2.2.2 Les accords de médiation

Les données fournies par l’échantillon indiquent que les accords de médiation sont généralement acceptés et respectés, surtout en France. Ainsi, 4/5 des répondants français ont indiqué qu’ils n’avaient pas dû faire appel, de nouveau, au médiateur après la médiation. On peut supposer une absence de difficultés liées à la faisabilité de ces accords. En revanche, au Brésil, presque la moitié des répondants ont exprimé le besoin de revoir le médiateur. Parallèlement, en France, la majorité des couples interviewés (88%) a répondu que les accords sont respectés totalement ou partiellement alors qu’au Brésil, ce chiffre est tombé à 62%. Ces résultats sont en accord avec les études de Kelly (1996) ; Benjamin et Irving (1995) ; Marchand (1999) et Richardson (1987) dans lesquelles ces auteurs ont constaté que la majorité des participants à la médiation arrive à une entente.

A ce sujet, Jones & Bodtker (in Noreau & Amor, 2004) soulignent que, sur une période de deux ans, 82% des ententes établies par la voie de la médiation étaient respectées jusqu’à leur conclusion. En outre, Kelly (1996), comparant les accords réalisés par la justice traditionnelle et ceux faits par la médiation, a constaté un indice de respectabilité des accords de médiation plus élevé que celui des décisions rendues par le juge.

D’ailleurs, un répondant français a écrit que les accords effectués par la médiation ne sont pas respectés et a exprimé les considérations suivantes : « le médiateur a été très bien, mais mon ex ne veut rien entendre et comprendre, ce qui n’a donné aucun résultat hélas…. ».

Cette réponse nous montre que, même si la médiation n’a pas abouti à un accord, il y a une certaine satisfaction de la part de la personne envers le processus. Dans ce sens, les études de Bonafé-Schmitt, Charrier et Robert (2006) ont révélé que même pour les personnes qui ne sont pas arrivées à un accord en médiation, elle demeure une option valable.

Les différences de résultats entre le Brésil et la France s’expliquent ainsi : le médiateur français utilise un plus grand nombre de rencontres dans chaque dossier de médiation ; il a reçu beaucoup plus d’heures de formation et son expérience est plus grande. En effet, le nombre de séances permet de faciliter la communication et de mieux exploiter le protocole d’entente. Une meilleure formation et une expérience plus longue du médiateur français contribuent à l’efficacité du processus et à la réussite de la médiation.

Sarrazin et al. (2005) ont constaté que l’expérience du professionnel à titre de médiateur est le facteur qui contribue le plus à l’efficacité du processus de médiation. Selon ces auteurs, cette expérience n’est pas reliée à son parcours professionnel d’origine mais plutôt à une plus grande expérience de la pratique de la médiation.Ces données sont aussi significatives en ce sens qu’elles font le lien entre une formation longue en médiation et l’obtention de meilleurs résultats. D’une certaine façon, cela démystifie les affirmations de certains professionnels à savoir « je suis un médiateur naturel » ou « j’ai déjà fait la médiation sans être diplômé ».

Toutefois, en France et plus particulièrement au Brésil dans les cas des médiations judicaires, les accords sont plus respectés que dans la médiation extrajudiciaire. Si l’on fait le total, dans les deux pays, des réponses (totalement et plutôt d’accord), en France le respect des accords se retrouve dans 92% des dossiers de médiation judiciaire et 84% dans les dossiers extrajudiciaires. Au Brésil, cet indice de respect des ententes s’élève à 100% dans les médiations judiciaires par rapport à 55% dans les cas de médiation extrajudiciaire. Une étude qualitative pourrait aider à expliciter cette question et à connaitre les raisons possibles du respect des ententes dans chaque groupe. Le besoin de recourir au tribunal et l’autorité du juge sont sans doute des facteurs qui expliqueraient ces résultats.

En ce qui a trait à la révision des accords, en France, les résultats montrent que neuf répondants sur dix n’avaient pas eu besoin de saisir la justice pour modifier l’entente de médiation par rapport au 3/4 des couples brésiliens qui ont trouvé ce recours nécessaire. La différence entre les deux pays est en lien avec les études de Benjamin et Irving (1995), qui soulignent que lapratique de la médiation dans les services publics limite le processus de la médiation à un nombre plus réduit d’heures, ce qui contraint les médiateurs à n’aborder que des questions factuelles. Ainsi, les questions plus subjectives peuvent ne pas être traitées et conduire à des ententes plus précaires.

La recherche a révélé que la plupart des médiateurs brésiliens travaillent dans le secteur public et réalisent un nombre plus restreint de séances de médiation que les médiateurs français, qui eux travaillent majoritairement dans le secteur associatif. Toutes choses étant égales, les ententes de médiation sont aussi respectées que les jugements de cour qui font l’objet de nombreuses requêtes légales et de jugement en appel (Davis, 2003).

Les recherches de Kelly (1996), Irving et Benjamin (2002), Avila (2006), arrivent aux mêmes conclusions et confirment que les taux de révision, en justice, des ententes établies en médiation sont relativement faibles. D’ailleurs, Pearson et Thoennes (in Noreau et Amor, 2004), ont affirmé que la révision des accords de médiation survient dans 13% des cas par rapport à 35% dans le cadre d’une ordonnance obtenue par la voie judiciaire sans médiation.

D’ailleurs, un répondant, qui a eu recours à la médiation suite à une ordonnance du juge et qui a indiqué qu’il n’avait pas eu besoin de réviser l’accord, écrivit :

‘« Mais je pense probablement le faire, car des choses sont à revoir, et la communication n’est pas forcément possible pour le résoudre de manière juste et concertée. Je reprendrai pour ma part alors contact avec la médiation avant d’entreprendre quoi que ce soit avec un juge, voire un avocat ». ’

Même si le besoin de révision se fait sentir, ce répondant trouve important de faire d’abord appel à la médiation avant de se tourner vers le système judiciaire. Par ailleurs, au Brésil, certaines réponses concernant la révision judiciaire laissent perplexe. D’une part, on exprime que les ententes réalisées suite à une médiation judiciaire sont plus respectées que les ententes réalisées en médiation extrajudiciaire, mais d’autre part, ceux qui ont bénéficié de la médiation judiciaire expriment un besoin de révision deux fois plus grand que celui exprimé par le groupe de la médiation extrajudiciaire. On peut poser l’hypothèse que, dans les médiations légales, les personnes respectent les accords, mais leurs besoins ne se sont pas suffisamment entendus alors que, dans les médiations volontaires, l’apprentissage d’une communication directe entre les conjoints permet de gérer les difficultés sans avoir à recourir constamment au Tribunal à la moindre mésentente.

Enfin, dans l’ensemble de notre recherche, aussi bien en France qu’au Brésil, les résultats montrent des indices très élevés d’acceptation et de respect des accords conclus à travers les deux modalités de médiation. Ces réponses sont significatives et dénotent l’efficacité de la communication directe, de la coopération et d’une prise en charge par les personnes elles-mêmes pour gérer les conflits interpersonnels. On évite ainsi les coûts psychologiques émotionnels associés à la rupture conjugale.