3. Limites méthodologiques

Sur le plan méthodologique, la technique du questionnaire s’imposait. Toutefois, à cause de sa longueur, son utilisation a contribué à limiter le temps alloué à la discussion de certains sujets. De plus, il n’a pas été convenablement élaboré et suffisamment développé pour mieux articuler notre hypothèse. Certaines données n’ont pas été retenues pour l’étude et n’ont pas fait partie de l’analyse finale ; toutefois elles pourraient être utiles pour une recherche ultérieure.

Comme la médiation au Brésil est une pratique encore en développement, les analyses comparatives sont limitées. Aussi, la médiation judiciaire étant peu utilisée, il était difficile d’en arriver à des conclusions valides.

Sur le plan éthique, en France, la question de la confidentialité du processus de médiation n’a pas permis de choisir aléatoirement les dossiers de médiation. Les médiateurs, eux-mêmes, ont réalisé la sélection des dossiers de médiation, dans les conditions prévues par le protocole de recherche. Il est donc possible que les médiateurs aient sélectionné « leurs meilleurs dossiers » et ainsi biaiser jusqu’à un certain point les données. De même, des contraintes de temps ont réduit la période prévue pour la sélection des dossiers et bouleversé le calendrier prévu pour les différentes étapes de l’étude.

Sur le plan sémantique, plusieurs difficultés ont surgi. Comme ils’agissait d’une étude dans un contexte biculturel, il était important d’utiliser des termes et des expressions qui voulaient dire la même chose dans les deux pays. Cette rigueur et précision n’étaient pas toujours possibles et les répondants l’ont parfois déplorées. En France, par exemple, l’expression « pétition d’un avocat » correspond en portugais à « petição de un advogado », devait être remplacée, d’après les médiateurs français, par le terme « requête d’un avocat », qui est plus usuel dans le langage courant, alors que dans le dictionnaire le nouveau Petit Robert, version électronique, requête et pétition sont des termes considérés comme étant des synonymes. Un autre terme comme division de biens (« divisão de bens » en portugais) devait être remplacé par « partage de biens », car c’est une expression plus habituelle dans le langage courant. De plus, le mot « médiés », expression utilisée par certains chercheurs pour désigner les personnes qui sont passées par un processus de médiation et que nous avons utilisée dans le questionnaire, a aussi été l’objet de plusieurs critiques de la part des médiateurs. Pour certains professionnels, ce mot n’est pas approprié dans le langage d’un médiateur. Il donne l’idée d’un objet. Ils préfèrent parler des  personnes comme sujets. Enfin, l’expression « client », qui en portugais donne « cliente », pour se rapporter aux usagers de la médiation, non employée dans le questionnaire, mais dans le langage oral, a été condamnée, même si dans la littérature canadienne sur la médiation familiale, ce terme est très couramment employé.

Au Brésil, certains termes ont également provoqué des discussions, car ils ont été considérés comme faisant partie d’une nomenclature « très française » ; par exemple, les mots « apports psychologiques », utilisés dans le questionnaire, sont traduits en portugais par « aportes psicológicos ». En outre, des différences de nomenclatures juridiques utilisées dans les deux pays ont été aussi des sujets de discussions. Les termes garde et droit de visite ne sont plus utilisés dans le langage des médiateurs familiaux français, même si certains textes juridiques les utilisent encore. Toutefois, au Brésil « guarda » et « direito de visitas » sont des expressions courantes dans le langage des professionnels. En France, le mot « garde » a été remplacé par « résidence habituelle » ou « mode de résidence ou d’hébergement des enfants ». Le « droit de visite » a été substitué par « l’accès de l’enfant au parent qui n’a pas la résidence habituelle ». Ainsi, ces considérations ont fait en sorte que le vocabulaire employé dans notre questionnaire n’était pas adapté et ne correspondait pas à la façon de penser des médiateurs.

En outre, les différences qui existent dans les législations et la conceptualisation entre les deux pays, comme, par exemple, le terme autorité parentale conjointe est un principe dans la législation française, alors que dans la législation brésilienne, ce n’est qu’un choix. Ainsi, ces différences conceptuelles amenaient des interprétations divergentes et obligeaient à une plus grande précision.

Enfin, au Brésil, il y a eu trois principales limitations dans le cadre de notre étude:

a) l’échantillonnage auprès des médiateurs : l’absence d’un organisme regroupant les médiateurs familiaux dans le pays a contribué à limiter le cadre de représentativité des divers organismes, qu’ils soient associatif, public ou privé ;

b) le manque de disponibilité des médiateurs pour sélectionner les dossiers de médiation et encourager les couples à remplir le questionnaire ;

c) le manque de culture de la recherche scientifique, surtout pour des couples qui avaient bénéficié de la médiation.

En somme, nous considérons que notre modèle d’analyse n’a pas été optimal ; il a toutefois permis de répondre aux questions de la recherche et a contribué à dégager des pistes intéressantes pour les recherches futures