4.3 L’individu idéal responsable

La personne idéale, responsable et autonome telle que décrite dans les sociétés occidentales est un mythe qu’il faut relativiser. Dans une analyse sociologique et ethnographique sur cette question, Kaufmann (2008) l’a nommé « la fabrique sociale du sujet ». Il dénonce l’idéologie de la représentation de l’individu rationnel et autonome que les sociétés veulent imposer. D’après lui, cet individu est en surface, en tendance, mais en réalité, dans le quotidien de sa vie privée, il est moins autonome et moins rationnel qu’on l’imagine. Sur le plan psychique, certains individus en situation de séparation conjugale ne veulent pas agir comme des individus autonomes et responsables (Ducousso-Lacaze, 2005). Cela est bien courant dans les cas où les parents impliquent leurs enfants dans le conflit et n’agissent pas comme des parents responsables. Dans certains cas, ces conflits ne peuvent pas se réduire à un simple problème de communication. Le médiateur doit tenir compte de ces situations plus complexes et réaliser les limites de ses compétences professionnelles. Un modèle idéal de vie après le divorce ne doit pas être imposé. Dans le même ordre d’idée, Bastard (2001) remet en question l’existence soudaine et spontanée d’aptitudes à négocier qui n’existaient pas durant la vie conjugale.

Ces réflexions interpellent le médiateur familial sur le modèle idéal de coparentalité ou encore sur celui d’un divorce réussi, proposés par le législateur. Il n’y a pas de modèle idéal qui conviennent à toutes les situations. S’il est normal pour le Droit de prescrire des normes qui sont jugées idéologiquement appropriées, il est de mise pour le médiateur d’agir avec prudence et d’exercer son jugement professionnel pour répondre aux besoins différenciés des personnes et des familles qui font appel à ses services. Si la coparentalité demeure un objectif pour le médiateur, il ne doit pas oublier qu’il privilégie la compréhension des enjeux et le pouvoir décisionnel des personnes. En d’autres termes, la médiation essaie de diminuer les « effets dévastateurs du divorce » sans pour autant prescrire un modèle de divorce idéal (Poussin, 2004).