4.2 En Angleterre et en Norvège

En Angleterre,la loi de 1996 (Family Law Act) a conféré un cadre juridique à la médiation familiale en Angleterre et au Pays de Galles. Le législateur, comme au Québec, a préféré la médiation préalable à une procédure judiciaire mais seulement en cas d’aide judiciaire. Ainsi, une personne ne pourra pas intenter une action en justice portant sur une affaire familiale sans avoir eu d’abord un entretien avec un médiateur. La loi s’applique aux conflits familiaux en général et ne se restreint pas aux cas de séparation et de divorce. Toutefois, cette disposition ne s’applique pas s’il y a un historique de violence familiale ou des problèmes de protection de l’enfant ou lorsque l’autre partie a déjà entamé une procédure en justice.

En Angleterre, la médiation n’est pas obligatoire, elle est volontaire. Le médiateur doit s‘assurer que les deux parties acceptent librement et veulent poursuivre le processus de médiation (Parkinson, 2004). Ainsi, l’état subventionne la pratique de la médiation par la voie de l’aide juridique. Dans cette législation, les avocats sont obligés d’informer leurs clients de la possibilité de rencontrer un médiateur payé par l’Etat avant d’obtenir de l’aide judiciaire pour une action en justice. L’investissement dans la médiation familiale de la part du gouvernement anglais a amené un grand nombre d’avocats à mieux connaître la pratique de la médiation et plusieurs d’entre-eux ont voulu profiter des subventions publiques destinées aux activités de médiation (Roberts et Roberts, 2001).

En donnant priorité à la médiation antérieure à la saisie par le tribunal, la médiation familiale canadienne aussi bien que la médiation familiale anglaise ont choisi une plus grande décentralisation et déjudiciarisation des conflits privés. Toutefois, même en étant volontaire, l’obligation demeure pour les familles de s’adresser au médiateur familial avant d’entamer une procédure judiciaire, la première séance d’information demeurant toujours obligatoire. Cette obligation est une stratégie pour faire connaître auprès du public la médiation comme nouvelle façon de gérer les conflits interpersonnels. Si, au Canada, la médiation subventionnée par l’Etat s’adresse à tous les citoyens, en Angleterre, elle est disponible gratuitement seulement pour ceux qui sont éligibles à l’aide juridique. Comme il est traditionnel pour les Anglais de promouvoir l’assistance sociale par l’intermédiaire du développement des services bénévoles, la médiation familiale a aussi commencé de façon bénévole (Roberts et Roberts, 2001). Cette mesure, bien que louable, peut donner l’impression que la médiation s’adresse surtout aux classes défavorisées alors qu‘elle est disponible pour tous les individus, indépendamment de leur classe sociale.

En Norvège,depuis la loi sur la réforme du mariage en 1993, les couples mariés avec des enfants de moins de 16 ans doivent participer à une séance de médiation avant d’obtenir une séparation ou un divorce. La médiation est exigée avant toute requête judiciaire concernant un conflit à propos des enfants, ou une requête soumise au Gouverneur du Comté ou au tribunal. Dans les pays scandinaves, il y a deux sortes de divorce: le divorce administratif ou le divorce judiciaire.

Selon Parkinson (2004), la médiation familiale en Norvège ou Grande-Bretagne  partage les mêmes valeurs :

  • la vie familiale continue au-delà d’une rupture conjugale;
  • les enfants ont toujours besoin des deux parents;
  • les décisions prises par les parents sont plus durables que celles qui sont prises par d’autres personnes; 
  • des accords mutuellement acceptables peuvent être obtenus en médiation.

D’ailleurs, ces valeurs sont partagées par la majorité des législations qui ont intégré la médiation à leur système judiciaire.

Parkinson (2004) affirme que la médiation norvégienne joue un rôle éducatif auprès des parents, spécialement au moment du divorce et de la séparation. Le médiateur informe les parents des résultats des recherches les plus récentes sur le divorce et les sensibilise aux conséquences négatives des conflits parentaux sur les enfants.

Sans vouloir couvrir toutes les législations sur la médiation familiale à travers le monde, il faut mentionner qu’aux États-Unis, notamment en Californie, la médiation familiale est obligatoire pour les parents divorcés qui éprouvent des conflits de garde et d’accès (Noreau et Amor, 2004).

En ce qui concerne les objectifs de la médiation, il y a aussi des différences importantes d’un pays à l’autre. Si, dans certains pays, le médiateur joue avant tout un rôle éducatif au moment de la séparation des couples, dans d’autres pays, il met l’accent sur les liens parentaux ou sur l´humanisation du divorce ou encore sur l’accessibilité à la justice.

En somme, les choix visant à insérer la médiation familiale dans les textes législatifs varient d’un pays à l’autre et dépendent notamment des buts privilégiés par le législateur. D’abord, dans une perspective de la déjudiciarisation de conflits, on promeut la médiation extrajudiciaire et on l’inscrit dans la loi ou encore on privilégie la médiation judiciaire et on laisse au juge la décision de la pertinence ou non d’ordonner une médiation. L’insertion de la médiation familiale dans les textes législatifs contemporains se fonde spécifiquement sur les recommandations de conventions européennes et internationales qui encouragent la pratique de la médiation familiale comme un mode efficace et coopératif de règlement de conflits.