3.2.5 Les projets de loi concernant la médiation

La grande majorité des projets de loi sont proposés sans faire de distinction entre la conciliation et la médiation et suivent la logique juridique habituelle, fondée sur les procédures classiques du droit.

En fait, le premier projet de loi nº. 4827/98, réglementant la médiation dans le nouveau Code civil, traite la médiation comme une autre mesure de prévention et de solution consensuelle des conflits dans la sphère civile.

L’article 3 définit ainsi la médiation:

‘« Une activité technique exercée par un troisième impartial qui, choisi ou accepté par les parties intéressées, les écoute, oriente et stimule, sans présenter de solutions, dans l’intention de leur permettre de prévenir ou de résoudre des conflits d’une façon consensuelle ». ’

Dans ce projet, comme mentionné à l’article 13, la médiation est vue comme une activité technique et les médiateurs sont considérés comme étant des auxiliaires de la justice.

La médiation pourrait s’étendre sur tout le conflit ou seulement une partie et peut être judiciaire et extrajudiciaire. L’accord de la médiation devra être signé par le médiateur, judiciaire ou extrajudiciaire, par les parties et les avocats et constitue un titre exécutif extrajudiciaire. La médiation extrajudiciaire sera homologuée par le juge, indépendamment du procès. Les avocats seront les médiateurs judiciaires, ayant trois ans d’expérience dans leurs activités professionnelles, diplômés, sélectionnés et inscrits au registre des médiateurs du Tribunal. Le projet mentionne la médiation extrajudiciaire, sans toutefois la définir. Ce projet de loi prévoit que les Tribunauxconjointement avec l’Ordre des avocats du Brésil et avec les juristes spécialisés en médiation et autorisés par les Tribunaux de leur province respective seront les responsables de la formation et de la sélection des médiateurs. La co-médiation avec un professionnel spécialisé dans le domaine du conflit est permise et même obligatoire lorsque la controverse soumise à la médiation a des implications pour le droit de la famille. Le co-médiateur sera alors un psychologue, un assistant social ou un psychanalyste.

En ce qui concerne le processus de médiation, le projet de loi prévoit que la médiation demeurera confidentielle et que le médiateur devra procéder avec impartialité. Il est interdit de donner des suggestions ou des recommandations, de l’aide professionnelle, même légale, ou de les conseiller. Toutes pressions ou contraintes pour obtenir une entente sont interdites. Sans en préciser les modalités, il est prévu que le médiateur sera rétribué.

Ce projet a déjà été modifié plusieurs fois depuis sa rédaction initiale. Il est pourtant déficitaire sous divers aspects, notamment quand il limite la pratique de la médiation judiciaire à un professionnel du droit, rejetant ainsi les principes de l’interdisciplinarité sur lesquels la médiation, surtout la familiale, se fonde. Pour quel motif le médiateur judiciaire devrait-il exclusivement être un avocat? Comment exiger du médiateur la seule formation en droit si la médiation s’appuie sur d’autres savoirs tels que les techniques de gestion des conflits, les techniques de communication, sans s’appuyer pour autant sur les savoirs juridiques? Ces questions nous interpellent. D’après la juriste Cachapuz (2003), rien n’empêche l’avocat d’assister son client lors de la médiation, l’incohérence est de le forcer à être médiateur. Au moment où le système judiciaire est en crise, il serait opportun de sortir du cadre traditionnel de l’administration de la justice, de recourir à d’autres méthodes de gestion des conflits telles la médiation familiale et de faire appel à d’autres professionnels que les juristes pour contrer les litiges familiaux. Ce projet de loi est dans la même lignée que la loi de la médiation et de la conciliation en Argentine. D’après Alvarez et Highton (1999), la loi argentine nº 24573/98 a institué la médiation obligatoire préalablement à une procédure judiciaire. Cette loi exige que le médiateur soit un avocat possédant deux ans d’expérience dans l’exercice de sa profession et ayant complété une formation de 40 heures ainsi qu’un stage de 20 heures.

Aussi, un autre projet de loi(nº 1345/03)prévoit la modification du nouveau Code Civil et établit que dans les Tribunaux d’instance de formation ordinaire il y aura des chambres de médiation et de conciliation qui pourront être composées de juges qui ne sont pas des magistrats.2Ce projet ne fait pas de différence entre conciliation et médiation. Il y a confusion dans les termes. « Il faut une définition suffisamment rigoureuse pour rompre avec le syncrétisme qui menace la médiation, mais suffisamment large pour ne pas la tronquer ou la scléroser » exprimait Guillaume-Hofnung (2005,pp. 4). Ce projet suit la tendance à introduire des méthodes de résolution des conflits comme moyen d’accès à une procédure judiciaire plus rapide.

Parallèlement, un autre projet de loi, (n° 599/03 attaché au PL 5696/01) traite de la création d’un Tribunal spécial destiné aux affaires familiales, faisant appel à la médiation et à la conciliation. Il s’agit d’un tribunal particulier qui rend un jugement plus rapide que les procédures traditionnelles du Code de procédure civile. Également,la méthode de la conciliation bien connue dans le système judiciaire utilisant la nomenclature de la médiation sans préciser sa fonction et ses principes éthiques existe dans les Tribunaux spéciaux civils et criminels, excluant les questions familiales (loi 9099/95).

Au moment où un débat sur la mise en place des tribunaux spéciaux de la famille est d’actualité, ce projet de loi ne fait pas de distinction entre la conciliation, déjà prévue dans la loi 9099/95 et la médiation familiale. Ici, la préoccupation du législateur est davantage de permettre l’accès à une justice informelle, plus rapide et moins onéreuse, que d’actualiser les objectifs poursuivis en médiation familiale, notamment de gérer positivement les conflits.

En somme, ces textes législatifs dénotent une méconnaissance de la médiation et véhiculent plusieurs imprécisions. On désire à tout prix créer des procédures judiciaires innovatrices sans avoir au préalable pris le temps de réfléchir sur la nature et les principes de ce nouveau mode de règlements des conflits. En même temps que les législateurs désirent créer d’autres façons d’administrer la justice, ils reproduisent le même modèle sous un nouveau nom : « médiation ». Sur les contradictions de l’institution judiciaire, Théry (2001) affirme « qu’il s’agit de proposer non pas des réformes, des aménagements, mais une conception de la justice entièrement différente, fondée sur d’autres bases, d’autres valeurs, d’autres définitions et d’autres objectifs » (pp. 373).

D’autre part, dans ces projets de lois, on y retrouve la question des enjeux professionnels et des pouvoirs corporatistes comme l’exigence que le médiateur soit un avocat. Comme il s’agit d’une pratique préconisant une vision nouvelle et basée sur des valeurs et des savoirs différents de la pratique du droit, il est difficile de comprendre le sens de cette imposition. Dans cette perspective, Foucault (2004) révèle que le système judiciaire, les institutions et les règlementations sur lesquelles repose le droit sont des relations de domination, de pouvoir et de stratégies de soumission. Sur le même sujet, les commentaires de Faget (2008 ;pp79) « sur la résistance des avocats craignant de voir se fissurer leur monopole sur le marché des conflits familiaux» sont révélateurs. La médiation doit se développer et devenir un outil accessible au grand public sans toutefois tomber dans les pièges de domination du système légal.

Le projet de loinº 505/2007mis de l’avant par l’Institut Brésilien de Droit de la Famille modifierait le dispositif du nouveau Code civil de 2002 en suggérant l’utilisation de la médiation familiale pour réguler des effets de la séparation et du divorce. L’article 1.571 § 3  stipule que: « dans la séparation et le divorce, le juge devrait stimuler la pratique de la médiation familiale ». Ce projet a été le seul qui a clairement mentionné la médiation en matière familiale.

En résumé, dans les projets de loi, au Brésil et dans d’autres pays où la médiation est en développement, il y a souvent confusion sur la méthode; on considère la conciliation et la médiation comme des synonymes. Cependant, là où la médiation familiale est déjà légalisée et institutionnalisée, cette confusion se dissipe et les différences entre les deux méthodes deviennent évidentes. Comme le soulignent Sellenet, David et Thomère (2007)

« l’abus de l’usage du terme médiation conduit à des incohérences évidentes et à des conflits entre les statuts et les métiers, qui pourraient être évités si chacun respectait la richesse sémantique des termes mis à notre disposition. Si la médiation et la conciliation peuvent avoir des rapports de cousinages il ne son pas pour autant jumeaux » (pp. 173).’

En définitive, le Brésil doit s’inspirer des expériences de médiation familiale qui se sont avérées positives dans d’autres pays pour développer des services de médiation fidèles, à la fois, aux principes de l’approche et à l’esprit d’un mode de gestion de conflits interpersonnels basée sur la communication et le dialogue.

Notes
2.

Ces juges sont dénommés ‘’juízes leigos’’. Ce sont des personnes de confiance du magistrat ou des stagiaires du droit qui font la conciliation. Dans la plupart des cas, ces personnes n’ont pas de formation spécifique en médiation. C’est le juge qui leur donne ses instructions.