B - Discours économique sur le paludisme au Cameroun

Le début du troisième millénaire est marqué au Cameroun par la reprise de l’économie après l’importante récession de la décennie 1990. Le défi majeur de la prévention des pandémies et endémies du moment, dont le paludisme, est de construire des partenariats forts pour soutenir le financement de la lutte. Aussi le discours économique sur le paludisme au Cameroun se construira-t-il sur les relations entre le Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme et le Cameroun pour le financement des interventions dans ce domaine, puis sur le financement des dispositifs de prévention et sur les médicaments antipaludéens.

S’agissant des relations entre le pays et le Fonds mondial, l’on se souvient que le financement du secteur de la santé était un véritable défi pendant la décennie 1990. Le lancement de l’initiative mondiale FRP visait, entre autres, à relever ce défi dans le cadre de la lutte contre le paludisme. Depuis sa création en 2002, le Fonds mondial est devenu la principale source de financement des programmes de lutte contre ces trois maladies, avec 19.3 milliards de dollars US de financements approuvés pour plus de 572 programmes répartis dans 144 pays. Il fournit le quart du financement international de lutte contre le SIDA, les deux tiers du financement mondial de lutte contre la tuberculose et les trois quarts du financement mondial de lutte contre le paludisme.

Dans la pratique, au niveau des pays, la structure technique pour la coordination de la préparation des propositions de financement à soumissionner est le Country Coordinating Mechanism (CCM). Elle travaille avec les partenaires du secteur public, privé et de la société civile, puis envoie les propositions consolidées de financement au secrétariat du fonds. Ces propositions sont étudiées par un Groupe d’examen technique indépendant comprenant des spécialistes des maladies et des experts en développement qui fait des propositions au conseil d’administration du fonds. Au terme de ses travaux, le conseil d’administration du fonds approuve ou rejette la proposition de financement. Si la proposition est retenue, les fonds sont envoyés au pays qui met en œuvre les interventions et rend compte au Fonds. Les récipiendaires du Fonds mondial doivent se conformer à des normes rigoureuses exigeant des programmes qu’ils atteignent des objectifs spécifiques pendant toute la durée des subventions. Le public peut suivre l’avancée de toutes les subventions sur le site internet du Fonds mondial, qui met à disposition des évaluations indépendantes de la performance de l’organisation ainsi que des documents ayant fait l’objet de discussions lors des réunions du Conseil d’administration.

La parution en ligne du Journal L’effort Camerounais publie l’article suivant sous la plume de Gildas Mouthé : Santé : Il n’y aura pas de rupture de stocks des antis rétroviraux au Cameroun. Celui-ci précise que le Cameroun a présenté 20 soumissions aux neuf appels à proposition (également appelé round) lancés par le fonds mondial entre 2002 et 2009. Sur les vingt soumissions, huit ont été éligibles au financement pour un montant global de 154 milliards FCFA. Le pays a fait trois soumissions d’un montant global de 163 milliards 995 millions de francs CFA pour le compte du 9e appel à propositions lancé le 1er octobre 2008. Le conseil d’administration du fonds mondial a classé les soumissions sur le paludisme et la tuberculose en catégorie 2, donc éligibles au financement mondial, pour un montant total de 84 milliards 619 millions de francs CFA. Par contre, la soumission VIH et SIDA, d’un montant d’environ 79,4 milliards de francs CFA, a été classée en troisième catégorie et ne pouvait pas bénéficier des financements du fonds mondial au cours de ce round.

Signalons que ces discours relèvent, par ailleurs que pour atteindre le point d’achèvement de l’initiative en faveur des l’initiative pays pauvres très endettés à laquelle le pays avait souscrit en 1997 dans la perspective d’obtenir la réduction de sa dette, le Cameroun devait, entre autres mesures, s’assurer qu’au moins 5% des femmes enceintes utilisent les moustiquaires imprégnées, au titre de la protection et prévention contre le paludisme. Le point d’achèvement de cette initiative a été atteint, pour le Cameroun, le 1er mai 2006.

Les discours économiques sur la prévention du paludisme pendant cette période ont aussi trait à l’implication du secteur privé dans le financement de la lutte contre le paludisme au Cameroun. Il s’agit là d’une nouveauté qui rentre en droite ligne de la responsabilité sociale d’entreprise. Des entreprises financent ainsi, de temps à autres, des compagnes de sensibilisation des populations situées dans leurs zones d’intervention, et elles supportent aussi des campagnes de distribution des moustiquaires imprégnées d’insecticides au profit de ces populations.

C’est le cas de l’entreprise américaine Exxon Mobil et de sa filiale camerounaise COTCO qui s’occupent du pipeline Tchad-Cameroun. Exxon Mobil est le plus grand donateur-entreprise non pharmaceutique qui se consacre aux efforts de développement et aux recherches sur le paludisme dans les pays d’Afrique centrale et australe dont l'Angola, le Nigeria, la Guinée équatoriale, le Tchad, le Cameroun, le Kenya et l'Ouganda. Le 11 août 2008, le président d’Exxon Mobil déclarait dans les colonnes du Business Wire :

‘« Pour gagner la lutte contre le paludisme, nous devons attaquer la maladie sur plusieurs fronts […] Exxon Mobil s'est engagé dans cette lutte et c'est la raison de toutes nos activités qui consistent à aider au développement de nouveaux médicaments, à faciliter la distribution de moustiquaires imprégnées d'insecticide dans les endroits où celles-ci sont essentielles et à soutenir des programmes permettant d'éviter la propagation de la maladie. » (in Caducee.net)’

Sur un autre plan, à l’occasion de l’organisation de l’édition de la coupe du monde 2010 en Afrique, des vedettes camerounaises, au premier rang desquels les anciens footballeurs Roger Milla et Joseph-Antoine Bell, ont lancé la campagne « Football contre paludisme » en collaboration avec des fédérations nationales de football de certains pays africains dont le Cameroun. L’objectif visé par cette campagne est de parvenir à l'accès universel aux moustiquaires et aux médicaments contre le paludisme et sauver des millions de vies en Afrique, d'ici la prochaine Coupe du monde, en 2014.

Au total donc, des discours économiques énoncés témoignent d’une réelle mobilisation tant au Cameroun qu’au niveau international visant à faire libérer des appuis substantiels afin de supporter la lutte, tous azimuts, du paludisme au Cameroun. Quelle est la situation des discours politiques sur cette maladie ?