3. Des discours souvent inappropriés

La sous-hypothèse H3 récuse la compétence des mesures de protection en vogue dans les discours actuels à soutenir durablement la prévention du paludisme dans le pays. Elle pointe un doigt accusateur sur la moustiquaire imprégnée d’insecticide et le vaccin antipaludique d’une part, puis sur le Ministère de la santé publique comme la seule structure gouvernementale susceptible de mener à bien la prévention de cette endémie dans le pays.

- Limites de la moustiquaire imprégnée et du vaccin antipaludique

Les développements ci-dessus sont suffisamment loquaces pour expliquer qu’une stratégie de prévention ciblant uniquement la moustiquaire imprégnée d’insecticides et le vaccin paludique est inopérante pour protéger durablement les populations des méfaits de l’endémie palustre. La moustiquaire n’est pas toujours disponible, en dépit des efforts des pouvoirs publics pour la vulgariser ; elle a du mal à s’inscrire durablement dans les mœurs et est souvent mal ou pas du tout utilisée par les principales cibles de la maladie. D’un autre côté, la solution qui cible le vaccin est nécessairement précoce car les recherches sur le vaccin antipaludique n’ont pas pu, à ce jour, fédérer les différents acteurs de la lutte contre le paludisme sur un vaccin efficace à promouvoir pour prévenir cette maladie. La promotion de l’utilisation de la moustiquaire dans un environnement où l’assainissement de l’environnement, bien assurée, pourrait freiner largement la prolifération rapide des moustiques semble être tout à fait difficile à comprendre. L’éducation populaire à la gestion de l’environnement devrait sans doute précéder et accompagner les actions de santé publique dans une prévention adéquate du paludisme en zone tropicale. Ainsi présenté, le problème de prévention du paludisme devrait faire intervenir plusieurs départements administratifs avec un objectif clair de lutte contre cette endémie.

- Incapacité du Ministère de la santé publique à assurer seul une prévention durable

La lutte contre le paludisme, à l’instar de celle contre les autres maladies, incombe au Ministère de la santé publique. Cependant, la prévention primaire de cette endémie ne peut être valablement assurée par cette structure gouvernementale toute seule. Les aspects d’assainissement du milieu, de l’habitat et de sensibilisation des populations doivent faire intervenir des départements ministériels autres que celui de la santé publique. Or, les départements ministériels chargés de l’environnement, des travaux publics et de l’administration du territoire (notamment les collectivités locales que sont les mairies) ne mettent pas la prévention du paludisme dans leurs plans d’action.

Pour étayer ce point, notons que le ministère de l’administration territoriale a lancé une vaste campagne d’hygiène et de salubrité au début de la présente décennie ; certaines grandes métropoles du pays (Yaoundé, Douala, Bafoussam) se sont aussi lancées dans de vastes campagnes de travaux publics ces dernières années. Mais l’objectif qui apparaissait clairement dans les discours, était l’amélioration du cadre de vie des populations. Nulle part, il n’était fait mention de la lutte contre le paludisme. A l’observation des résultats de ces campagnes, l’on saisit clairement la nuance : L’investissement des structures ci-dessus désignées s’est soldé en un embellissement de l’espace urbain, et un enlèvement régulier des ordures ménagères. A contrario, les espaces situés loin des centres urbains, notamment les quartiers périphériques, ont continué de cultiver les moustiques. Le paludisme a par conséquent continué à sévir car les moustiques ont continué à proliférer en dépit des efforts des campagnes.

Indexer le ministère de la santé dans l’augmentation des cas de paludisme dans le pays nous semble être une violence symbolique de cette structure car, elle ne peut pas, à elle toute seule, assurer la prévention du paludisme dans le pays. Il faut une synergie d’actions entre plusieurs structures ministérielles, notamment dans le cadre de la prévention primaire, afin de limiter la prolifération des moustiques en asséchant systématiquement les eaux stagnantes et en détruisant les gîtes larvaires des moustiques. Une telle action, doit être couplée à l’utilisation des dispositifs de lutte contre les moustiques (insecticides, bombes anti-moustiques) et à ceux de protection contre les piqûres des moustiques. Le département de la santé pourrait ainsi valablement assurer les préventions secondaire et tertiaire en prenant convenablement en charge les cas de paludisme simples et graves.

En somme, un discours promouvant uniquement la moustiquaire imprégnée d’insecticides et/ou le vaccin antipaludique traduit une certaine passivité dans la prévention de l’endémie palustre dans le pays. En effet, un tel discours montre que l’action des acteurs sociaux dans ce domaine s’inscrit simplement dans la riposte à l’action des vecteurs de la maladie, nullement inquiétés dans leur prolifération. Or, si les moustiques trouvent un milieu leur offrant de bonnes conditions de multiplication, la moustiquaire, seule, ne peut mettre l’homme à l’abri des piqûres nocturnes de ces bestioles. Aucun vaccin n’étant par ailleurs disponible, toute prévention du paludisme chez les populations est une vue de l’esprit, de même en est-il de l’éradication future de la maladie.

Par contre, un discours montrant une synergie d’actions entre les moyens de riposte contre l’action des vecteurs et d’offensive en termes de lutte contre les vecteurs de la maladie, avec des indicateurs pertinents, serait le lieu d’expression de la pugnacité des acteurs sociaux dans la mise en œuvre des différents types de prévention de la maladie dans le pays. L’offensive contre les moustiques dont il est question ici prend en compte toutes les actions d’assainissement du milieu et de destruction systématique des gîtes larvaires, de même que des actions de sensibilisation des populations à les recommencer bien souvent, pour empêcher la prolifération des moustiques. Ces actions de riposte et d’offensive contre les vecteurs de la maladie, que nous regroupons sous le vocable de prévention primaire, doivent être systématiques et s’étendre effectivement sur l’ensemble du pays. Elles doivent être accompagnées du traitement systématique et adéquat des accès palustres, c’est-à-dire d’une bonne prévention secondaire et tertiaire de la maladie dans le pays.

Enfin, la pugnacité des acteurs sociaux vis-à-vis des différents types de prévention doit se traduire dans les discours qu’ils tiennent et qui dévoilent leurs volontés de dépasser les représentations sociales et les comportements de certains d’entre eux n’encourageant pas la lutte contre les moustiques et la prise en charge systématique et adéquate des accès palustres.