II - Enonciation des discours sur le paludisme avant la conférence ministérielle mondiale de 1992

La conférence ministérielle mondiale sur le paludisme de 1992 a été organisée sur proposition de la 85e session du Conseil Exécutif de l’OMS en janvier 1990. Elle s’imposait alors comme l’occasion sine qua non de la réorganisation de la lutte contre cette endémie tropicale, eu égard à la gravité et à la complexité croissantes du paludisme dans le monde, puis au constat d’une certaine négligence observée chez les populations vis-à-vis de la maladie en cette période. Pour comprendre l’énonciation des discours sur cette pathologie au niveau du Cameroun avant cette conférence, il faut d’abord s’appesantir sur les grandes lignes des discours internationaux du moment. Produits principalement par l’OMS, ces déclarations internationales contiennent l’essentiel des stratégies de lutte et recommandations qui nourrissent les discours au niveau des pays. Pendant la période précédant la conférence d’Amsterdam, les discours internationaux relèvent un certain nombre de faits ; nous en présentant les quatre plus saillants.

Premièrement : Le constat de l’échec de l’éradication du paludisme et de la non préparation de l’Afrique tropicale pour l’éradication de la maladie. C’est, en substance, l’émanation des résolutions de la troisième conférence africaine du paludisme organisée à Yaoundé en juillet 1962. Le 9e rapport du Comité d’experts de l’OMS, à l’issue de cette conférence, a relevé que les programmes d’éradication ne peuvent démarrer que dans les pays où il est possible d’obtenir et de maintenir l’interruption de la transmission du paludisme dans toutes les éventualités épidémiologiques. Or, ces conditions n’étaient réalisées en Afrique qu’en Union Sud-africaine76, au Swaziland, dans certaines régions de la Rhodésie77 et à Maurice78 (J. Mouchet et al, SD).

L’insuffisance des infrastructures sanitaires et administratives était alors indexée comme les causes principales de cet échec. Les autres causes de la persistance de la transmission sont le résultat d’un ensemble de facteurs interférant les uns avec les autres et rendant difficile l’évaluation de l’importance respective de chacun d’entre eux (J. Mouchet et al, op. cit). Le premier de ces facteurs avait trait à l’efficacité de l’insecticide utilisé pour les pulvérisations. Dès 1947 et 1950, l’on avait constaté la faible mortalité de certains anophèles dans les maisons traitées au DDT à Lagos et au Tanganyika. Ces résultats furent controversés, mais en 1961 au Nord-Nigeria, dans des .maisons traitées, le DDT pulvérisé, à raison de 2 g/m2, provoquait une mortalité de ces anophèles inférieure à 30% trois mois après les aspersions, traduisant alors le faible effet irritant et l’insuffisance de la toxicité de l’insecticide vis-à-vis des vecteurs de la maladie.

Le second facteur était relatif aux problèmes écologiques et épidémiologiques. Dans les zones de savanes holoendémiques, où les vecteurs se nourrissent en prélevant du sang alternativement sur homme et sur le bétail et où ils ont des gîtes naturels, l’échec était absolument général et sans appel. Par contre, dans ‘les réglons de forêt sans bétail et où les gîtes naturels sont, pour la plupart, détruits par l’activité humaine, l’arrêt de la transmission a été obtenu localement.

Le troisième facteur concernait les problèmes humains (mouvements des populations, habitat, coutumes locales). Les populations sont souvent appelées à se déplacer pendant des périodes plus ou moins longues pour exercer leurs activités agricoles ou pastorales. En zones rurales, l’habitat est généralement pauvre. Les maisons mal construites se dégradent rapidement en entraînant la disparition des revêtements d’insecticides. De plus, le grand nombre d’ouvertures, voire souvent l’absence de murs, favorise l’exode des moustiques. S’agissant des habitudes des populations, certaines sont casanières (dans les régions forestières) ; elles rentrent tôt le soir dans leurs demeures. D’autres, par contre, passent une partie ou toute la nuit à l’extérieur (pour des raisons diverses et surtout en zones littorale et de savane). La transmission peut alors être partiellement extradomiciliaire et les vecteurs se reposant à l’extérieur sont sans contact avec les insecticides. Ce phénomène contribue à l’échec des opérations antipaludiques bien que n’en étant généralement pas la cause majeure.

- Deuxièmement : L’arrêt des campagnes de chimioprophylaxie de masse pour prévenir les accès palustres. Dans les régions hyper-endémiques, en effet, les antipaludéens courants comme la nivaquine devaient être pris toutes les semaines et par au moins 90% de la population. Or, les distributions se sont avérées assez onéreuses pour les Etats ; de plus, l’expérience a montré que la participation des populations aux premières distributions est généralement massive, mais, on observe rapidement un certain désintéressement et l’absentéisme s’accroît rapidement par la suite. Avec cet arrêt des campagnes de chimioprophylaxie de masse, la nécessité d’instituer l’éducation sanitaire de masse s’est imposée pour aider les populations à continuer à bien observer les mesures courantes de prévention.

- Troisièmement : Les résistances aux antipaludéens jusque-là efficaces dans la prise en charge des accès palustres. Tel est le cas pour la nivaquine ou la chloroquine dont le phénomène de résistance a obligé les chercheurs à s’investir dans la recherche de nouvelles molécules, plus efficaces et plus chères, pour la prévention secondaire du paludisme.

- Quatrièmement : L’investissement dans la recherche d’un vaccin contre le paludisme avait déjà débuté dans les années 1970 et s’est poursuivi pendant toute la période. Les résultats sont prometteurs en 1987, même s’ils ne sont pas encore concluants. Qu’en est-il des discours sur la cette maladie au Cameroun ?

L’énonciation de ces discours porte sur les différentes réformes du système de santé qui ont une influence sur la prévention de la maladie. Elle intègre notamment : la mise en pratique des soins de santé primaires, conformément aux résolutions de la conférence internationale de Alma Ata en 1978 ; l’organisation du système de santé telle que convenue à la conférence de l’OMS à Lusaka en 1985 et le financement de la santé conformément à l’initiative de Bamako adoptée en 1987 (R. Okalla et A. Le Vigouroux, SD). Puis suivra une réflexion, dès 1989, sur la réorientation des soins de santé primaires suivant les recommandations de l’OMS, avec l’identification du district de santé comme l’unité opérationnelle du système de santé. Les différents discours sur le paludisme au Cameroun sont apparus ainsi qu’il suit pendant la période :

Notes
76.

L’actuelle République Sud-Africaine

77.

Zimbabwe actuellement.

78.

L’Ile Maurice.