2.2 La médiation interdisciplinaire

Ce modèle a une connotation plus large et non-restrictive à la médiation comme simple technique de résolution de conflit. La pratique est conceptualisée, notamment, comme un processus au lieu d’une procédure.Processus dans le sens d’évolution et de croissance personnelle, qui passe surtout par la chaîne de la communication. Dans cette approche, soulignons le modèle de médiation interdisciplinaire du Québec qui intègre les aspects psychosociaux et juridiques (Lévesque, 1998). Ce modèle vise l’intégration des pratiques des médiateurs issus particulièrement des domaines psychosocial et juridique (Lambert et Bérubé, 2000). Également le modèle de médiation familiale français, centré sur les liens parentaux et familiaux se situe dans ce courant. (Avila et Anaut, 2008).

La déjudiciarisation des conflits familiaux est importante dans ce courant où domine la sphère privée des relations familiales. Les conflits sont davantage perçus dans une optique de nature relationnelle, psychologique et sociale que simplement juridique. Elle privilégie un modèle du divorce dédramatisé dans lequel la séparation de couple n’est pas vue comme la fin de la famille, mais une réorganisation que l’on doit mettre en place pour que son fonctionnement soit le plus satisfaisant possible (Bastard, 2002).Bien que l’atteinte d’un accord fasse partie de cette approche, ce n’est pas le principal objectif. L’important, c’est la qualité des relations interpersonnelles et la préservation des liens familiaux et parentaux.

D’après Savourey (2008), la médiation est un soutien à la parentalité et à la coparentalité. Ici, l’objectif poursuivi en médiation est de soutenir les responsabilités parentales afin de garantir la continuité des soins à l’enfant, d’assurer sa protection et d’aider à la construction de son identité. Le soutien à la coparentalité consiste aussi à maintenir l’accès aux deux parents et à encourager chez eux des attitudes de collaboration et de coopération. Ainsi, la médiation familiale permet un espace qui permet la coparentalité, même dans des circonstances difficiles. La logique de la médiation est la restauration du lien entre les personnes ((Faget, 2001). Elle permet de consolider la parentalité en développant une identité parentale, en réaffirmant l’importance de leur rôle et en les incitant à prendre leurs responsabilités. Elle fait « survivre la parentalité au naufrage de la conjugalité ». 

De plus, les études de Spielvogel et Noreau (2002) soulignent que la médiation dite « relationnelle » s’appuie notamment sur le rétablissement des liens familiaux. Il s’agit de la préservation de relations satisfaisantes entre les parents et les enfants et entre les parents eux-mêmes. C’est un processus qui focalise sur les liens tissés dans la famille. Contrairement au modèle axé sur la résolution des problèmes, on envisage le conflit en termes de croissance personnelle et l’on privilégie la capacité des personnes à procéder aux changements que la situation de rupture leur impose. Ainsi, le conflit n’est pas perçu sous l’angle d’une structure conflictuelle, mais plutôt sous la perspective d’un désarroi circonstanciel que les parents maîtrisent difficilement sans l’aide d’une communication directe et efficace. Il s’agit d’une approche plutôt préventive que curative et d’une conception différente de voir la médiation caractérisée non pas par la défense des droits individuels mais par une réponse aux besoins personnels des parents et surtout des enfants. C’est reconnaître la parentalité dans des circonstances difficiles et de faciliter la reconfiguration familiale dans ce passage obligé de la conjugalité vers la coparentalité. Dans ce modèle, les impératifs légaux ne sont pas négligés ; ils sont tributaires de la gestion des aspects relationnels et émotionnels d’un conflit familial.Le rôle du médiateur est défini comme un accompagnateur du processus de médiation, un rôle moins directif que celui décrit dans le modèle précédent. Au Québec, de façon générale, c’est le modèle privilégié par travailleurs sociaux (Spielvogel et Noreau, 2002).

Dans ce modèle, la participation des enfants au processus de médiation est facultative; elle dépend des médiateurs. Les uns favorisent la présence physique des enfants alors que, pour les autres, cette présence n’est que symbolique.

Enfin, si l’on compare les deux modèles, l’un est axé sur l’obtention d’un accord et l’autre sur la résolution des problèmes. En d’autres termes, l’un privilégie le résulat, l’autre met l’emphase sur le processus (Kressel & al.,1994).