Première partie
Discours sur le paludisme

Comment se construisent les discours sur le paludisme au Cameroun? Telle est la préoccupation au cœur de la présente partie. Elle appelle des réponses exigeant l’examen du matériau basique et des stratégies convoqués dans cette construction, des caractéristiques de ces discours, des différents intervenants dans celui-ci, ainsi que des visées des discours si nous voulons nous en servir pour évaluer la prévention de cette pathologie au Cameroun. La prudence commande toutefois de préciser que dans cet examen, nous passerons rapidement, dans les discours, sur les élaborations scientifiques complexes inhérentes à cette maladie.

De façon générale, et nous référant aux définitions opérationnelles de ce concept dans notre introduction, les discours renvoient à des « énoncés produits dans un but précis, selon une stratégie particulière ». Pour repréciser cette définition, le dictionnaire Larousse présente le discours comme un : «développement oratoire sur un sujet déterminé, prononcé en public » ou encore comme une « réalisation concrète, écrite ou orale, de la langue, considérée comme un système abstrait » ou alors comme un « ensemble de manifestations verbales, orales ou écrites, représentatives d’une idéologie ou d’un état de mentalités à une époque ». Toujours selon ce même dictionnaire, l’idéologie renvoie à : « un ensemble plus ou moins systématisé de croyances, d’idées, de doctrines influant sur le comportement individuel et collectif »  

Dans le cas des discours sur des sujets scientifiques comme le paludisme, objet d’un nombre important et varié de travaux de recherches, les manifestations verbales, orales et écrites auxquelles nous nous référons sont des savoirs. Du fait de la méthode expérimentale et du raisonnement par induction qui caractérisent les recherches scientifiques, ces savoirs forment des lois qui sont des résultats de recherches. Les lois sont, elles-mêmes, établies après la mise en pratique des règles de la méthode scientifique édictées, au départ, par René Descartes, à savoir : l’observation de l’évidence, l’analyse, l’organisation et la vérification des faits (André Robinet : 1986). Les savoirs peuvent être des réponses à des problèmes spécifiques rencontrés, de manière itérative, par l’homme à un moment donné de sa vie.

Ces discours ont la propension de vulgariser les savoirs auprès des cibles intéressées par les recherches. Ils constituent ainsi des éléments d’information et d’éducation qui permettent à un locuteur « A » d’envoyer des informations à un destinataire « B » sur un sujet précis, avec possibilité d’une action (ou d’une rétroaction) immédiate ou différée de « B ». Ce principe est largement exploité en matière de santé publique dont les discours sont en général des informations, des indications pratiques ou des prescriptions sur une maladie donnée au grand public dans un support et canal de communication donné, pour l’amener à bien comprendre l’évidence observée et pour orienter ses actions dans le sens de se prémunir de la maladie. Au demeurant, les discours de santé publique sont pris dans un inter-discours constitué d’un univers d’autres discours au travers duquel ils doivent nécessairement se frayer un chemin.

Ces prolégomènes ainsi présentés, nous adoptons une approche historique dans la présentation des éléments de construction des discours sur le paludisme. Cette orientation nous a permis d’apprécier la construction des éléments techniques fondamentaux sur la maladie, puis des éléments linguistiques pour la nommer sur le plan du langage. Nous nous sommes ensuite intéressés aux modalités de construction des différents discours sur cette pathologie, ainsi qu’à leur énonciation dans l’espace social camerounais.

Aussi, la présente partie de notre travail s’articule-t-elle autour de trois chapitres. Le premier fait une brève exploration des premières recherches qui ont conduit à la formation progressive des savoirs sur le paludisme dans le monde en général et au Cameroun en particulier. Le second chapitre suit la même orientation et montre comment à partir de ces savoirs se sont construits les discours sur la maladie au Cameroun. Enfin, le troisième chapitre s’intéresse à l’énonciation des discours sur cette maladie dans l’espace social camerounais pendant notre période d’étude.