1. Prééminence du discours international

De façon générale, le discours international sur le paludisme met l’accent sur :

  • l’utilisation de la moustiquaire imprégnée d’insecticide chez les femmes enceintes et les enfants de moins de 5 ans pour la prévention primaire, et ;
  • la prise en charge précoce des antipaludéens pour la prévention secondaire et tertiaire.

Il s’appuie sur les représentations scientifiques de la maladie et fait peu mention des contraintes locales spécifiques susceptibles d’entraver la bonne mise en pratique de ces méthodes de prévention. Ces contraintes sont notamment :

  • un environnement favorable à la prolifération des moustiques (disponibilité de l’eau, du soleil et souvent de la végétation) ;
  • des conditions d’assainissement qui tolèrent encore la multiplication des gîtes larvaires des moustiques tant en milieu urbain qu’en milieu rural ;
  • un habitat non normalisé, et souvent délabré, surtout en milieu rural, ne permettant pas de déployer des dispositions de barrière à la circulation des moustiques ;
  • un environnement marqué par la pauvreté d’une grande frange de la population qui ne peut s’acheter des moustiquaires et autres dispositifs de barrière pour se protéger des piqûres des moustiques, et ;
  • un système d’information sanitaire incapable de renseigner à tout moment sur la couverture nationale en moustiquaires imprégnées d’insecticides, ainsi que sur les statistiques du paludisme.

A l’observation, ces contraintes n’ont pas toutes le même poids : l’environnement climatique et physique du pays sont des données que l’on ne peut pas facilement modifier. L’environnement économique requiert du temps et des efforts si l’on veut modifier le profil actuel de pauvreté des populations et accroître leurs pouvoirs d’achat pour l’acquisition des dispositifs de prévention de la maladie. En revanche, des efforts peuvent être consentis pour améliorer l’assainissement de l’environnement de manière à limiter substantiellement la prolifération des moustiques. De même, un meilleur suivi statistique de la maladie peut être assuré à travers l’amélioration de l’information sanitaire. Ces deux derniers points constituent de puissants leviers sur lesquels les pouvoirs publics et les populations peuvent jouer pour améliorer la prévention du paludisme dans le pays.

Les contraintes relevées sont celles du Cameroun, certes, mais aussi de beaucoup d’autres pays endémiques. A ces contraintes communes, il faut ajouter celles liées aux représentations sociales du paludisme par les populations, pouvant varier d’une région du pays à une autre et, être par moments, en contradiction avec les représentations scientifiques de la maladie. Le pays peut-il, pour autant, choisir une stratégie nationale de prévention du paludisme différente de celle promue par le discours international pour prendre en compte les contraintes sus-relevées ? Difficile à dire ! Les résolutions techniques consensuelles aux Etats membres de l’OMS130semblent faire force de loi en matière de santé publique. Par conséquent, quelles que soient les difficultés à mettre en pratique cette stratégie de prévention, dès lors qu’elle est recommandée au niveau international, les pays endémiques doivent l’adopter. Il y a comme, on le voit, une violence symbolique des acteurs internationaux à l’endroit des acteurs nationaux, notamment au niveau de la promotion d’une politique réaliste qu’accompagne un discours national conséquent sur la prévention du paludisme dans les pays endémiques comme le Cameroun.

A cela s’ajoute une violence réelle des autorités que traduit une certaine lenteur et une insuffisance dans le développement de la voirie urbaine ; des détournements de deniers publics destinés à la lutte, ainsi que l’incurie que traduit le manque de diffusion d’information variée et persuasive pour constamment garder les populations en état de mobilisation permanente pour la prévention du paludisme.

Notes
130.

Tous les pays endémiques du paludisme sont membres de l’OMS.