2. Moustiquaires imprégnées

Le choix de cette stratégie de lutte a été guidé, dès 1996 par les spécialistes de la maladie qui l’ont indiqué comme une stratégie présentant un meilleur rapport coût/efficacité dans la lutte contre le paludisme. Le paludologue Lucien Manga de l’OCEAC est formel à ce sujet :

‘« …Les études ont montré que lorsque les moustiquaires sont utilisées dans l’ensemble d’une communauté, on arrive à réduire de 90% la transmission du paludisme, et par conséquent à réduire considérablement la morbidité et la mortalité attribuables au paludisme, en particulier chez le jeune enfant. »  (Cameroon tribune n° 6222 du 7 novembre 1996, p 6). ’

Dans un article intitulé : Paludisme : La prévention encore et toujours (Cameroon tribune du 7 janvier 1999), le journaliste Luc Angoula Nanga remet au goût du jour un vieux slogan de l’administration coloniale en vogue sur le continent africain au début du 20e siècle, à savoir : « Dors sous ta moustiquaire !». Face à la torpeur actuelle de la recherche, à côté d’une bonne et précoce prise en charge des cas de paludisme, le journaliste présente la lutte antivectorielle comme la stratégie la mieux adaptée pour prévenir le paludisme en Afrique. « La transmission de la maladie du moustique à l’homme ne s’opérant que la nuit, déclare-t-il, cette technique (l’utilisation de la moustiquaire imprégnée) a permis de réduire la mortalité infantile en Afrique de 15 à 33%  ces dernières années, selon l’OMS».

La figure 18 est la traduction iconographique de ce discours dans ses moindres détails. Elle montre les cibles de la maladie sous la moustiquaire et une moustiquaire placée sur un lit de manière à ne pas faire passer les moustiques.

Figure 18 : Une traduction du discours de la prévention primaire du paludisme à travers la bonne utilisation de la moustiquaire imprégnée

Le discours médiatique sur la prévention du paludisme au Cameroun indique que l’utilisation de la moustiquaire imprégnée comme moyen de prédilection de la prévention de la maladie a été à nouveau stimulée depuis le sommet des pays africains menacés par la maladie à Abuja, en l’an 2000, pour faire reculer le paludisme en Afrique. Dans la relation de ce sommet, Ibrahim Karche cite le Directeur Général de l’OMS, en ces termes :

‘« La lutte contre le paludisme en Afrique augmenterait sensiblement la productivité économique du continent et le revenu des familles africaines […] le PIB de l’Afrique sub-saharienne dépasserait aujourd’hui de 32% le niveau actuel, si on avait éliminé le paludisme il y a 35 ans ». (Cameroon tribune n° 7088 /3377 du 26 avril 2000, p. 23)’

Il indique qu’au cours de ce sommet et en raison de ce diagnostic posé par cette sommité de la santé, il a été demandé aux pays africains de faciliter l’acquisition des moustiquaires imprégnées, notamment en diminuant les droits de douanes pour leur acquisition. Après ce sommet, le Cameroun a adopté un document normatif mettant du poids sur la vulgarisation de l’utilisation de ce dispositif de lutte.

‘« … Faced with dilemma, the government, with its partners, elaborated a five-year national malaria strategic plan which was adopted in 2002. The plan which aimed at preventing, rather than striving to cure malaria, adopts insecticide treated mosquito nets as the way-forward. Its primary objective is to make 60 per cent of children under five and pregnant women sleep under the nets by 2006. » (Cameroon tribune n° 8459/4658 du 20 octobre 2005, p 16)
(… Face au dilemme, le gouvernement et ses partenaires ont élaboré un plan stratégique quinquennal du paludisme qui était adopté en 2002. Le plan qui visait à prévenir plutôt qu’à s’investir dans le traitement du paludisme, a adopté les moustiquaires imprégnées comme la voie à suivre. Son principal objectif est de faire en sorte que 60% des enfants de moins de 5 ans et des femmes enceintes dorment sous moustiquaire d’ici 2006. ) ’

Dans le cadre de la mise en œuvre de ce plan, les prix des moustiquaires imprégnées ont progressivement chuté. Mathieu Sa’a, dans une dépêche de l’agence Camnews dont le titre est : Sud : Lancement officiel de campagne contre le paludisme (Cameroon tribune n° 7013/3302 du 6 janvier 2000) annonce la grande moustiquaire imprégnée (pour un lit de trois places) à 15.000 francs CFA et sa ré-imprégnation à 500 francs CFA. Ces prix ont connu une baisse de 15.000 à 8.000 francs CFA, et en 2001, Olivier Lamissa Kaikai, dans l’article intitulé : Vaincre le paludisme (Cameroon tribune n° 7336/3625 du 25 avril 2001) se fait l’écho d’un responsable du Ministère de la santé publique qui annonce la subvention des prix de la moustiquaire imprégnée par le gouvernement, les faisant passer de 8000 francs CFA à 5000 francs CFA l’unité pour une grande moustiquaire (pour un lit de trois places).

Les années suivantes, le ministère de la santé publique va s’investir dans une vaste opération de distribution gratuite de moustiquaires imprégnées à l’occasion de la commémoration de la journée africaine du paludisme 2003 et dans les différentes provinces du pays. Les cibles de cette distribution à grande échelle ont été les femmes enceintes et les enfants de moins de 5 ans. Le Chef de ce ministère et le Secrétaire d’Etat à la Santé en ont fait une priorité qu’ils présentent comme une représentation de l’attention accrue du gouvernement pour la santé des populations. Ils en profiteront pour sensibiliser les populations sur la bonne utilisation de ce dispositif pour lutter contre le paludisme.

Dans la province du Sud, Urbain Olanguena Awono, le Ministre de la santé publique a baptisé la cérémonie de distribution des moustiquaires imprégnées Opération coup de poing contre le paludisme. Selon lui :

‘« …Pour un bon épanouissement de la femme enceinte, la nouvelle stratégie de lutte contre le paludisme passe par l’utilisation de la moustiquaire imprégnée. En protégeant la future maman contre la piqûre des moustiques, les responsables du ministère de la santé publique visent la réduction des accès palustres. C’est la raison pour laquelle, depuis le mois d’avril 2003, la distribution de la moustiquaire imprégnée est gratuite pour les femmes enceintes. Toutefois, les enfants et les hommes ne sont pas négligés dans cette campagne nationale de lutte contre le paludisme. Le gouvernement fait la promotion des moustiquaires imprégnées à un prix subventionné de 5000 francs CFA ». (Cameroon tribune n° 7878/4167 du 2 juillet 2003, p. 9). ’

Après la campagne de distribution gratuite des moustiquaires imprégnées aux femmes enceintes, l’année d’après, les enfants de moins de 5 ans ont été ciblées pendant la 4e journée africaine du paludisme. Cette vaste distribution des moustiquaires imprégnées aux femmes enceintes et aux enfants de moins de 5 ans s’est déroulée avec un appui financier substantiel des fonds PPTE. En voici quelques statistiques :

‘« …Près de 500.000 moustiquaires imprégnées ont été distribuées aux femmes enceintes depuis 2003 sur financement PPTE. 1.137.000 moustiquaires sont en cours de distribution gratuite aux enfants de moins de 5 ans depuis avril (2006) sur financement du Fonds mondial. » (La Nouvelle Expression n° 1712 du 20 avril 2006, p. 8).’

A cela, il convient d’ajouter les 22.300 moustiquaires imprégnées offertes par le gouvernement japonais 117(Cameroon tribune n° 8337/4536 du 26 avril 2005). D’autres partenaires se sont associés au ministère de la santé publique, soit pour la distribution gratuite de ce dispositif de prévention du paludisme aux populations camerounaises, soit pour favoriser son acquisition à des prix plus bas. En 2007, la société Exxon Mobil a par exemple lancé une vaste opération de vente de 50.000 moustiquaires imprégnées à 1500 francs CFA, l’unité (au lieu de 3500 francs CFA) dans les stations services de vente de carburant et dans quelques pharmacies des villes de Yaoundé et Douala (La Nouvelle Expression n° 1899 du 16 janvier 2007).

La distribution des moustiquaires imprégnées s’est poursuivie jusqu’au delà de notre période d’étude. Depuis 2006, ce dispositif de lutte est remis aux ménages comportant au moins un enfant de moins de 5 ans. Un total de 219.500 moustiquaires durablement imprégnées (MDI) ont, par exemple, été distribuées du 18 au 23 novembre 2008 dans la province de l’Ouest. A cette occasion, Alfred Mvogo rapporte les propos du Secrétaire d’Etat à la Santé en ces termes :

‘« …Revenant sur le choix de la province de l’Ouest pour le lancement de la campagne 2008, il s’agit, selon Alim Hayatou, du respect de l’engagement du Président Paul Biya à faire reculer le paludisme. » (Cameroon tribune n° 9230/5429 du 20 novembre 2008, p. 11).’

Des déclarations à relents politiques comme celle-ci sont apparues à plusieurs reprises lors des campagnes publiques de distribution de ces dispositifs de lutte depuis 2003. Elles sont généralement faites par les membres du gouvernement et participent de la construction progressive et du renforcement de l’ego bienfaiteur du Chef de l’Etat auprès des populations.

es femmes enceintes et les enfants de moins de 5 ans ont donc largement été servis en moustiquaires imprégnées entre 2003 et 2008. Ce dispositif de lutte a-t-il pour autant pu les mettre à l’abri du paludisme ? Il est permis d’en douter. Cameroon tribune n° 8459/4658 du 20 octobre 2005, dans l’article dont le titre est : Malaria: Still a major killer 118 , publié en page 16, révèle que seulement 0,2% d’enfants camerounais de moins de 5 ans et 0,8% de femmes enceintes ont accès à ce dispositif de lutte. Ces statistiques, dont les sources n’ont pas été indiquées dans l’article, sont très faibles et certainement discutables. Trois années plus tard, La Nouvelle Expression revient sur le bilan de la campagne de distribution de moustiquaires imprégnées d’insecticides et dénonce ce qu’elle nomme La bataille des statistiques dans sa parution n° 2188 du 20 mars 2008 en page 10. On peut y lire :

‘« Les sources officielles font état de moins de 50% de femmes non couvertes par les MII (moustiquaires imprégnées d’insecticides), d’autres estiment que ces statistiques sont sous-évaluées et oscillent entre 60% et 70% de femmes enceintes et d’enfants de moins de 5 ans qui sont privés de cet équipement de prévention subventionné par les bailleurs de fonds. »’

Cette bataille de statistiques traduit le manque de rigueur tant dans la planification que dans le suivi et la coordination des interventions des différents acteurs dans la mise en œuvre de cette stratégie de prévention de la maladie dans le pays. Certes, l’objectif fixé au début de la campagne de distribution des MII était qu’à la fin de l’année 2006, une moyenne de 60% de femmes et d’enfants de 5 ans dorment sous MII, mais tous les éléments permettant une bonne collecte des données sur le terrain et, à terme, une évaluation sereine de la campagne n’avaient été ni techniquement bien identifiés, ni suffisamment vulgarisés dans les médias. A côté de ces remarques relatives au suivi et à l’évaluation de la campagne, la presse camerounaise a noté que la mise en œuvre de cette stratégie de prévention du paludisme fait face à quelques entraves. Dans Cameroon tribune n° 8459/4658 du 20 octobre 2005 que nous venons de citer, Alain Tchokounté y voit un problème de mœurs. Dans l’article dont le titre est : D’autres formes de résistance et qui est publié aussi à la page 16, il note notamment :

‘« …Pour beaucoup, la moustiquaire imprégnée n’est pas encore entrée dans les mœurs et ce, malgré les campagnes de prévention et les dons gratuits initiés çà et là par le gouvernement. […] Même les femmes enceintes qui sont les plus interpellées par cette utilisation s’en débarrassent une fois la grossesse terminée. » ’

A cela, il convient d’ajouter des pratiques peu orthodoxes de certains acteurs de la lutte. A Maroua, en juin 2006, certaines colonnes de journaux font état de moustiquaires gracieusement acquises qui auraient changé de main juste après l’opération. En voici un extrait :

‘«…Mais, chose curieuse, la distribution des moustiquaires s’effectue également dans des chefferies de quartier. Conséquence, les moustiquaires distribuées se retrouvent au marché noir, au prix variant entre 1000 francs et 2000 francs CFA. » (La nouvelle Expression n° 1761 du 30 juin 2006, p 9).   ’

Les autorités sanitaires du pays ne seraient, au demeurant, pas ignorantes de telles pratiques dont la province de l’Extrême-Nord n’est probablement pas le creuset exclusif. C’est sûrement ce qui justifie la mise en garde faite par Alim Hayatou, le Secrétaire d’Etat à la santé, le 19 septembre 2003 à Bertoua, dans le discours du lancement de la campagne de distribution des moustiquaires imprégnées dans la province de l’Est en ces termes :

‘« … Que les collaborateurs des services extérieurs ne détournent pas ce matériel… » (Cameroon tribune n° 7935/4224 du 22 septembre 2003, p. 11).’

De même, lors de la commémoration de la 3e journée africaine de lutte contre le paludisme, Irene Morikang a ainsi rapporté la menace du Ministre de la santé publique :

‘« The Minister enjoined health personnel to properly manage the distribution process: they (mosquito nets) are meant for pregnant women and should be given to them. They should not be misdirected elsewhere. » (Cameroon tribune n° 7835/4124 du 28 avril 2003, p.7).
(Le Ministre a instruit le personnel de santé de bien gérer le processus de distribution : Elles (moustiquaires) sont destinées aux femmes enceintes et ne devraient pas se retrouver ailleurs.)’

La moustiquaire imprégnée d’insecticides, dispositif au cœur de la stratégie de prévention primaire du paludisme par la protection des individus contre les piqûres des moustiques est prise dans un double étau économique au Cameroun. D’un côté, son acquisition est soumise aux avatars de la loi de l’offre et de la demande d’un produit qui n’est pas fabriqué dans le pays. Elle est par ailleurs victime des problèmes liés à la passation des marchés aux entreprises chargées de les approvisionner et des stocks disponibles sur le terrain qui sont souvent frauduleusement vendus par des agents à la moralité douteuse. Et de fait, l’importation des moustiquaires pour les campagnes ci-dessus décrites a été par moments au cœur de controverses. Tout ceci est couplé aux difficultés réelles d’adoption de ce mode de prévention de la maladie et est préjudiciable au déploiement efficace de la stratégie. Les extraits de journaux ci-après sont assez éloquents à ce sujet :

‘« …Mathurin Kamanké, homme d’affaire proche du Ministre de la santé publique, Urbain Olanguena Awono, avait décroché le marché, notamment dans sa partie importation des moustiquaires imprégnées. Mais, problème : la livraison attendue, il y a neuf mois, n’a plus eu lieu comme prévu, ce qui a provoqué moult reports de la date de lancement de ladite campagne… » (La nouvelle Expression n° 1146 du 4 août 2003, p. 2).
« S’il est vrai qu’il existe une volonté politique qui concerne la distribution des moustiquaires imprégnées aux femmes enceintes et enfants de moins de cinq ans, l’effectivité n’est pas vérifiable sur le terrain. En outre, ce matériel est disponible dans le commerce à des prix, pas toujours à la portée des bourses (en moyenne 3500 francs CFA […] Pour une raison ou une autre, les gens n’achètent pas les moustiquaires imprégnées. Certains en possèdent, mais les rangent soigneusement dans des placards… » (Cameroon tribune n° 9089/5288 du 29 avril 2008, p 11).
«… Sur 1408 malades reçus en consultation au centre médical de cet arrondissement (Ngomedzap) en 2007, (un total de) 222 enfants de moins de 5 ans souffraient de paludisme. […] Devant l’ampleur du mal qui s’enracine, la population souhaite la remise en place du programme de nivaquinisation des années 80 qui avait fait reculer le paludisme dans le Nyong et So’o. » (Cameroon tribune n° 9074/5273 du 8 avril 2008, p 28).
« When there is proof of individuals selling nets meant to be distributes free to the target population, health authorities say investigations are carried out and those concerned are penalized. » (Cameroon tribune n° 8768/4967 du 16 février 2007, p. 9).
(Lorsqu’il est établi que des individus vendent des moustiquaires destinées à être distribuées gratuitement aux populations cibles, des enquêtes sont menées et les coupables punis.)’

Après ces développements, la moustiquaire imprégnée d’insecticides est-elle vraiment la panacée contre la survenue des cas d’accès palustres ? Certainement pas ! Au vu des contraintes inhérentes à sa bonne utilisation, les chercheurs et le personnel de santé ont, depuis très longtemps, caressé l’espoir d’avoir une meilleure solution pour prévenir la survenue du paludisme chez l’homme. Dans un environnement géographique où le moustique trouve des facilités de prolifération, la solution d’un vaccin s’est offerte. Plusieurs candidats vaccins ont, à ce jour, défrayé la chronique, se buttant à chaque fois au niveau d’efficacité bas pour leur adoption comme le vaccin tant recherché. Le discours sur le paludisme en a fixé quelques moments historiques dans la presse camerounaise. Cameroon tribune n° 5715 du 3 novembre 1994 salut les prouesses des chercheurs dans ce domaine. Luc Angoula Nanga en fait un panorama dans l’article Lutte contre le paludisme : un vaccin en expérimentation dont voici un extrait :

‘« Face à cette maladie qui fait des victimes tout en menaçant le développement économique des Etats, le chercheur colombien Manuel Patarroyo veut être le bourreau du moustique, le sauveur de l’homme. Son SPF66 (non du candidat vaccin), qui subit actuellement des essais de la phase II en Tanzanie, a toutes les chances d’être un vaccin efficace permettant de prévenir le paludisme. »’

L’expérimentation de ce vaccin dont la production était annoncée pour 1998, n’a pas connu un niveau d’efficacité intéressant. C’est aussi le cas de plusieurs autres candidats vaccins évoqués dans ce même article :

‘« … D’autres préparations expérimentales sont en cours : EBA 119 dont les essais pourraient commencer d’ici à la fin de l’année (1994) ; le SERA avec ses formes recombinées sur levures qui ont assuré une protection nette contre le paludisme ; le PFS25 qui fera bientôt l’objet d’essais aux Etats-Unis. Bref, on compte à l’heure actuelle 6 vaccins potentiels prometteurs. »’

Le même journaliste, nous renseigne sur le vaccin du chercheur colombien, Manuel Elkin Patarroyo, six ans après, au cours d’une interview parue dans le n° 7075/3364 de Cameroon tribune du 6 avril 2000. L’on apprend alors que le vaccin du colombien (SPF66 ou Colfavac, c’est-à-dire Columbian Falciparum Vaccine) a mis à nu des intentions mercantiles d’une multinationale pharmaceutique occidentale qui a tenté, sans succès, de racheter le brevet d’invention du vaccin. Un montant de 68 millions de dollars, telle est l’offre d’achat du brevet que Manuel Elkin Patarroyo a décliné au motif que la recherche doit servir à sauver des vies et non à enrichir des individus. Il a offert ce brevet à l’OMS afin qu’elle le mette à la disposition des populations.

Pour autant, le vaccin contre le paludisme n’est pas encore disponible. Les recherches continuent et à chaque nouvelle avancée, l’on a le sentiment que très bientôt sonnera le glas de la contamination du paludisme. Cameroon tribune n° 8204/4493 du 18 octobre 2004 annonce la découverte du candidat-vaccin contre les formes graves de paludisme dont les essais seraient très encourageants au Mozambique. Il publie aussi les remarques suivantes, fort intéressantes, des experts français120, sur l’investissement actuel pour trouver des solutions permettant de prévenir durablement la maladie :

‘« Tout en saluant ces résultats, la route reste longue et chaotique avant d’aboutir, vers 2010, au meilleur des cas, à un vaccin sûr, efficace et utilisable à grande échelle. »  ’

Point de vue plutôt très optimiste, que bat en brèche Jocelyne Ndoutou-Moulioum dans l’article intitulé : Lutte contre le paludisme : Petites avancées, grandes attentes publié en page 11 de Cameroon tribune n° 9089/5288 du 29 avril 2008 en citant un autre expert, Dr. Leonardo Basco, de l’OCEAC :

‘«Une dizaine de vaccins expérimentaux sont actuellement en cours. Un ou deux doivent être finalisés car ils ont déjà été essayés en Tanzanie, mais les résultats restent mitigés. On n’a pas réussi à couvrir toute la population. […] Il faudra encore attendre entre 10 et 20 ans pour avoir un vaccin suffisamment protecteur pour les populations. »’

A ce niveau de l’examen du discours de presse sur le paludisme, il se dégage un inconfort dans la capacité des techniques et stratégies promues à prévenir la maladie au Cameroun. La propension des individus (notamment les plus vulnérables à la maladie° à utiliser la MII n’est pas en rapport direct avec les efforts du gouvernement et des partenaires à mettre cet outil de lutte à la disposition des populations. L’environnement géographique et le comportement humain offrent autant d’opportunité au moustique de proliférer et de faire de plus en plus de victimes du paludisme. L’espoir de trouver un vaccin efficace qui mette fin au drame humain causé par cette maladie est encore à venir.

Quelles critiques faire de la mise en œuvre de ces stratégies de prévention ? Qui blâmer ? Y a-t-il une alternative salutaire permettant d’obtenir de meilleurs résultats contre ce fléau ?

Ces questions et bien d’autres ont amené les protagonistes de la lutte à questionner froidement les stratégies actuelles de prévention primaire de la maladie qui mettent un accent sur la protection contre les piqûres des moustiques et non sur l’extermination de la population de ces bestioles. Certes, une telle réflexion ramène la lutte contre le paludisme à ce qu’elle était dans les années 1950-1970 et à la problématique aujourd’hui éculée et caduque de l’éradication du paludisme par l’élimination des moustiques. Cela étant, la gestion de notre environnement tant rural qu’urbain est aujourd’hui telle que la prévention primaire du paludisme ne peut être convenablement assurée si elle continue d’être exclusivement l’affaire de la santé. Toute stratégie visant simplement l’évitement des piqûres des moustiques tout en restant indifférente à la prolifération de ces bestioles ne peut être concluante sur le long terme. Le sommet des pays l’avait clairement pressenti, qui avait prescrit une approche multisectorielle pour espérer voir reculer le paludisme.

Notes
117.

Il s’est agi pour ce cas des moustiquaires imprégnées longue durée, c’est-à-dire pour plus de 6 mois.

118.

Paludisme : Encore un grand tueur.

119.

Erythocyte Based Antigen (Antigène de fixation à l’érythrocyte)

120.

Philippe Van de Perre et Jean-Pierre Dedet de l’Université de Montpellier