III - Discours et réalité dans la prévention du paludisme au Cameroun

A la lumière des investigations et des analyses ci-dessus, nous disposons d’assez d’éléments pour examiner les questionnements à la base de notre travail et présenter la réalité sociale dans la prévention du paludisme au Cameroun. En fait, les questionnements de départ se basent sur les faits d’observation, à savoir : l’inflation des consultations médicales du fait des accès palustres et la multiplicité des cas de paludisme grave qui font de cette pathologie la première cause des décès dans le pays. Or, les seules armes dont nous disposons pour poser le diagnostic sont les discours, c’est-à-dire le langage en tant que véhicule de la psychologie et des pratiques des populations camerounaises exposées à ce fléau.

En d’autres termes, nous envisageons de voir, dans cette partie de notre travail, ce que les discours présentés sur cette pathologie, y compris ceux du sens commun, discours traités ou rapportés par la presse camerounaise, révèlent comme réalité liée au fait social qu’est la lutte contre le paludisme, de manière générale, et plus particulièrement, la prévention de cette pathologie. L’on pourrait, de prime abord, se sentir peu ou prou outillé pour poser un diagnostic pertinent dans ce domaine. Un argument de taille qui supporte cette thèse découle de ce que nous sommes dans le domaine de la santé publique et le langage, à lui tout seul, permettrait difficilement une exploration exhaustive de cette réalité. Seulement, en nous appuyant sur la sociologie bourdieusienne, notre tentative est légitimée par le fait qu’à travers le langage, l’on peut parfaitement décrypter les relations entre les différents acteurs impliqués dans la lutte contre cette pathologie, et s’en servir pour approcher la réalité recherchée. Cette sociologie nous apprend, en effet, que :

‘« La réalité du monde social ne repose ni sur les individus ni sur les groupes, mais sur les relations entretenues entre ses éléments. Ces structures relationnelles invisibles créent un monde d’objets sociaux qui n’est qu’apparence. Elles sont supposées opérer par la médiation des agents sociaux qui les ont intériorisées. » (P. Bourdieu in N. Bulle, 2002 : 232)’

Nous allons nous en inspirer suffisamment pour tirer les déductions découlant de l’analyse que nous venons de faire sur ces discours dans l’espace médiatique camerounais. Comme nous l’avons vu à travers cette analyse, la lutte contre le paludisme au Cameroun délimite un champ mettant en situation plusieurs acteurs sociaux. Ceux-ci cohabitent avec des manières de penser, des attitudes et des pratiques ou, pour reprendre P. Bourdieu, des habitus qui contribuent à faire du paludisme la pathologie la plus répandue et la plus meurtrière dans le pays. Deux éléments fondamentaux décrivent clairement cette cohabitation : la violence symbolique et le jeu des acteurs dans la prévention du paludisme.