B - Conjugaison des forces pour barrer la voie au paludisme

A l’occasion de la célébration de la toute première journée africaine du paludisme instituée au sommet d’Abuja en 2001, Irene Morikang, dans l’article Africa united to stamp out malaria 121 imaginait unestratégie de prévention visant à se prémunir contre les piqûres de moustiques, mais aussi à s’attaquer à cet insecte par qui le mal transite. Elle affirmait alors :

‘« … The population can curb the effects of malaria by respecting some basic hygienic rules. It is important to break the transmission chain. This can be done by destroying the nests of anopheles mosquitoes. They breed in rubbish and stagnant water. Windows can also be veiled with mosquito nets, while the use of mosquito nets is a plus. » (Cameroon tribune n° 7336/3625 du 25 avril 2001)
(… la population peut juguler les effets du paludisme en respectant quelques règles élémentaires d’hygiène. Il est important de briser la chaîne de transmission. Ceci peut être fait à travers la destruction des gîtes des moustiques anophèles. Ils pondent leurs œufs dans les eaux stagnantes. Les fenêtres peuvent être voilées avec des grilles anti-moustiques, et représenter un plus si cette action s’accompagne de l’utilisation des moustiquaires.) ’

Serge Olivier Okole est de ce même avis dans l’article qu’il signe quatre ans plus tard dans les mêmes colonnes sous le titre fort révélateur : Paludisme : la température monte toujours (Cameroon tribune 8318/4517 du 30 mars 2005).Face aux problèmes que pose le paludisme dans les ménages, il pointe un doigt accusateur sur l’information et l’éducation des parents. Les gestes préventifs d’hygiène comme le nettoyage des alentours des habitations devraient, selon lui, être élémentaires, et par conséquent répétés, pour la destruction fréquente des nids des vecteurs du paludisme.

Ces gestes préventifs d’hygiène doivent être vulgarisés aux niveaux familial et communautaire afin que les populations apprennent à faire de leurs environnements immédiats, tant en milieu urbain qu’en milieu rural, des espaces de promotion de leur santé. En ce sens, La Nouvelle Expression n° 2058 du 5 septembre 2007 publie des pages vertes dans lesquelles elle indique que les chercheurs sont formels sur le fait que la déforestation encourage la conquête de l’espace par l’anophèle femelle, et par conséquent la propagation du paludisme. S’agissant de l’Afrique centrale dans laquelle se trouve le Cameroun, l’on peut lire :

‘« On comprend donc que l’on ne retrouve pas ces vecteurs (anophèles) dans la grande forêt primaire non dégradée, mais qu’ils puissent proliférer lorsque l’homme a supprimé le couvert forestier pour installer ses villages, ses plantations, ses voies de communications. […] Les chercheurs ont constaté depuis longtemps que les pygmées d’Afrique centrale étaient peu atteints par le paludisme. » ’

Dans la même lancée, le numéro 1996 du 8 juin 2007 sonne l’alarme sur les dangers de certaines pratiques agricoles en milieu urbain, susceptibles d’accroître la prolifération des moustiques. Mais, la déforestation et l’agriculture qui impactent négativement la prévention du paludisme chez les individus ne peuvent pas être contrôlées par le seul ministère de la santé publique. De même, le financement des techniques de prévention sus-évoquées nécessite un appoint extérieur au secteur de la santé. L’Initiative mondiale Faire Reculer le Paludisme, lancée en 1998, visait à créer des conditions favorables à une conjugaison de forces des protagonistes de lutte pour combattre cette maladie. Lors du lancement de cette initiative au Cameroun, le ministre de la santé publique a précisé que son succès est conditionné par le « développement d’un partenariat mondial, bilatéral, régional et national » (Cameroon tribune 7151/3440 du 25 juillet 2000).Un tel partenariat existe-t-il au Cameroun pour la prévention primaire du paludisme ? Il est permis d’en douter.

Pour illustrer cette affirmation, notons que le début de la décennie 2000 a connue l’exécution d’une vaste campagne d’hygiène et de salubrité dans le pays, à l’instigation du Ministère de l’administration du territoire. Dans l’analyse intitulée Salubrité publique, œuvre de salut public publiée dans la rubrique Vision de Cameroon tribune n° 7087/3376 du 25 avril 2000, Waffo Mongo fait ainsi l’historique de cette opération :

‘« Les populations de Douala et de Yaoundé ont encore en mémoire les sinistres montagnes d’immondices, repères des rats et des chiens errants de ces deux villes qui narguaient les populations aux différents carrefours. Une situation d’autant plus péniblement vécue par les populations des deux plus grandes métropoles du pays qu’elle semblait participer d’une volonté délibérée de montrer l’incurie des pouvoirs publics face à l’envahissement de la cité par les ordures ménagères. Le contexte politique était alors caractérisé par la logique de confrontation entre le pouvoir et l’opposition. […] le seul enjeu véritable, digne d’être pris en considération, est la promotion de la santé et d’un meilleur cadre de vie des populations dans un environnement sain. » ’

Elle a connu la participation de plusieurs acteurs sociaux et de plusieurs administrations publiques à travers le pays. Le 31 octobre 2000, le Ministre de l’administration territoriale a publié un communiqué intitulé Campagne d’hygiène et de salubrité publiques dont voici un extrait :

‘« … Le Ministre de l’administration territoriale, tout en félicitant les Camerounais qui participent de manière positive à l’effort d’embellissement de nos villes et campagnes, tient à faire connaître à tous que la phase coercitive est d’ores et déjà engagée en même temps que se poursuivra la sensibilisation. » (Cameroon tribune 7217/3506 du 25 juillet 2000).’

Ces discours médiatiques offrent l’opportunité de faire un double constat :

  • D’abord que les campagnes d’hygiène et de salubrité ont été largement motivées par la volonté d’embellissement du milieu (surtout urbain) de vie. A cet égard, plusieurs administrations publiques se sont discuté le leadership de la gestion du milieu urbain. Waffo Mongo, dans la réflexion citée plus haut en rapport avec la salubrité publique, cite le Ministre de la Ville qui positionne son département ministériel dans cette lutte : «… loin d’être un verrou, le ministère de la ville122apparaît comme un facilitateur au service d’une politique plus cohérente et plus harmonieuse devant concourir au bien-être des citoyens dans la cité » (Cameroon tribune 7087/3376 du 25 avril 2000). C’était à l’occasion de la remise officielle du matériel d’enlèvement des ordures ménagères dans les villes de Yaoundé et Douala à la société HYSACAM123 ;
  • Ensuite, qu’une activité comme l’enlèvement des ordures ménagères dans les villes peut être le lieu d’expression des joutes entre acteurs politiques dans le contexte de démocratie au Cameroun. (Cameroon tribune 7217/3506 du 25 juillet 2000). En effet, l’amoncellement des ordures ménagères dans les villes semble être un indicateur de la mauvaise gestion de deniers publics par les gouvernements des partis politiques au pouvoir. C’est, en tout cas la thèse que soutiennent les autres partis dit d’ « opposition » aux partis au pouvoir.

Dès lors, il y a un grand risque de voir de telles campagnes intervenir seulement sporadiquement, mobiliser uniquement une partie des populations et se limiter aux endroits les plus visibles (centres urbains) pour des raisons inavouées de publicité. Dans tous les cas, elles ne contribueront ni à lutter contre la prolifération des moustiques dont les gîtes continueront à se développer dans les localités éloignées des centres urbains, ni à protéger les populations contre les piqûres des moustiques. Les autorités sanitaires du pays n’ont pas intégré ces campagnes dans la lutte contre le paludisme car dans les résultats présentés, il n’est pas ressorti clairement une évaluation de l’incidence de ces campagnes sur la prévention primaire de cette maladie. Les formations sanitaires n’ont, en tout cas, pas connu une baisse de fréquentation pour le soin des accès palustres répétés.

En somme, le discours sur la prévention primaire du paludisme au Cameroun de 1992 à 2008 montre que la maladie est demeurée un problème majeur de santé publique. Pour y faire face, le ministère de la santé publique et ses partenaires ont engagé le pays dans une vaste campagne d’acquisition et de distribution gratuite de MII. Mais, en raison de contraintes diverses, cette stratégie de prévention de la maladie n’a pas donné les résultats escomptés. La recherche d’un vaccin antipaludique a parallèlement continué, donnant par moments l’espoir d’apporter une solution durable à la prévention primaire du paludisme, mais il n’y a pas, à ce jour, de vaccin antipaludique à l’efficacité avérée. Ce discours identifie une synergie d’action des acteurs multisectoriels comme la solution durable à cette prévention. Qu’en est-il des autres types de prévention ?

Notes
121.

L’Afrique unie pour éliminer le paludisme.

122.

Cette structure a été créée lors de la réorganisation gouvernementale du 7 décembre 1997.

123.

Hysacam est la société en charge de l’hygiène et de la salubrité dans les villes du Cameroun.