III - Enonciation du discours sur le paludisme depuis la Conférence Ministérielle Mondiale de 1992 à l’an 2000

Au plan international, les discours sur cette maladie, pendant cette période, ont été largement influencés par la stratégie mondiale de lutte contre le paludisme adoptée à Amsterdam le 27 octobre 1992. Cette stratégie relève, en préambule, la nécessité d’un engagement de tous les gouvernements, de tous les agents de santé et autres acteurs du développement et de la communauté internationale, en faveur de la lutte contre le paludisme. Selon celle-ci :

‘« Dans la plupart des pays d’endémie, on s’attachera à prévenir la mortalité due au paludisme et à réduire la morbidité et les conséquences sociales et économiques de la maladie en améliorant et en renforçant progressivement les capacités nationales. Cette tache sera particulièrement ardue dans les pays les moins avancés où un appui durable mettant en jeu la solidarité internationale s’impose. » (OMS, 1992 :12)’

Aussia-t-elle recommandé le développement des composantes suivantes

Pour une lutte conséquente contre cette maladie :

  1. Le diagnostic précoce et le traitement rapide ;
  2. La planification et la mise en œuvre de mesures de prévention sélectives et durables, y compris la lutte antivectorielle ;
  3. La détection précoce, l’endiguement et la prévention des épidémies ;
  4. Le renforcement des capacités locales en matière de recherche fondamentale et appliquée pour permettre et favoriser une évaluation régulière de la situation du paludisme dans les pays

Ces discours portent aussi les marques de l’initiative mondiale Faire Reculer le Paludisme, partenariat mondial établi en 1998 par l'OMS, le PNUD, l'UNICEF et la Banque mondiale. En collaboration avec les gouvernements, d'autres organismes de développement, des ONG et des entreprises privées, ce partenariat s'efforce à réduire les coûts humains et socioéconomiques du paludisme. L’initiative FRP a été lancée à la suite d’une analyse de la situation de l’endémie dans le monde qui a révélé le manque d’argent et de coordination des actions mondiales pour faire reculer le paludisme. Le paludisme affecte 3,2 milliards de personnes dans le monde et a des effets dévastateurs sur la santé et le développement des pays. A l’issue du lancement de l’initiative, le cadre d’exploitation du partenariat FRP a identifié le Forum sur le partenariat FRP comme la structure de coordination de ce partenariat. Il se réunit régulièrement pour débattre, approuver et adopter la vision et les objectifs à long terme de l’initiative FRP et pour en évaluer les progrès.

Les discours sur le paludisme se sont aussi inspirés des objectifs du millénaire pour le développement dont l’adoption par les Nations Unies se situe à la limite de la seconde période qui nous intéresse. Ils puisent pleinement dans l’OMD 6 centré sur une offensive spéciale contre le SIDA, la tuberculose, le paludisme et d’autres endémies pendant les quinze premières années du troisième millénaire. Au Cameroun, la construction de ces discours a pris en compte un certain nombre d’éléments :

  1. D’abord, la poursuite des reformes initiées dans le système de santé engagée depuis la décennie 1980, puis la création du tout premier programme national de lutte contre le paludisme au Cameroun en 1995. Le système de santé retenu au terme des reformes se présente sous une forme pyramidale avec des fonctions et des structures de soins bien déterminés, comme l’indique le tableau ci-dessous.
Tableau 5 : Organisation du système de santé au Cameroun

(Source : Un système de santé en pleine mutation : le cas du Cameroun (R. Okalla & A. Le Vigouroux, SD)

De façon générale, ce système est organisé autour de trois niveaux : central, intermédiaire et périphérique. Le niveau central est celui de conception des politiques, y compris celles de lutte contre le paludisme. Ces politiques sont mises en œuvre au niveau périphérique, constitué par le district80 et les aires de santé. Ces structure bénéficient de l’appui technique du niveau intermédiaire assuré par les structures régionales de santé. Situé au niveau du district de santé, le centre de santé est la première structure qui accueille le malade. Il y a, toutefois, des activités comme l’éducation sanitaire qui sont menées dans les communautés. A chacun de ces niveaux de la pyramide sanitaire et au sein des communautés se développent des discours soit en rapport avec les stratégies en vigueur pour la lutte contre le paludisme, soit présentant des projections culturelles des individus sur cette maladie.

  • Le second fait est la poursuite de la récession économique dans le pays avec, à la clef, la dévaluation du franc CFA de moitié par rapport au franc français dans les 14 pays africains de la zone monétaire CFA, dont le Cameroun, et du tiers aux Comores. L’annonce de ce réajustement monétaire est intervenue le 11 janvier 1994. Cette décision a eu des répercutions dans le secteur de la santé en général et dans la lutte contre le paludisme en particulier. 
  • Par ailleurs, en 1997, pour rétablir les équilibres macroéconomiques et financiers du pays, le Cameroun a sollicité l’éligibilité à l'initiative d'allégement de la dette accordée aux pays pauvres très endettés. Des stratégies sectorielles ont ainsi été élaborées dans les secteurs de la santé, de l'éducation, de l'agriculture et des infrastructures. Les allègements sollicités devaient, entre autres, impulser le développement de ces secteurs afin de les rendre plus performants.
  • Enfin, en 1999, lors d'une mission conjointe de la Banque Mondiale et du FMI dont l’objet était la revue du document-cadre de politique économique et financière du pays, le gouvernement s'est engagé à élaborer un document de stratégie sectorielle pour la santé, accompagné d'un plan d'action pluriannuel chiffré. Cette stratégie devait prendre en compte les orientations de la politique nationale de santé exprimées dans le plan national de développement sanitaire 1999‑2008 dont les trois principaux objectifs étaient  de :
    • rendre les districts de santé fonctionnels et performants ;
    • maîtriser la progression de l'infection à VIH et sida à travers un programme de lutte centré sur le district de santé, et ;
    • développer puis mettre en place, au niveau des districts, des mécanismes décentralisés de financement des soins de santé, ainsi qu'un système performant de mutualisation du risque maladie (R. Okalla & A. Le Vigouroux, op. cit.).

Compte tenu de ce qui précède, l’énonciation des discours de prévention

du paludisme, pendant la période qui nous intéresse, s’est présentée dans le pays comme suit :

Notes
80.

Le district est la plus petite unité opérationnelle du système de santé. Il est lui-même subdivisé en aires de santé. L’aire de santé est constituée par un village ou un ensemble de villages avec une population bien défini et généralement desservie par un centre de santé qui a la responsabilité des activités de santé au sein de l’aire de santé.