1.1 Médiation: profession ou fonction?

Pour Hofnung (2005), la médiation est une fonction que l’on exerce et qui demande un savoir spécifique. Ainsi, les idées telles que « j’ai déjà fait de la médiation » ou « on naît médiateur » sont dénoncées par l’auteur comme étant les deux syndromes qui menacent la pratique. En effet, on ne naît pas médiateur, on devient médiateur d’après Six (2001). La formation à la médiation est une contrainte éthique qui garantit la qualité de cette nouvelle pratique. C’est une compétence qui s’acquiert. La formation du médiateur comprend une méthode qui enseigne à penser, à réfléchir, à développer la capacité d’élaborer des stratégies. Le médiateur ne donne pas de recettes, mais il incite à découvrir de nouvelles façons d’agir et d’interagir.

La médiation, en tant que profession, produira les risques du mal de la spécialisation et la fragmentation des disciplines professionnelles caractéristiques du XIXème siècle. Pour Bonafé-Scmitt (1999), la professionnalisation dépossède les individus de la gestion de leurs conflits, car elle suggère la condition d’expertise. La médiation, comme nouveau modèle de régulation sociale, suppose un autre mode d’action basé sur la décentralisation, la déprofessionnalisation et la déjudiciarisation. La professionnalisation anéantit les présupposés de base et de la nature de la pratique. Cette notion risque d’amener la pratique à un aspect très technique, d’un savoir spécialisé qui ne prend pas en compte la complexité des phénomènes humains sur laquelle s’appuient ses fondements. Comme le souligne Dumoulin (2002), l’idée de professionnalisation nous ramène à une critique des formations actuelles, considérées comme trop techniques et insuffisamment réflexives et éthiques. Pour ce qui est de professionnaliser la médiation, elle deviendrait une partie d’un modèle dominant qui sera reconnu et protégé par les pouvoirs publics.

Dans cette logique,l’important serait de développer la médiation plus généraliste et non spécialisée. On retrouve ici les idées de Warat (2001) qui souhaitait que la médiation soit une vision de monde, fondée sur l’autonomie, la citoyenneté, la démocratie et les droits humains. Elle n’est pas vue comme une technique mais comme une forme de culture qui doit être comprise dans sa globalité. Elle exige une compréhension totale des comportements humains et non des savoirs fragmentés comme ceux que les juges ont échafaudés à partir de la seule norme juridique. D’après cet auteur, la spécialisation de la médiation se retrouve dans le paradigme de la modernité qui enferme les personnes dans un savoir unique et fractionné. Elle doit être entendue comme une philosophie qui comprend la complexité des phénomènes humains, basée sur l’éthique de la communication.

En somme, il s’agit d’une approche plutôt politique qui perçoit la médiation non pas comme un simple mécanisme de résolution des problèmes, mais surtout comme une façon de construire la société.