2 Mesures prophylactiques de masse

Elles étaient précédées d’une enquête épidémiologique qui évaluait l’intensité de l’endémie dans la région où la campagne était planifiée, par l’établissement de l’index splénique, c’est-à-dire l’évaluation de la grosseur de la rate, signe de l’infection hépatique chez les enfants et les adolescents. Ceux-ci étaient examinés dans quelques villages par le médecin de brousse et systématiquement dans les écoles. AB. Laing (1984) indique qu’un total de 880 000 enfants de 5 à 15 ans ont reçu hebdomadairement une dose de chloroquine29 pendant l’année scolaire de 1964 à 1967 tant dans la partie septentrionale que dans la partie méridionale du pays. Des enquêtes épidémiologiques étaient menées de temps à autre pour évaluer les campagnes. Les résultats se sont avérés concluants comme le montre le tableau ci-après qui révèle dans tous les cas une baisse substantielle du taux de concentration du parasite dans le sang des individus soumis au traitement.

Tableau 1: The effects of chemoprophylaxis with weekly chloroquine (5 mg base per kg body weight) in school children in Cameroon Les effets de la chimioprophylaxie par l’administration hebdomadaire de la chloroquine (5 mg par kg de poids corporel) aux enfants des écoles au Cameroun.

(Source: Etude réalisée par AB. Laing, 1984)

Le tableau montre des statistiques continues dans le nord Cameroun (North Cameroon) de l’année scolaire 1964/65 à 1966/67 alors que celles de l’année scolaire 1964/65 manquent pour le Centre et le Sud Cameroun (Central and South Cameroon). Le nombre d’enfants concernés par la surveillance (No of children surveyed) est beaucoup moins élevé dans la partie septentrionale que dans la partie méridionale ; le rapport est du simple (autour de 2000 enfants) au double (5000 enfants). La moyenne des parasites asexués (Mean asexual parasite index) noté avant le traitement (Before treatment) diminue substantiellement dans les deux parties du pays après trois mois (After 3 months). Ce tableau montre l’efficacité de cette campagne de chimioprophylaxie de masse avec administration de la chloroquine à l’école, mais, elle reste localisée, visiblement onéreuse et impossible à étendre à l’ensemble de la population dans l’une ou l’autre des parties du pays. En outre, il faut noter que les campagnes étaient menées au cours de l’année scolaire et la réinfection des enfants se produisait pendant les périodes de vacances.

Les traitements prophylactiques ci-dessus étaient accompagnés de la lutte antivectorielle pour freiner la prolifération des agents vecteurs du paludisme. En outre, le service d’hygiène et l’Institut Pasteur, représentés dans presque tous ces pays, essayaient d’identifier les types de moustiques dans les différents biotopes et de comprendre leurs mœurs. Cela permettait de mettre en place les stratégies les plus indiquées pour s’attaquer à ces vecteurs. Jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, au Cameroun comme dans la plupart des pays africains, la lutte antivectorielle était organisée autour de :

Figure 4 : Lutte anti-larvaire par épandage du mazout sur une eau stagnante

(Source : www.asnom.org 2001-2007)

Après la seconde guerre mondiale, l’avènement du DDT, insecticide à effet rémanent, marque une étape décisive dans la lutte antivectorielle, du moins dans les agglomérations urbaines. Il est utilisé pour des pulvérisations, dans les domiciles et dans les haies et frondaisons sur la voie publique (Cf. figure 5). Deux inconvénients ne tardent pas à survenir : d’une part, le coût élevé de ces pulvérisations et d’autre part, dès 1956, l’apparition d’espèces anophéliennes résistantes à ces produits.

Dans les années 1930, les antipaludiques synthétiques à prises prophylactiques hebdomadaires sont largement utilisés. Les résultats obtenus s'avèrent satisfaisants, notamment en 1937, au Tchad, à Madagascar, en Cochinchine et en Annam. Les index spléniques chutent de façon significative.

Figure 5 : Exemple de pulvérisation de vastes espaces

(Source : www.asnom.org 2001-2007)

Figure 6 : Mise en charge des pulvérisateurs d'insecticides

(Source : www.asnom.org 2001-2007)

S'appuyant essentiellement sur la lutte antivectorielle, l'OMS adopte en 1956 une résolution en faveur de l’éradication du paludisme. En raison de sa diversité bioclimatique et dans le cadre de la mise en œuvre de cette résolution, de 1953 à 1964, le Cameroun est l’un des pays pilotes pour l’expérimentation de cette éradication en Afrique. Dans cette perspective, des campagnes de santé publique sont organisées dans des zones pilotes du Nord sahélien et du Sud tropical du Cameroun par le service d'hygiène mobile et de prophylaxie.

Notes
29.

5mg/kg de poids corporel

30.

Les effets de la chimioprophylaxie par l’administration hebdomadaire de la chloroquine (5 mg par kg de poids corporel) aux enfants des écoles au Cameroun.