B - Métaphore théâtrale de Erving Goffman

Dans la métaphore théâtrale, E. Goffman (in J. Nizet et N. Rigaux, 2005) met en exergue la présentation de soi. Il envisage la vie sociale comme une scène (région où se déroule la représentation), avec ses acteurs, son public et ses coulisses (l'espace où les acteurs peuvent contredire l'impression donnée dans la représentation). Il nomme façade différents éléments avec lesquels l'acteur peut jouer, tel le décor, mais aussi la façade personnelle (signes distinctifs, statut, habits, mimiques, sexe, gestes, etc.). Les acteurs sociaux, dans leurs interactions quotidiennes, se mettent en scène, offrant à leur public l'image qu'ils se donnent. Ils peuvent avoir plusieurs rôles, sans qu'il y en ait un plus vrai que l'autre, et prendre leur distance vis-à-vis d'eux, jouant sur la dose de respect à la règle qu'ils jugent nécessaire ou adéquate.

Ce courant théorique nous amène à envisager l’investissement des acteurs sociaux dans le champ de la lutte contre le paludisme non seulement comme un faisceau de relations, mais aussi comme des interactions entre eux. Ce champ peut être rapproché à une scène sur laquelle les différents intervenants sont en pleine représentation. Ces acteurs présenteraient ainsi une attitude de lutteurs acharnés contre la maladie au public dans la façade, mais volontiers une autre attitude dans les coulisses où l’on pourrait clairement voir les enjeux visés par leurs actions. Cela étant, la métaphore théâtrale, à elle toute seule, serait inapte à traduire toutes les aspérités de la réalité liée à la prévention du paludisme au Cameroun. En clair, le champ de la lutte contre le paludisme au Cameroun n’est nullement réductible à une scène de représentation sensu stricto. Au demeurant, la non prise en compte de ce courant dans nos analyses ferait dérober certains aspects de cette réalité, autrement plus claire lorsqu’ils sont examinés sous le prisme de la représentation. En effet, certaines actions des acteurs sociaux dans la lutte contre le paludisme au Cameroun ont tous les contours de représentations face à un public donné qui, comme le précise E. Goffman (in Jean Nizet et Nathalie Rigaux, op. cit.) produisent un sentiment de réalité. En d’autres termes, les acteurs sociaux dans leurs actions de lutte contre le paludisme au Cameroun se prêtent souvent à des jeux spécifiques avec des enjeux clairement imaginables. Le cadre conceptuel étant identifié, il est maintenant judicieux de présenter les outils de notre investigation.