Anaut, 2005). En effet, avec ces deux lois, le droit français est en conformité avec la Convention internationale des droits des enfants de l’ONU du 20 novembre 1989 (Vauvillé,2003 ; Commaille, Shobe, et Villac, 2002). De plus, il se conforme aux articles 9-3 et 10-2 qui affirment le droit de l'enfant, séparé de ses deux parents ou de l'un d'eux, à entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec son père et sa mère, à moins que ce soit contraire à son meilleur intérêt. L’article 18-1, aussi, stipule que les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d'élever l'enfant et d'assurer son développement.

Ces deux articles ont élargi le concept de la coparentalité pour inclure la coresponsabilité parentale et le droit de l’enfant à entretenir des relations régulières avec ses deux parents (Vauville, 2003). Ce principe de la coparentalité, internationalement reconnu, est une exigence inscrite dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne de 2000.

D’autre part, Vauville (2003) argue que, si le législateur français a envisagé initialement l’introduction de l’autorité parentale conjointe, à partir d’une logique d’égalité entre hommes et femmes dans l’éducation des enfants et dans le partage des responsabilités au foyer, aujourd’hui le raisonnement n’est plus le même. La législation sur l’autorité conjointe est maintenant basée sur les droits des enfants plutôt que sur ceux des parents.

Toutefois, c’est à travers la loi du 4 mars 2002, concernant l’autorité parentale, que s’est généralisé le principe de l’autorité parentale conjointe, en donnant la possibilité à l’enfant d’avoir une résidence alternée. Elle permettait de déterminer la résidence de l’enfant en alternant le domicile de chacun des parents ou le domicile de l’un d’eux (article 373-2-9). L’intention de cette loi était de valoriser le rôle du père et d’encourager sa participation à l’éducation de ses enfants (Bastard, 2002),.

En effet, le texte législatif définit l’autorité parentale comme « un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant ». L’article 371-2 est ainsi rédigé : « Chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que les besoins de l’enfant ». Dans ce sens, la pension alimentaire est la responsabilité des deux parents selon leur revenu respectif. Quant à l’article 372, il stipule que les parents exercent l’autorité parentale en commun. Cette loi est venue définitivement sanctionner l’hébergement alterné. Le juge n’a plus besoin de fixer une seule résidence à l’enfant. D’après Théry (2001), cette législation voulait mettre un point final à la longue discussion qui existait avant sa promulgation, dans laquelle la jurisprudence estimait que la garde alternée, conformément à un courant de pensée alimenté par certains experts du divorce dans les années 1980 et 1990, nuisait à l’enfant. Ces experts, en provenance surtout du milieu psychosocial, déconseillaient la garde alternée parce qu’elle était contraire au bien-être de l’enfant.

De plus, au-delà du renforcement de la possibilité de fixer la résidence en alternance, l’article 373-2-9 prévoit encore que :

‘«  A la demande de l’un des parents ou en cas de désaccord entre eux sur le mode de résidence de l’enfant, le juge peut ordonner à titre provisoire une résidence en alternance dont il détermine la durée. Au terme de celle-ci, le juge statue définitivement sur la résidence de l’enfant en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un d’eux ».’

Cette disposition crée un autre débat parmi les sociologues, psychologues, juristes et praticiens. Plusieurs questions émergent. Est-il possible d’imposer une résidence en alternance sans l’accord des parents ? Cette imposition va-t-elle à l’encontre de la tendance des législations actuelles à stimuler l’autonomie des décisions chez les individus? Légaliser le principe de l’autorité parentale conjointe n’envahit-il pas la liberté des parents de décider ce qui est le mieux pour leurs enfants?

Toutefois, bien que la loi française ait établi la résidence en alternance, son utilisation peine à se réaliser en pratique. Comme l’indique Cadolle (2008), dans une étude du répertoire général civil du mode de résidence des enfants faisant l’objet d’une décision judiciaire depuis 2004, les résultats montrent que seulement 11% des enfants des parents séparés ont été l’objet d’une décision de résidence en alternance en 2005. Ainsi, la résidence habituelle de l’enfant est surtout chez la mère et non pas en alternance entre les deux foyers. En effet, la loi française n’établit pas un partage égal du temps entre un foyer et l’autre. Elle établit le droit pour l’enfant d’entretenir fréquemment des relations avec ses deux parents, ce qui ne signifie pas un partage égal du temps.

D’autre part, les intentions du législateur, qui visent à donner une plus grande participation au père séparé ou divorcé dans la vie de ses enfants, s’imposent progressivement (Dechaux, 2007). D’après cet auteur, au cours de la période 1986-1994, le pourcentage d’enfants qui résidaient avec leur mère et avaient des contacts avec leur père au moins tous les quinze jours est passé, pendant cette période, de 31% à 42%, et l’on y constate une évolution vers une plus grande présence du père non gardien dans la vie de son enfant.

Vauvillé (2003) souligne que même si la résidence habituelle est surtout chez la mère, cela ne veut pas dire qu’elle soit un parent préférentiel, ce serait contraire à la coparentalité. La prédominance des enfants chez la mère est, avant tout, une construction sociale et culturelle.

De plus, selon les études de Théry (1998), le développement du principe de la coparentalité sert à atténuer les conflits entre les parents. Ce principe va aider à diminuer l’angoisse de ceux qui sont déjà séparés et à éliminer la peur d’être dépossédés de leur identité de père ou de mère, ou l’appréhension pour l’enfant d’être obligé de « choisir » l’un des deux.

Dans la perspective de préserver les liens affectifs et sociaux des enfants avec leurs parents et leurs proches, la loi concernant l’autorité parentale prend aussi également en compte les familles recomposées. Elle prend en considération l’existence des tiers dans la vie des enfants, une condition fréquente dans les séparations conjugales. Commaille (2003) souligne que cette loi permet à un enfant séparé d’un proche, notamment d’un beau-parent, le droit d’entretenir des rapports avec ce dernier.

Enfin, cette loi tient également compte de la possibilité de la médiation familiale en cas de désaccord.