A – Constructivisme

Pour le courant constructiviste, l’univers humain est construit par les acteurs sociaux dans et par l’ensemble de leurs échanges ou « communication généralisée » (A. Mucchielli 2001 : 107). A travers ce courant, l’on peut partir des pré-constructions ou des échanges entre les acteurs sociaux pour examiner les réalités dans cet univers. Pour ce qui est de la réalité sur la prévention du paludisme au Cameroun, les pré-constructions visées sont : le discours international qui oriente les discours sur la lutte contre le paludisme au niveau national ; les perceptions ; les croyances et représentations sur la maladie. Nous nous sommes inspiré de la méthode de la contextualisation « actionniste », une des méthodes constructivistes proposées par A. Mucchielli et C. Noy (2005) pour l’étude des communications sur le paludisme et, du constructivisme structuraliste de P. Bourdieu, pour faire la lumière sur la prévention du paludisme à travers ce qui se dit et se fait dans la lutte contre cette maladie au Cameroun.

La méthode de la contextualisation « actionniste » nous donne à voir que dans la lutte contre le paludisme, les actions des acteurs sociaux seraient compréhensibles en fonction de leur définition de la situation et des objectifs et attentes qu’ils ont par rapport à cette lutte. Leur implication dans la lutte est à la source de leurs actions, étant donné que plus ils sont impliqués, plus ils vont essayer d’agir stratégiquement pour atteindre leurs objectifs et voir leurs attentes se réaliser. L’organisation de cette lutte serait ainsi, comme l’affirme Silverman (in A. Mucchielli et C. Noy, 2005 : 55) « le résultat de l’interaction de personnes motivées cherchant à résoudre leurs propres problèmes ».

Sur un autre plan, le constructivisme structuraliste de P. Bourdieu nous amène à envisager l’univers humain comme un faisceau de relations entre les acteurs sociaux. La lutte contre le paludisme au Cameroun y apparaitrait comme un champ ou un microcosme appartenant au macrocosme qu’est la lutte contre les maladies. Ce champ est le lieu de convergence d’un certain nombre d’acteurs occupant différentes positions dans la lutte contre le paludisme. Par son action, chaque acteur est en relation explicite ou non avec les autres acteurs engagés dans cette même lutte dans le pays. La lutte contre le paludisme au Cameroun est ainsi, selon cette approche Bourdieusienne, une :

‘“ Structure de relations objectives entre des positions de force, (qui) sous-tend et oriente les stratégies par lesquelles les occupants de ces positions cherchent, individuellement ou collectivement, à sauvegarder ou à améliorer leur position et à imposer le principe de hiérarchisation le plus favorable à leurs produits. ”. (P. Bourdieu avec L. J. D. Wacquant (1992 : 78).’

Ce champ est caractérisé par un habitus spécifique, c’est-à-dire des manières de penser et de faire propres à ses acteurs. Il est aussi marqué par une violence symbolique qui fait que les acteurs dominés adhèrent à l’ordre dominant en méconnaissant les mécanismes et le caractère arbitraire. Les interactions discursives dans le champ de la lutte contre le paludisme se conforment à cette violence symbolique.

Dans les deux approches du constructivisme, le concept de discours qui nous intéresse renvoie à la communication de manière générale. Or, celle-ci revêt une signification large, allant du langage (parlé ou écrit) à la gestuelle, bref à tout comportement humain porteur de sens.