1.2.3 Modes d’intervention du médiateur

L’effet d’une plus grande instrumentalisation de la médiation au Brésil est plus évident, par rapport au médiateur français, au moment d’analyser les modes d’intervention du médiateur. En France, le médiateur familial a besoin, dans la plupart des cas, de quatre ou de plus de quatre séances de médiation. Ceci caractérise une approche plus thérapeutique nécessitant d’un plus grand nombre de rencontres. Ces séances sont utiles pour que les personnes puissent prendre des décisions réfléchies à propos de leur séparation.

D’autre part, au Brésil, la majorité des médiateurs de notre échantillon a besoin d’un nombre plus limité de rencontres, en moyenne trois séances, ce qui nous montre une pratique moins thérapeutique et davantage orientée vers le résultat.

De plus, nous avons constaté que dans les deux pays, ce sont surtout les psychologues qui réalisent plus de séances de médiation, et ils demeurent fidèles à leur formation d’origine, l’intervention thérapeutique exigeant un temps d’intervention plus grand. Cette influence des professions d’origine dans la pratique de la médiation a été examinée par les études de Sarrazin et al (2005), Sarrazin et Lévesque (2001) et Highton et Alvarez (1999). Cette même tendance s’est retrouvée chez les répondants.

Quant à l’effet d’instrumentalisation de la pratique, il est plus évident dans les cas des médiations judiciaires, aussi bien en France qu’au Brésil. En France, dans les cas de médiation extrajudiciaire, 86,6% bénéficient de quatre ou plus de quatre séances, contre 60% dans les cas de médiation judiciaire. Au Brésil, les résultats sont plutôt significatifs. Dans le cas de la médiation légale, 63,6% des cas n’ont réalisé à peine qu’une ou deux séances et 75% des médiations extrajudiciaires ont eu de trois à quatre séances. Ces réponses montrent plus clairement que la médiation judiciaire au Brésil est associée à la pratique de la conciliation, couramment utilisée dans les pratiques de la justice. Comme l’a précisé une médiatrice interviewée : « le magistrat a des difficultés à différencier la médiation de la conciliation judiciaire ».

A ce sujet, Guillaume-Hofnung (2005) avait déjà observé que la médiation judiciaire est une simple modalité de la procédure de conciliation très connue des acteurs juridiques. Il faut souligner qu’au Brésil, certaines expériences, appelées « médiations judiciaires », sont réalisées à la demande des magistrats auprès des professionnels du droit, du service social et de la psychologie. Habituellement, la médiation est réalisée dans une salle d’audience au Palais de Justice, dans laquelle le juge ordonne aux personnes d’y rencontrer les « médiateurs ». Dans la plupart des cas, une seule séance de « médiation » est réalisée, d’une durée approximative de 40 minutes. L’objectif en est la rapidité processuelle et l’accord.

Cette logique est en accord avec les façons de procéder de la justice traditionnelle qui est davantage décisionnelle que relationnelle. Il n’existe pas vraiment d’investissement d’une culture de médiation ou de valorisation d’une autre façon de régler les conflits. Ce qui importe vraiment, c’est l’obtention d’un accord, dont la médiation judiciaire est l’instrument permettant d’atteindre cet objectif.

Au Brésil, d’autres raisons expliquent le nombre réduit de séances par les médiateurs. Certains d’entre-eux ont indiqué le manque de disponibilité des personnes et des obstacles économiques à l’accomplissement de la médiation. Au sujet du manque de disponibilité des personnes pour participer à une médiation, Pinzani (2009), se rapportant à Habermas dans ses écrits sur l’éthique de la discussion, a signalé que le modèle de solution consensuelle des conflits n’est pas dominant dans la société. Ainsi, les personnes n’ont pas l’habitude de dialoguer en accordant du temps à un tel exercice, ou alors, les discours sont interrompus prématurément. De plus, la hantise du couple à vouloir résoudre rapidement le conflit et le manque de temps du médiateur qui, habituellement, cumule deux fonctions, ne permettent pas le nombre de rencontres nécessaires à une médiation réussie.

Enfin, l’analyse des résultats de l’étude démontre que la médiation extrajudiciaire s’intéresse aux aspects relationnels de la vie de couple alors que la médiation judiciaire s’intéresse à trouver un dénouement à un litige en cours.

En résumé, les conclusions de Bonafé-Schmitt (2001) sont corroborées par nos données et soulignent que la médiation agit à travers une rationalité communicationnelle et que la médiation en contexte judiciaire, elle, emploie plutôt une logique instrumentale. Ainsi, notre étude suggère que la médiation familiale doit prioritairement se développer dans un contexte non judiciaire.