2- Institutions privées et organisations de la société civile

Certaines sociétés privées nationales ou internationales, exerçant dans le pays, mènent des activités de sensibilisation et d’appui logistique en matériel de prévention du paludisme dans le cadre de la responsabilité sociale des entreprises. C’est le cas d’un certain nombre de structures privées dont la Cameroon Oil and Transportation Company (COTCO), de Mobil Oil, Total Cameroon, Mobile Telecommunications Network (MTN) et Orange. L’essentiel des discours utilisés par ces structures lors des activités ponctuelles avec les membres de leurs personnels ou les populations dans leurs environnements immédiats de travail sont empruntés au PNLP. De même,regroupons-nous sous l’appellation Organisations de la Sociét é Civile les ONG internationales ou nationales, les associations et structures privées nationales.

Un total de 188 associations et ONGs, réparties dans le pays,48 ont été ainsi identifiées comme des partenaires permanents ou sporadiques du PNLP dans la diffusion des discours sur le paludisme. Ils sont, pour la plupart, localisées au niveau opérationnel et travaillent généralement avec les unités régionales de lutte contre le paludisme, dans les districts et les aires de santé. Aucun répertoire de ces structures n’existe au niveau du PNLP. L’annexe 4 montre une tentative d’identification de ces partenaires à partir des listes de présence aux réunions convoquées par le PNLP. Les partenaires du PNLP les plus connues dans la vulgarisation des discours sur le paludisme sont les suivantes :

Association Camerounaise pour le Marketing Social (PMSC/ACMS) : Cette ONG a démarré ses activités au Cameroun en 1989. Connue d’abord comme Programme de Marketing Social du Condom, elle s’intéressait à la promotion des préservatifs dans le cadre de la lutte contre le SIDA. Plus tard, elle a étendu ses activités à la prévention du paludisme et à la promotion des sels de réhydratation dans le cadre de la lutte contre les maladies diarrhéiques. L’ACMS est très active dans la promotion de l’utilisation de la moustiquaire imprégnée d’insecticides et de produits de ré-imprégnation de la moustiquaire. Cette ONG encourage les populations dans la lutte contre le paludisme en utilisant des supports de communication audio et écrits. Elle est très active dans les régions du Centre, du Sud et de l’Est-Cameroun où elle diffuse des messages de sensibilisation dans une langue nationale très utilisée dans les zones d’intervention49.

Plan Cameroon  : C’est la branche camerounaise de l’ONG internationale Plan International, organisation humanitaire s’intéressant à l’épanouissement des enfants. Au Cameroun, les interventions de Plan Cameroon couvrent 30 villages dans la région du Centre, 104 dans la région de l’Est et 38 dans la région du Nord-Ouest. Dans le domaine de la santé, Plan Cameroon met en œuvre le projet Survie de l’enfant visant la protection des enfants contre les six maladies les plus meurtrières (paludisme, diarrhées, malnutrition, pneumonie, rougeole et SIDA). Elle travaille dans ce domaine en collaboration avec une structure à base communautaire qui est l’Association d’Autopromotion de la Région de l’Est Cameroun et avec le ministère de la santé publique. En termes de discours sur le paludisme, sa contribution se situe au niveau opérationnel, et dans la vulgarisation des messages de prévention auprès des communautés.

Organisation Camerounaise de Santé Catholique (OCASC) : C’estl’organe exécutif de la Conférence épiscopale nationale du Cameroun pour la santé. Créée il y a une cinquantaine d’années, cette structure était connue, jusqu’en 2002, comme le Service Catholique de la Santé. Elle coordonne les activités des formations sanitaires de l’église catholique aux niveaux diocésain et national. Cette structure confessionnelle travaille en collaboration avec le PNLP. Eu égard à la couverture territoriale de l’Eglise catholique dans le pays et à l’implication de celle-ci dans la prise en charge de la santé des populations, l’intervention de l’OCASC dans le domaine qui nous intéresse est plus visible dans la vulgarisation des messages sur la prévention du paludisme auprès des individus qui fréquentent les formations sanitaires confessionnelles catholiques.

Fédération des Missions Evangéliques du Cameroun (FEMEC) : C’est le corollaire de l’OCASC dans la production et la vulgarisation des discours de prévention du paludisme dans les formations de santé confessionnelle protestantes.

Adventist development Relief Agency/Cameroon (ADRA/Cameroon) : C’est la branche camerounaise de l’agence internationale humanitaire de l’église adventiste du 7e jour pour le développement individuel et communautaire et pour l’assistance en cas de catastrophes. Cette structure travaille avec le PNLP et l’ACMS pour la promotion de l’utilisation des moustiquaires imprégnées et pour l’hygiène du milieu dans les régions du Centre, de l’Est et de l’Adamaoua. A ce titre, elle participe à la vulgarisation des discours sur le paludisme.

Coalition contre la malaria au Cameroun : Elle est surtout connue sous sa dénomination anglaise Cameroon Coalition Against Malaria (CCAM) , il s’agit d’une jeune ONG créée en 2007 et qui est déjà active dans les dix régions du pays. Son architecture est bâtie autour de cinq groupes thématiques dans lesquelles ses membres travaillent régulièrement pour apporter une contribution substantielle à la lutte contre le paludisme ; ce sont : le marketing et la communication, la santé publique et les sciences biologiques, les statistiques et l’épidémiologie, la politique et la mise en œuvre du programme, le développement et la mobilisation des ressources. Cette ONG joue un grand rôle dans la production des discours de prévention du paludisme au Cameroun. Une des actions significatives de celle-ci a été la publication récente d’un guide sur la lutte contre le paludisme au Cameroun. Ce document, dont nous avons parlé plus haut, a été présenté au public par le ministre de la santé publique lors de la célébration de la journée mondiale de lutte contre le paludisme en 2010.

Association d’Autopromotion des populations de l’Est-Cameroun (AAPEC) : Il s’agit d’une ONG hollandaise créée en 1992 par l’Archevêque de Bertoua, dans le but d’améliorer le statut sanitaire et socio-économique des populations autochtones marginales que sont les pygmées.50 La stratégie utilisée est la promotion de la cohabitation pacifique entre ces populations et les autres. L’AAPEC met en œuvre des projets à base communautaire dans cinq domaines, à savoir : la promotion de l’éducation de base, la promotion des pratiques de santé préventives, la sensibilisation sur le concept du genre, la promotion de l’agriculture et de l’agroforesterie, la promotion de la paix et de la justice. Elle travaille en collaboration avec Plan /Cameroon et ACMS dans la région de l’Est-Cameroun. Au même titre que ces deux structures, elle apporte un appui dans la vulgarisation des messages de prévention des maladies, y compris du paludisme, auprès des communautés de l’Est-Cameroun.

Associations des tradi-praticiens : Nous nommons tradi-praticiens ou encore guérisseurs traditionnels, tous ceux qui interviennent dans la médecine traditionnelle. Cette forme de médecine n’utilise pas les mêmes méthodes de diagnostic et de traitement que la médecine conventionnelle moderne. Selon l’OMS (2002), elle fonctionne sur la base des connaissances et des pratiques culturellement marquées, scientifiquement explicables ou non, utilisées pour diagnostiquer, prévenir ou traiter des maladies physiques, mentales ou sociales. Ces connaissances et pratiques peuvent se fonder essentiellement sur des expériences ou des observations passées transmises de génération en génération. Citant le directeur de l’Organisation des soins et de la recherche sanitaire au ministère de la Santé publique, Cameroon Tribune du 4 avril 200751 indique que 80% de la population camerounaise a recours à cette forme de médecine.

Il existe de nombreux tradi-praticiens au Cameroun déclarant prévenir ou soigner de nombreuses maladies dont le paludisme. Ils sont souvent regroupés dans des associations, non encore officiellement reconnues. En effet, un cadre réglementaire juridique sur la médecine traditionnelle a été élaboré par le Ministère de la santé publique, mais n’est pas encore entré en vigueur. Il vise à arrêter un statut et un code éthique pour l’exercice de cette profession au Cameroun. L’objectif poursuivi, à travers ce cadre est que, d’ici à 2015, la médecine traditionnelle soit entièrement intégrée dans le système national de santé. Dans son application, l’on veillera à ce que les tradi-praticien aient des attestations d’exercice délivrées par le ministère de la santé publique. Ces précieux sésames leur seront remis s’ils jouissent d’une grande notoriété pour leurs fonctions dans leurs villages ou leurs lieux de résidence et s’ils sont reconnus par les autorités administratives locales. En outre, seuls ceux spécialisés dans le traitement de cinq maladies au maximum pourront y prétendre. Ils devront par ailleurs soigner leur pharmacopée, la conservation et la présentation de leurs médicaments, et en indiquer la posologie pour leur absorption.

En retour, des mécanismes seront mis en place pour la protection de la propriété intellectuelle pour leurs découvertes, la promotion de la recherche, le développement de la production locale et la valorisation du savoir traditionnel. Ce cadre réglementaire viendra sans doute concilier les deux formes de médecine et donner raisons à de milliers de Camerounais, de toutes les couches sociales, qui ont simultanément recours à l’une ou l’autre des deux médecines pour des raisons économiques ou des raisons personnelles. Les tradi-praticiens sont, en effet présentés comme les gardiens de la culture traditionnelle et ils offrent des soins de santé à coûts réduits. Emily Hillenbrand (2006) présente la querelle entre les deux formes de médecines en ces termes :

‘“Advocates of conventional medicine argue that traditional medicine is fraught with problems of imprecise dosage, poor diagnosis, charlatanism, exaggerated claims of abilities, and inadequate knowledge of anatomy, hygiene, and disease transmission, […]Traditional practitioners, meanwhile, believe that conventional medicine practitioners and research scientists seek merely to condemn their art or to steal their secrets.”
(« Les défenseurs de la médecine conventionnelle soutiennent que la médecine traditionnelle est minée par les problèmes d’imprécision dans le dosage, la faiblesse dans la consultation, le charlatanisme, la demande exagérée de la reconnaissance d’aptitude, et la connaissance inappropriée de l’anatomie […] Les tradi-praticiens pensent cependant que les praticiens de la médecine conventionnelle moderne et les scientifiques cherchent simplement à condamner leur art et à voler leurs secrets. ») ’

Le cadre réglementaire annoncé plus haut veillera à mettre en place des passerelles qui permettent au système de santé camerounais d’exploiter les atouts de chacune des deux formes de médecine. Cela étant, la contribution des auteurs de la médecine traditionnelle à la production des discours sur le paludisme est prioritairement dirigée vers la prévention secondaire, et spécifiquement vers la prise en charge des accès fébriles qui sont une partie des manifestations symptomatiques du paludisme.

Association des naturopathes et autres adeptes de la médecine asiatique  :
Depuis quelques années, certains intervenants dans les soins de santé au Cameroun se situent à califourchon entre la médecine traditionnelle et la médecine conventionnelle moderne. Ils utilisent des produits naturels (le plus souvent des éléments qui interviennent dans l’alimentation) et les pratiques de la médecine asiatique52 pour apporter des soulagements à des maux courants. Les pratiquants de ces formes de médecine préviennent ou prennent aussi en charge les accès palustres. Ils sont généralement installés en clientèle privée et évoluent dans l’informel par rapport à la politique nationale de santé. Ils sont par moments considérés comme des tradi-praticiens à la seule différence qu’ils utilisent des traditions thérapeutiques qui ne sont pas toujours propres au terroir.

De façon générale, au terme de l’examen des structures ci-dessus, nous pouvons conclure en l’existence d’une multitude d’acteurs dans la production des discours sur le paludisme au Cameroun. Certaines de celles-ci interviennent au niveau stratégique en conformité avec la politique nationale de santé du pays, mais, beaucoup profitent du contact direct avec les communautés, les familles et les individus au niveau opérationnel pour tenir des discours sur la maladie. Le paludisme peut aussi servir de sujet de conversation entre les membres de la communauté ou au sein des familles. L’on peut se demander s’il faut un statut spécifique pour tenir un discours sur le paludisme et s’il y a une instance de validation des aptitudes à parler du paludisme comme ce pourrait être le cas de la maladie mentale ou d’autres pathologies. Cette double préoccupation commande que l’on s’intéresse un peu plus aux personnes physiques qui tiennent des discours. Sur le paludisme au Cameroun.

Notes
48.

Statistiques obtenues du PNLP (2009)

49.

Nous avons noté qu’à l’initiative de cette ONG, des spots de sensibilisation ont été produits en  Mongo Ewondo , une langue véhiculaire dans les régions du Centre, du Sud et de l’Est du pays pour la diffusion de messages d’information et de sensibilisation sur le paludisme.

50.

Population autochtones des zones de forêt souffrant souvent de la marginalisation par les autres tribus.

51.

Parution en ligne dans l’article intitulé Tradi-praticiens : la médecine traditionnelle se met en règle.

52.

Médecine coréenne, indienne ou chinoise le plus souvent, par exemple l’acupuncture.