I - Typologie et hiérarchisation des discours sur le paludisme au Cameroun

Le chapitre précédent a révélé un foisonnement de savoirs sur le paludisme, ce qui augure, à priori de la possibilité pour ce sujet d’alimenter une pléthore de discours. A l’examen des savoirs, il est loisible de conclure que le paludisme est une réalité ontologique incréée, palpable et objectivement décelable. Il s’agit d’une maladie courante, dont le processus de la contamination et la symptomatologie sont bien élucidés aujourd’hui tout autant que sont connus les moyens de sa prévention et de sa prise en charge médicamenteuse.

Ainsi présenté, le paludisme n’est pas, en tout point, comparable à une maladie comme le syndrome de l’immunodéficience acquise (SIDA), d’apparition récente, sur lesquels les savoirs sont encore en pleine construction. De prime abord, le SIDA, en tant que maladie, traîne un mystère dans sa désignation imprécise et trop proche de la description de ses manifestations symptomatiques. Qu’est-ce qui cause l’effondrement du système immunitaire chez les patients de cette maladie ? Ici, plusieurs thèses s’affrontent : L’une d’elles l’attribue à la présence dans le corps du patient d’un virus (le VIH) qui s’attaque à ce système, une autre y voit l’action d’un poison qui détruit lentement le corps du patient, un sort, une malédiction, etc. En adoptant la posture scientifique qui valide la thèse de la contamination virale, force est de constater qu’en dépit de nombreuses recherches scientifiques sur le virus qui cause la maladie, il n’existe pas, à ce jour, de médicaments capables de stopper définitivement son action dans le corps de l’homme.

L’unanimité sur la réalité ontologique de cette pathologie n’étant pas encore faite, le SIDA est à la base de nombreux discours qu’entretiennent certains acteurs de la communication sociale au Cameroun sur cette maladie. Messanga Obama, 2009) a fait l’analyse de ces discours et est arrivé au constat que cette communication sur le SIDA fait intervenir un discours dominant avec des acteurs partageant les mêmes savoirs et pratiques scientifiques et un discours dominé que tiennent certains autres acteurs de cette communication sociale s’appuyant sur une autre forme de rationalité.

Ce développement succinct tendant à examiner comparativement les modalités discursives sur ces deux maladies nous permet de conclure que le SIDA est susceptible de susciter beaucoup de conjectures, y compris celles remettant en cause l’authentification du fléau comme une maladie scientifiquement validée. A contrario, le paludisme n’entretient pas de polémique scientifique sur les causes de sa survenue. Aussi, le discours dominant sur le paludisme est-il enclin à être en parfaite adéquation avec les savoirs scientifiques constitués sur cette pathologie. Ainsi, on parle du paludisme d’abord en termes de santé ; le discours dominant est celui de santé publique. Ce discours coexiste avec d’autres types de discours dans la communication sociale sur cette maladie au Cameroun. La discrimination et la hiérarchisation des discours sur le paludisme au Cameroun nous semblent se présenter de la manière suivante :

  • discours de santé publique ;
  • discours économique ;
  • discours politique ;
  • autres types.

Examinons les spécificités de chacun de ces discours.