V - Hypothèses

En guise de réponse provisoire à notre question de recherche, nous retenons comme hypothèse principale que :

‘Les méthodes de prévention de la maladie véhiculées par les discours sur le paludisme ne sont pas toujours appropriées et/ou ne sont pas toujours bien comprises des populations qui ont par conséquent du mal à bien les mettre en pratique.’

Cette hypothèse principale suggère une triple conjecture au vu des efforts investis dans cette lutte au Cameroun. Ceci nous amène à la scinder en trois sous-hypothèses centrées sur les cibles principales de la maladie et sur la construction des discours qui nous intéressent.

La première sous-hypothèse (H1) s’intéresse au discours médical dans cette lutte et se fonde sur l’exposition continue des populations les plus vulnérables, sur certaines considérations socioculturelles et des représentations sociales sur la maladie au Cameroun. Nous l’énonçons comme suit :

H1 : Les principales victimes du paludisme (femmes enceintes et enfants de moins de 5 ans) ne bénéficient pas toujours des mesures de prévention de la maladie contenues dans le discours médical, ou ne les mettent pas toujours en pratique. ’

La seconde sous-hypothèse (H2) nous est suggérée par le fait qu’il y a plusieurs intervenants dans la lutte contre le paludisme au Cameroun qui produisent tous des discours. Or, à travers ces discours ou leurs interactions, certains de ces acteurs sociaux donnent l’impression de mettre leurs intérêts propres avant la prévention de la maladie proprement dite. Cette sous-hypothèse se présente comme suit :

H2 : Il y a discordance et/ou cacophonie entre les discours de certains acteurs de la lutte contre le paludisme au Cameroun. ’

La dernière sous-hypothèse (H3) indexe les méthodes de lutte contre cette endémie au Cameroun dont elle récuse l’efficacité. Elle relève en effet que ces méthodes ne visent pas prioritairement la lutte contre la prolifération des moustiques à travers l’assainissement de l’environnement dans lequel vivent les populations. La présence des moustiques en grand nombre dans l’environnement serait ainsi un facteur favorable à la persistance de la maladie. Cette sous-hypothèse tire sa consistance de l’expérience de la réapparition de cas autochtones de paludisme dans des pays où la maladie a été éradiquée, mais où les moustiques ont à nouveau colonisé l’environnement à la faveur d’un relâchement dans l’assainissement de l’environnement. Nous formulons cette sous-hypothèse de la manière suivante :

H 3 : Les discours dans la lutte contre le paludisme au Cameroun mettent peu d’importance sur l’hygiène du milieu et l’assainissement de l’environnement comme moyens efficaces de lutte contre cette maladie. A contrario, ils promeuvent les moyens de protection contre les piqûres des moustiques dans un environnement propice à leur prolifération.’

Dans les trois sous-hypothèses, la communication peut être indexée comme un des principaux responsables de la survenue, de la persistance et de la gravité de cette endémie dans le pays. Roman Jacobson ne dit-il pas que :

‘“ Le problème essentiel de la communication est celui du code commun à l’émetteur et au récepteur et sous-jacent à l’échange des messages. Toute communication serait importante à l’abri d’un répertoire de possibilités préconçues ou de représentations préfabriquées ”. (1953 :129).’

F. ChinJi Kouleu (2004) en déduit trois niveaux de problèmes dans l’analyse de la communication : la précision, l’exactitude et l’efficacité. La précision renvoie à une analyse sémantique (étude scientifique du sens ou de la signification des unités linguistiques et de leurs combinaisons), l’exactitude à une analyse technique et l’efficacité à l’impact ou aux effets. L’orientation sémantique est celle que nous avons retenue dans le choix des hypothèses. On peut voir à présent quelle grille de lecture se prête le mieux à ce travail.