D - Autres discours sur le paludisme

A côté des types de discours précédents sur le paludisme, il en existe d’autres en rapport avec le vécu quotidien de la maladie ou qui traduisent les pratiques des acteurs sociaux ou des considérations culturelles vis-à-vis de la maladie. Ces discours, au même titre que les autres ont contribué à inscrire constamment le paludisme dans l’actualité tout au long de la période qui nous intéresse.

Au terme de ce chapitre consacré à l’énonciation des discours sur le paludisme au Cameroun, nous voyons que le discours national que ces différents types de discours sur cette maladie contribuent à construire s’aligne sur le discours international sur le paludisme. Cette énonciation se fait en fonction des données conjoncturelles des trois grandes périodes :

• avant 1992 : cette énonciation montre des discours qui s’éloignent quelque peu progressivement de la volonté d’éradication du paludisme du Cameroun vers celle de l’intégration de cette lutte dans un système de santé cohérent qui cible l’individu et la communauté ;
• de 1992 à la fin du second millénaire : Les discours présentent la lutte contre cette maladie dans le cadre d’un programme national mis en œuvre dans un contexte économique difficile. Ils révèlent néanmoins une nouvelle offensive internationale qui vise à forger des partenariats solides tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays pour faire reculer cette endémie ;
• enfin dans la première décennie du troisième millénaire : Ces discours montrent des dispositions politiques, économiques et de santé publique favorables à la prévention du paludisme, mais des performances peu reluisantes dans ces domaines. Ils remettent au grand jour la préoccupation majeure du piétinement de la prévention de cette maladie et alimentent l’appréhension quant à l’atteindre du sixième objectif du millénaire, pour ce qui est du paludisme, d’ici 2015.

Au terme de cette première partie, nous avons opéré une déconstruction des discours sur le paludisme au Cameroun et les conclusions apparaissent aisément. De ce processus, il se dégage que les discours sur cette pathologie dans le monde, en général, et au Cameroun, en particulier, sont entretenus par un vivier de savoirs qu’alimentent constamment des travaux de recherche divers et les orientations stratégiques sur cette endémie au niveau international. Les acteurs sociaux de la communication utilisent ces savoirs suivant les stratégies et les objectifs qui leur sied pour construire des discours dans leurs interactions quotidiennes sur le paludisme. Ceci est valable tant pour la médecine conventionnelle moderne que pour la médecine traditionnelle.

Sur un autre plan, il faut noter que le paludisme est une maladie assez ancienne dont la rationalité ontologique sur les origines, la symptomatologie et les modalités de prise en charge est créditée aujourd’hui d’une relative unanimité qui limite les discussions à son sujet. Dès lors, cette unanimité semble aussi se faire sur les discours sur cette pathologie qui peuvent s’organiser au moins en trois types fondamentaux :

• les discours de santé publique dont l’objectif est à produire et à mettre à la disposition du public des savoirs afin qu’il sache reconnaître le paludisme et utiliser efficacement les produits et dispositifs disponibles, pour assurer les trois types de prévention conventionnelle (primaire, secondaire et tertiaire) permettant la protection des cibles de la maladie contre ses effets néfastes. Ce type de discours a aussi trait à l’organisation de la lutte contre cette endémie ;
• les discours économiques qui abordent les aspects pécuniaires afférents à l’organisation matérielle, humaine et logistique de la lutte contre cette maladie. Quelques préoccupations majeures dans ce type de discours sont la disponibilité et l’accessibilité financière du public aux dispositifs et produits de lutte (produits pharmaceutiques et autres outils de lutte) pour assurer les différents types de prévention évoqués ci-dessus, et ;
• les discours politiques dont l’objectif est de susciter la prise de conscience sur le fléau paludique et d’assurer une mobilisation constante de ressources multiformes pour la lutte contre le paludisme dans un espace social donné.

A côté de ces discours classiques, les observations courantes permettent d’identifier un autre type de discours, généralement caractéristique d’une société donnée et inspiré par la psychologie sociale de la société. Envisager ce type de discours dont le principe de construction n’est pas arrêté d’emblée pour tout espace social, c’est mettre sur la sellette les représentations sociales des individus sur cette maladie. Quelles sont celles des Camerounais sur le paludisme ? C’est l’objet de la seconde partie de notre travail.