1.3.1 La qualification et la professionnalisation du médiateur familial

Comparé au médiateur français qui possède un niveau de formation très élevé comprenant 300 heures d’enseignement dans le domaine familial, le médiateur brésilien répond à des exigences pédagogiques beaucoup moins grandes. Seulement 10% ont plus de 300 heures et la plupart des médiateurs (48.3%) ont complété entre 41 et 100 heures de formation théorique. Le niveau élevé de qualification de la part du médiateur français peut être justifié par la création du diplôme d’état du médiateur familial (décret de loi 2003) qui requiert un nombre supérieur à 300 heures de formation professionnelle.

En ce qui concerne les organismes de formation en médiation familiale, la recherche a indiqué des différences importantes entre les deux pays. Alors qu’en France, les instituts, les associations et les universités sont les principaux organismes responsables de la formation du médiateur familial, au Brésil, ce sont surtout les tribunaux qui sont les principaux responsables de cette formation. De plus, au Brésil, les universités et, notamment les associations, ne jouent pas un rôle important comme organismes formateurs. Le secteur associatif y est beaucoup moins développé.

Les résultats de la recherche sont en lien avec les études réalisées en 2005 par le Ministère de la Justice du Brésil, citées précédemment. D’après ces études, les professionnels du système judiciaire sont les principaux bénéficiaires des formations sur les modes alternatifs de gestion des conflits. Aussi, la majorité des programmes a investi dans une formation très rapide, environ 40 heures, surtout dans les organismes gouvernementaux.

Ces études ministérielles proposent cinq grandes recommandations afin de construire une politique publique de médiation au Brésil:

  • valoriser et soutenir l’importance des expériences de médiation et favoriser la qualification adéquate du médiateur ;
  • favoriser l’engagement des universités dans la formation des nouveaux médiateurs et les inciter à offrir de cours théoriques et pratiques dans cette nouvelle discipline;
  • encourager l’interdisciplinarité et la multidisciplinarité dans l’offre de services de médiation ;
  • améliorer le niveau d’éducation en médiation;
  • promouvoir les initiatives gouvernementales du pouvoir exécutif, du secteur privé et la participation de la société civile pour une plus grande utilisation des services de médiation.

Ces recommandations sont en phase avec les résultats de notre recherche. Au-delà de la nécessité d’investir dans la formation du médiateur et d’inciter l’engagement des universités, la nécessité d’une formation interdisciplinaire du médiateur familial s’avère très importante. En effet, cette exigence interdisciplinaire a été confirmée pour la grande majorité des médiateurs interviewés dans les deux pays. L’une des suggestions les plus fréquemment mentionnées par les interviewés se rapporte à l’importance de la formation continue pour les médiateurs.

Dans l’étude, les médiateurs brésiliens ont déploré la méconnaissance de la médiation auprès du grand public et son manque de visibilité auprès des professionnels en général. Ces résultats indiquent la nécessité de faire connaître la médiation familiale dans le pays et d’en faire davantage la publicité. L’analyse des résultats de l’étude démontre que le secteur public est celui où s’est installée la pratique de la médiation et les tribunaux en sont des lieux privilégiés. Il appartient donc au système judiciaire brésilien de s’engager à promouvoir la médiation aussi bien au niveau de la formation que de l’exercice de la pratique.

Ceci est d’autant plus vrai qu’on ne peut compter sur le secteur associatif qui joue un rôle plutôt effacé dans le domaine de l’établissement des services de médiation. Les résultats de l’étude vont dans le même sens que le sociologue Lamounier (2010) qui soulignait que le brésilien n’a pas l’habitude de s’associer à d’autres personnes ayant les mêmes intérêts et qui ne font pas partie du groupe familiale ou d’amis proches.

En somme, nous constatons que les qualifications du médiateur familial brésilien sont faibles comparées à celles des médiateurs des autres pays. Il y a un rattrapage à faire puisque seule une formation de qualité et interdisciplinaire pourra faire progresser l’implantation de la médiation au Brésil. Dahan (1999), Highton et Alvarez (1999), Sarrazin et Lévesque (2001) ont déjà souligné la nécessité et l’importance d’une formation professionnelle de qualité pour légitimer les principes de base et les référentiels théoriques de ce nouveau mode de gestion des conflits et permettre aux médiateurs d’établir leur identité professionnelle.

Quant à l’expérience professionnelle des médiateurs, les répondants français ont en moyenne plus de six ans d’une pratique qui se déroule surtout dans une association, plus précisément pour 64.7% d’entre eux. Ces résultats rejoignent ceux des études de Sassier (2001) et de Sellenet, David et Thomère (2007) qui soulignaient que la majorité des expériences de médiation, en France, ont lieu au sein d’une association. Conformément aux traditions françaises, le secteur associatif est important. La plupart des médiateurs y œuvrent. Par ailleurs, en France, lorsqu’il s’agit du secteur public une grande partie des médiateurs interviewés travaille dans les Caisses d’Allocations Familiales (CAF), un des organismes qui, selon Sassier (2001), soutient la pratique de la médiation familiale.

En outre, les résultats de la recherche montrent qu’en France, la médiation n’est pas une simple activité accessoire qui s’ajoute à la profession d’origine du professionnel, comme c’est le cas au Brésil, mais plutôt, une nouvelle activité pleinement assumée par les professionnels, notamment par les assistants sociaux. Dahan (2008) et Bastard (2005) ont confirmé cette professionnalisation des expériences françaises au moment de la création du diplôme d’Etat du médiateur familial. En définitive, le modèle français s’est développé en réponse aux problèmes sociaux contemporains et aux diverses mutations sociales et changement de mentalité.