C - Appui extérieur pour la prévention du paludisme au Cameroun

La lutte contre le paludisme au Cameroun nécessite, comme on l’imagine, de grosses dépenses financières. Si le discours qui nous intéresse n’en indique ni la hauteur, ni les sources de financement pour la période avant 2000, il donne forces détails sur les financements des campagnes de préventions de cette maladie à partir de l’année 2003. Les fonds issus de l’initiative Pays pauvres très endettés (PPTE) et les financements issus de l’OMS, notamment du Fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme, en sont les principales sources. A cela s’ajoutent des appuis issus des coopérations bilatérales. Les extraits ci-après donnent davantage de précisions sur ces financements.

‘« …moins de la moitié des 180 requêtes de financement présentées par les pays participant à ce conseil d’administration du fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme ont eu une suite favorable. Ainsi, le Cameroun a décroché un financement d’environ 65 milliards de francs CFA. Cet argent servira aux programmes nationaux de lutte contre ces trois maladies, pour la période 2004-2009. » (Cameroon tribune n° 7953/4242 du 16 octobre 2003, p.11).
« Le Ministre de la santé publique, Urbain Olanguena Awono, vient de signer au nom du gouvernement, deux conventions de dons avec le Fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme. La première concerne la composante VIH/Sida et représente un peu plus de deux milliards de F CFA. L’autre, plus importante, concerne la lutte contre le paludisme. Le montant de ce don ici avoisine les sept milliards de F. CFA. Au total donc, neuf milliards de F. CFA pour accélérer les programmes nationaux de lutte contre deux des plus gros casse-têtes du Cameroun. (Cameroon tribune n° 8591/4790 du 4 mai 2006, p.17). ’

Les appuis ne sont pas toujours financiers. C’est ce qui ressort de cet autre extrait rendant compte d’un coup de pousse asiatique au Cameroun dans le cadre de cette prévention :

‘« Face à cette menace, le Cameroun s’est engagé dans la lutte contre la maladie avec l’appui des partenaires nationaux et internationaux. Le traitement à la chloroquine a été supprimé. La bithérapie par les associations de médicaments à base d’artémisinine a été adoptée ainsi que le traitement préventif chez la femme enceinte. 170.000 moustiquaires imprégnées acquises sous fonds PPTE ont été distribuées. Et le gouvernement du Japon a mis à la disposition du Cameroun 22.300 moustiquaires imprégnées longue durée. » (Cameroon tribune n° 8337/4536 du 26 avril 2005, p.8).’

Il convient, toutefois, de préciser que les discours analysés ne sont pas muets sur les problèmes liés à la recherche de ces financements ou à l’utilisation des fonds débloqués. Ainsi par exemple, La Nouvelle Expression n° 2279 du 1 er août 2008 publie un dossier relatant les requêtes infructueuses du Cameroun aux financements du Fonds Mondial en 2007. A l’introduction de ce dossier, on peut y lire :

‘« Ces cinq dernières années ont été pour le programme national de lutte contre le paludisme une épreuve des plus coriaces. […] La mauvaise utilisation des fonds alloués et les lenteurs dans la passation des marchés dévoilent les intentions des responsables qui ont dirigé le programme. » ’

Ces énoncés s’ajoutent à ceux relatant l’interpellation des responsables de la gestion de ce programme pendant la période indexée au cours de l’opération Épervier129 (Cameroon tribune n° 9069/5268 du 1er avril 2008 et Cameroon tribune n° 9070/5269 du 2 avril 2008) et tenteraient d’y associer, tout au moins en partie, les difficultés du programme à prévenir convenablement le paludisme chez les Camerounais.

En substance, les discours sur le paludisme au Cameroun de 1992 à 2008 nous apprennent que des financements sont mobilisés soit auprès du gouvernent camerounais, soit auprès de ces partenaires pour l’exécution du programme national qui en est responsable. Ils nous indiquent aussi que la transparence dans l’utilisation de ces fonds a été souvent mise à rude épreuve et qu’un arbitrage judiciaire est en cours pour déterminer les responsabilités dans un délit de distraction de deniers publics affectés à cette prévention. De façon générale, les discours examinés n’ont pas été très prolixes sur la prévention du paludisme au Cameroun dans la médecine traditionnelle. Il est à espérer que le projet de cadre légal d’exercice de la profession de tradi-praticiens au Cameroun, annoncé pendant la célébration de la 5e journée africaine de la médecine traditionnelle (Cameroon tribune n° 8926/5125 du 4 septembre 2007, p.9) permette d’accroître la visibilité des actions dans ce domaine.

Que dire donc des discours sur la prévention secondaire et tertiaire du paludisme au Cameroun ?

D’abord, qu’ils sont importants sur la prévention secondaire et presqu’inexistants pour la prévention tertiaire. En fait, autant ces discours nous donnent des détails sur le premier type de prévention, autant ils nous font deviner la seconde. Ils sont diserts sur les efforts du pays pour prendre en charge les cas de paludisme simple, mais presque muets sur l’investissement dans le milieu hospitalier (lieu exclusif de recours en cas de paludisme grave) pour éviter aux populations les morts de paludisme.

Ensuite, que pour la prévention secondaire de la maladie, la prise en charge des cas de paludisme a fait face à plusieurs séries de chimiorésistance du microbe responsable de la maladie. Les autorités sanitaires du pays ont ainsi été amenées à prescrire l’abandon des traitements de monothérapie (avec en prime l’utilisation de la bonne vieille nivaquine ou chloroquine) et l’adoption de la bithérapie (combinaison de l’artémisinine avec un autre dérivé de quinine). La prévention tertiaire du paludisme a continué d’être assurée par la quinine.

Si ces discours n’ont pas fait mention de la médecine traditionnelle dans la prévention primaire de la maladie, ils lui ont réservé une bonne place dans la prévention secondaire, notamment avec la présentation des expériences de production et d’utilisation de plantes médicinales pour soigner des crises de paludisme.

La mise en œuvre des différents types de prévention du paludisme évoqués ci-dessus ne peut durablement se faire avec les moyens exclusifs des Camerounais. Un appui de l’extérieur est incontournable. Le discours sur la prévention de cette maladie au Cameroun n’a pas éludé cet aspect du problème. Au vu de l’analyse ci-dessus des discours sur les différents types de prévention du paludisme au Cameroun, pouvons-nous tenter de cerner les réalités liées à la prévention de cette maladie dans l’environnement social camerounais ?

Notes
129.

Il s’agit d’une opération de justice visant de hauts commis de l’Etat soupçonnés de détournement de deniers publics afin qu’ils répondent de leurs actes.