B - Médecine traditionnelle

Notre intérêt pour les discours sur la prévention du paludisme dans la médecine traditionnelle à ce niveau de notre analyse est motivé par le fait que les éléments du discours y afférent relèvent beaucoup plus du traitement des accès palustres que de l’empêchement de leur survenue. Ils sont par conséquent à ranger dans la prévention secondaire ou tertiaire de la maladie et non dans la prévention primaire. La médecine traditionnelle serait utilisée par 80% des Camerounais et Pr Essamé Oyono, directeur de l’institut de recherches médicales et d’étude des plantes médicinales pense que :

‘« Les plantes médicinales peuvent fournir des remèdes de qualité, d’un coût raisonnable, abordable et accessible aux communautés les plus démunies. » (Cameroun tribune n° 8926/5125 du 4 septembre 2007, p. 9).’

Cette forme de médecine comporte des techniques spécifiques pour diagnostiquer la maladie. Les discours identifiés dans le cadre de notre travail et se rapportant à la prévention du paludisme dans la médecine traditionnelle sont uniquement focalisés sur l’utilisation de plantes médicinales.

A ce propos, La nouvelle Expression n° 1897 du 12 janvier 2007 nous présente dans sa page 7, consacrée à la santé, sous l’intitulé Paludisme : une plante magique pour combattre le fléau le projet de culture d’artemisia Annua 128 , une variété d’armoise en provenance de chine qui soigne le paludisme. Les feuilles de cette plante magique arrivent à maturité à 4 ou 5 mois, puis elles sont séchées comme du thé et prises sous forme d’infusions chaudes. Ce projet est piloté par l’ONG luxembourgeoise Iwerliewen fir bedreete volleker qui vulgarise la culture de cette plante. Le site choisi au Cameroun pour cette culture est le département de la Lékié, et plus précisément l’arrondissement de Sa’a, à une centaine de kilomètres de Yaoundé. Pierre Lutgen, l’un des promoteurs du projet en donne de plus amples explications :

‘« La tisane de cette plante, prise pendant 5 jours, fait guérir complètement de la malaria. Ceci se base sur des résultats à large échelle confirmés récemment par des médecins belges au Cameroun. » ’

Artemisia Annua serait exploitée par des firmes pharmaceutiques occidentales qui en extraient la substance nécessaire à la fabrication des antipaludéens commercialisés à grande échelle. Pierre Lutgen affirme que l’OMS recommande l’utilisation de cette plante tant en pharmacie qu’à l’état naturel ; Le but visé par la vulgarisation de la culture au Cameroun est, selon lui : « de dire aux populations de ne plus être dépendantes de la médecine moderne ».

Une autre expérience de l’utilisation de la médecine traditionnelle pour la prévention secondaire du paludisme au Cameroun nous vient de la région de l’Ouest. Flore Mouatcha, délégué départemental de la communication du département du Koung-Khi, s’appuie sur des informations de « sources sanitaires », selon elle, pour nous apprendre que près de la moitié de la population du département a souffert du paludisme en 2003. S’agissant de la situation de la prise en charge de ces cas de paludisme, voici ce qu’elle dit :

‘« Livré à lui-même et du fait des souches de résistance que son organisme développe, le malade du paludisme n’a pas trouvé le salut dans les médicaments dérivés de la quinine. Oublié des centres de décision, il ne sait pas ce que c’est que la moustiquaire imprégnée. La bithérapie reste encore un concept abstrait pour lui. Même si le fansidar, la maloxine ou les autres médicaments pharmaceutiques permettant de prévenir le mal chez la femme enceinte existent dans les établissements hospitaliers et p’ ‘harmacies de la localité, le malade de paludisme a trouvé mieux de se retourner vers la médecine traditionnelle. » (Cameroon tribune n° 8086/4375 du 20 avril 2004, p. 12). ’

Et les patients semblent tirer une réelle satisfaction de ce choix thérapeutique. Flore Mouatcha rapporte ainsi leurs déclarations :

‘« Une décoction de feuilles de manguiers, de papayer, de corossolier est plus efficace, c’est plus sain et moins coûteux qu’une tablette de médicaments chimiques aux effets indésirables parfois redoutables, plus coûteux et au final, pas du tout efficaces ». (Cameroon tribune n° 8086/4375 du 20 avril 2004, p. 12). ’

Ce reportage ne donne pas de précision sur l’efficacité de ces traitements. Il soulève néanmoins deux problèmes fondamentaux : celui de l’effectivité de la couverture du territoire national par la moustiquaire imprégnée d’insecticides, et celui de la mise en pratique effective de la bithérapie dans le pays pour le traitement des cas de paludisme. A ce dernier problème se greffe un autre, celui de l’accessibilité financière des antipaludéens recommandés pour la prise en charge des accès palustres. En clair, les opérations de distribution gratuite de moustiquaires imprégnées organisées dans le pays ne seraient-elles pas simplement des écrans de fumée ou des fora de positionnement politique des autorités sanitaires du pays ? Mais, rien n’est moins sûr car ce reportage est fait au début de la vaste campagne dans le pays et l’on peut penser que la vulgarisation des moustiquaires imprégnées d’insecticides n’avaient pas encore atteint le département du Koung-Khi, simplement parce que la région de l’Ouest n’était pas encore couverte par la campagne. Tout au long de la période qui nous intéresse, nous n’avons pas pu avoir des éléments nous permettant d’apporter des réponses tangibles à nos questionnements. Intéressons-nous à présent à l’appui extérieur au pays dans le cadre de cette prévention.

Notes
128.

Plante utilisée dans la pharmacopée chinoise sous l’appellation de « qinghaosu »