3.2 Une logique communicationnelle

Sur la théorie de l’agir communicationnel et de l’éthique de la discussion, le philosophe allemand Jürgen Habermas (1987) a conceptualisé une théorie de la société en s’appuyant sur les concepts d’une rationalité communicative orientée par l’intercompréhension subjective entre les personnes. La théorie de l’agir communicationnel a comme but une finalité émancipatoire qui est basée sur une théorie évolutive de la société avec comme élément principal la raison communicationnelle. Habermas (1987) différencie deux types de rationalité: l’agir communicationnel et l’agir instrumental. L’agir communicationnel se caractérise par l’intercompréhension alors que l’agir instrumental estbasé sur la finalité. En effet, l’agir instrumental est constitué par l’imposition des opinions subjectives, de la manipulation des personnes concernées ou leur utilisation comme objet afin d’obtenir leurs propres fins ou dans une certaine finalité, une sorte d’agir stratégique. Dans ces conditions, cette logique est constituée par la manipulation instrumentale alors que l’intercompréhension subjective est fondée sur l’agir communicationnel.

D’après le professeur Pinzani (2009), le modèle de l’agir communicationnel se rapporte à l’interaction d’au moins deux sujets qui sont capables de parler et d’agir et qui cherchent une intercompréhension de l’action. Le langage est donc fondamental pour la définition de cette rationalité. Alors que l’agir instrumental permet le consensus sur la réalisation des objectifs, la rationalité communicationnelle s’oriente sur la validation de la communication où les actions ne sont pas toujours orientées vers leurs résultats, mais surtout sur une compréhension mutuelle.

Habermas dégage trois fonctions de l’agir communicationnel: le savoir culturel, l’intégration sociale ou solidarité et la formation de l’identité personnelle. Sur cette dernière fonction, l’auteur se réfère aux compétences qui permettent aux individus d’agir et de parler. De telles compétences sont en lien avec l’un des principes de base de la médiation qui souligne le besoin de reconnaissance personnelle et réciproque pour effectivement réaliser une médiation.D’aprèsHabermas (1987),un consensus ne peut être atteint qu’à travers un processus concret de la compréhension de l’intersubjectivité. En effet, une norme n’a de valeur que dans la mesure où elle prend en compte les intérêts de tous les individus. Ce n’est que l’effective participation de chacune des personnes concernées qui peut faire reconnaître les intérêts respectifs. Ainsi, toute forme de coercition et d’inégalité est interdite et les personnes doivent et peuvent manifester leurs attitudes, désirs et besoins. Le discours éthique n’est pas validé que par la justification des normes, mais aussi pardes raisons qui peuvent être acceptées par toutes les personnes concernées.

Guillaume-Hofnug (2005) souligne que les propos d’Habemas ont leur pertinence en médiation en raison de la place qu’il accorde à l’éthique de la discussion. Celle-ci repose sur la reconnaissance de la valeur de l’autre. Par ailleurs, Bonafé-Schmitt (1998), utilisant les types de rationalité identifiés par d’Habermas (1987) soit l’agir communicationnel et l’agir instrumental, a évalué les différentes logiques de médiation en cours dans les sociétés. Il argue que la médiation sociale,dite aussi « de quartier », agit sur la logique communicationnelle, alors que la médiation légale agit plutôt sur une logique instrumentale.

En définitive, la théorie de l’agir communicationnel d’Habermas (1987) est un excellent cadre conceptuel pour la pratique de la médiation puisqu’elle donne une grande place à la communication, à la participation et à la reconnaissance d’autrui. Dans une société de plus en plus pluraliste où les formes les plus démocratiques de socialisation et de communication s’imposent, cette théorie prend tout son sens.

Avant de présenter les résultats de la présente étude, il convient d’examiner les critiques des professionnels et des chercheurs sur ce nouveau champ de pratique, appelé médiation familiale.