B - Evolution des éléments de base des discours sur le paludisme ces dernières années

Avec l’évolution de la lutte contre le paludisme au cours de la décennie 2000-2010, les éléments fondateurs des discours sur le paludisme ont subi une légère modification que relève la 4e édition de Savoir pour sauver parue en 2010. Rappelons que chaque parution intègre, en principe, les connaissances et évidences les plus récentes sur le paludisme par rapport à l’année de parution de l’édition. Cette édition retient quatre informations clef (au lieu de cinq dans la troisième édition) à l’intention des familles et des communautés pour lutter efficacement contre le paludisme :

Le commentaire qui se dégage de cette reconsidération des éléments fondamentaux liés au paludisme est qu’elle réoriente les discours sur cette pathologie en donnant des précisions sur la bonne prise en charge médicamenteuse du paludisme à plasmodium falciparum. Elle pêche, toutefois, sur un double plan :

Les éléments fondateurs des discours ainsi présentés n’insistent pas sur la nécessité pour les enfants d’utiliser la moustiquaire imprégnée d’insecticides pour se protéger des piqûres des moustiques ;

Ces éléments mettent peu d’emphase sur l’assainissement de l’environnement comme mesure idoine de lutte contre la prolifération des moustiques responsables du paludisme. Il s’agit là, à notre sens, d’un paradoxe car dans la version précédente de ce document de référence, cette dimension de la lutte était déjà bien prise en compte. L’insalubrité de l’environnement est pourtant une sorte de tendon d’Achille dans cette lutte car, la diminution de la prolifération des moustiques devrait favoriser la diminution des piqûres des moustiques, et partant, celle de la récurrence des cas de paludisme dans le monde.

Notons que la nécessité de revoir les éléments fondateurs des discours sur le paludisme était du reste apparue aux lendemains du sommet d’Abuja dont les résolutions étaient alignées sur les objectifs du millénaire pour le développement. Les chefs d’Etats et de gouvernement s’y étaient, en effet, engagés à tout mettre en œuvre, dans leurs pays respectifs, afin que d’ici 2005 :

Ce changement au niveau des éléments fondamentaux des discours et d’autres données conjoncturelles de la lutte contre cette maladie ont, entre temps, entraîné une évolution dans les discours de santé publique sur le paludisme dans certains pays. Au Cameroun par exemple, depuis l’année 2005, le programme national de lutte contre le paludisme a revu les ingrédientsbasiques des discours sur le paludisme pour y ajouter les éléments contenus dans le tableau ci-dessous.

Tableau 3 : Exemple de compléments des éléments fondateurs des discours sur le paludisme

(Source : Programme national de lutte contre le paludisme au Cameroun, 2005).

Ce complément d’éléments fondateurs des discours sur le paludisme met un accent sur l’hygiène du milieu qui est très importante dans la lutte contre cette pathologie. Ainsi présentés, ces éléments fondateurs émanant du PNLP recèlent quelques imprécisions. Par exemple, le premier élément contenu dans le tableau 3 traite de la transmission du paludisme et signale que celle-ci se passe pendant le sommeil de la victime potentielle. Tout laisse croire, et cela n’est pas exact, qu’il y aurait une telle relation intime entre le sommeil et la transmission de la maladie que l’absence de sommeil peut empêcher la contraction de la maladie. De même aussi, l’élément 2 ne donne pas une explication claire de la chimioprophylaxie par l’administration du Traitement Préventif Intermittent chez la femme enceinte et donne peu de précision sur les grilles à mettre sur toutes les fenêtres et les ouvertures de maisons dans la lutte contre le paludisme. Mais, il s’agit certainement des lacunes qui, sur le plan discursif, ouvre la voie à des conjectures trahissant souvent le niveau de spécialisation des acteurs impliqués dans les différents discours gravitant autour du phénomène paludique.

Nonobstant ces lacunes, les éléments du tableau 3 ci-dessus complètent utilement ceux publiés dans les différentes éditions de Savoir pour sauver sur la lutte contre le paludisme. Ils mettent un accent sur la dimension environnementale de la transmission de la maladie et les dispositions thérapeutiques (pour les femmes enceintes) pour minimiser ou annuler les facteurs de transmission de la maladie. A titre d’illustration :

  • ces éléments donnent des indications sur les lieux de développement du moustique vecteur du paludisme (dans les eaux stagnantes) et sur le moment de transmission de la maladie (la nuit). Ces détails n’existaient pas dans les éditions de Savoir pour sauver publiées à ce jour ;
  • ils donnent des précisions sur la meilleure prévention du paludisme qui fait appel à une synergie d’actions (utilisation concomitante de la moustiquaire imprégnée et de mesures de prévention thérapeutique) ;
  • enfin, contrairement aux éléments fondateurs du tableau 2, la protection thérapeutique chez la femme enceinte n’est pas assurée par n’importe quel antipaludéen, mais par la sulfadoxine-pyriméthamine. Notons que les éditions de savoir pour sauver publiées dans la décennie 90 recommandaient la chloroquine comme antipaludéen à prendre par la femme enceinte pendant toute la durée de sa grossesse.

Une autre traduction de l’évolution des éléments fondateurs des discours sur le paludisme au Cameroun nous est donnée par la présentation au public d’un guide pratique de lutte contre cette pathologie, le 26 avril 2010, par le Ministre de la santé publique. Ce document a pour titre :Guide pratique de lutte contre le paludisme. Il s’agit d’un petit ouvrage, tout premier document prospectif camerounais, traitant du paludisme dans tous les domaines. Il est commis par le professeur d'immunologie et parasitologie Rose Leke, le professeur associé à la santé publique et biotechnologie Wilfred Mbacham et le médecin-pédiatre Esther Tallah, à l'initiative de Cameroon Coalition against malaria (CCAM), un regroupement d’au moins 70 organisations de lutte contre ces endémies, constitué depuis 2006. Commentant les déclarations du ministre à cette occasion, les journalistes de la CRTV44, ont mis un accent sur la recommandation de celui-ci que chaque famille mette le document en bonne place dans sa bibliothèque et le consulte régulièrement pour apprendre à prémunir ses membres contre cette terrible maladie.

Le guide45 regroupe l’essentiel des énoncés conformes aux éléments fondateurs jusque-là connus et à jour par rapport aux savoirs actuels pour une prévention correcte de la maladie. CCAM répond, dans cet ouvrage, aux besoins clés d'information et de connaissances concernant le paludisme et permettant de lutter contre la maladie. Ce guide présente, au fil des chapitres : les agents de la maladie, son vecteur, sa prévention et son traitement. Il donne en outre des indications aux lecteurs pour adopter des comportements favorables dans la lutte contre la maladie.

De manière générale, les éléments fondateurs des discours constituent le substratum de tous les discours dans ce domaine. Ils sont utilisés par les acteurs de la communication sociale au Cameroun, pour exprimer une idée, commander (ou recommander) une action, pour apporter des éléments d’information ou de formation au public sur la pathologie, adopter, le cas échéant, des postures données dans l’espace public pour soutenir des discussions sur la maladie. Selon leurs qualifications et leurs spécialisations, les acteurs mis en situation seront plus ou moins crédibles auprès du public et pourront influencer les conduites et les pratiques individuelles et collectives vis-à-vis du fléau.

Les discours ainsi générés vont se compléter, s’opposer ou se contredire par moments selon les constructions dans lesquelles ils interviennent et les buts, latents ou clairement exprimés, visés par leurs producteurs, toute chose qui peut avoir une incidence sur la prévention de la maladie. Cherchons à présent à comprendre les stratégies de construction des différents discours.

Notes
44.

Dans ses bulletins de journaux parlés radiophoniques de 13 heures, 17 heures et 20 heures.

45.

A la différence de Savoir pour sauver, ce document est vendu au prix de 13,5 Euros et localement à 10 000 francs CFA.