2.2 L’intervention sociale

Depuis la fin des années 80 le terme d’intervention sociale vient souvent remplacer celui d’action sociale. Intervenir c’est « prendre part à une action, à une affaire en cours dans l’intention d’influencer son déroulement » (Petit Robert, 2000). Intervenir c’est donc participer à une action ponctuelle dans l’objectif de produire du changement dans une direction souhaitée. Pour Ion (1998, page 80), la particularité de l’intervention sociale se trouve dans la notion d’intervenant. « La notion d’intervenant présente d’abord cet immense avantage dans la conjoncture présente de rassembler sous le même terme des agents de statuts très différents : aussi bien des bénévoles que des salariés, aussi bien ceux dotés de diplômes classiques du travail social que de nouveaux venus aux diplômes plus disparates ». Ainsi, l’intervention sociale ne fait plus référence seulement aux professions canoniques que nous avons étudiées. Avec l’arrivée des nouvelles professions (médiateurs municipaux, conseillers dans les missions locales, accueillants, aides familiales etc.), les frontières décrites précédemment deviennent encore plus complexes. Le travail social n’est donc plus l’apanage des seuls travailleurs sociaux et d’autres catégories professionnelles peuvent travailler dans le « social » (Ion, 1998). Toutefois, contrairement aux professions établies qui bénéficient de conventions collectives et de contrat de travail à durée indéterminée, les nouvelles professions ont souvent des statuts précaires et ne bénéficient pas des conventions collectives du secteur social.

Il existe un consensus aujourd’hui pour dire que ces mutations entre travail social et intervention sociale sont liées aux effets de la décentralisation, mais également au développement des politiques transversales, comme les programmes de Développement Social Urbain (DSU) ou d’insertion. Ces nouvelles politiques ont contribué à une restructuration du champ et ont développé des logiques de pensée professionnelles différentes. Tout d’abord, il semble que l’on assiste avec l’intervention sociale à une logique de service centrée sur une réponse immédiate « au client ». Cette logique de service va à contre-courant des schémas traditionnels d’accompagnement du travail social. Habituellement, celui-ci s’inscrit sur du long terme et n’est pas conçu pour répondre à une demande précise. Les travailleurs sociaux ne considèrent pas la demande de l’usager comme un but auquel il faudrait répondre immédiatement, mais comme un moyen pour accompagner la personne à s’autonomiser. En effet, la fonction symbolique du travail social est de créer du lien social. Lien entre soi et soi par une revalorisation de l’estime de soi, lien entre soi et le groupe de pairs et lien entre soi, le groupe de pairs et la société. Ensuite, avec le développement de l’intervention sociale, on voit apparaître une taylorisation des fonctions sociales avec une séparation des fonctions d’accueil, des fonctions de conception, et des fonctions d’exécution. La spécialisation des domaines d’exécution (insertion professionnelle, insertion sociale, santé, logement etc.…) mène à une prise en charge individualisée et parcellisée. L’individu bénéficiaire doit lui-même faire le lien entre les différentes aides. Ce n’est plus l’individu qui est ciblé par une action mais c’est un individu parcellisé qui devient l’objet principal de chaque intervention.

Ceci a des conséquences importantes sur les pratiques professionnelles et sur la perception que peuvent se faire les travailleurs sociaux des demandeurs d’aides. Le chapitre suivant permettra de comprendre comment la contractualisation et l’individualisation des aides se sont installées dans la profession et pourquoi le demandeur d’aide se doit aujourd’hui de faire la preuve de sa volonté de sortir de la situation dans laquelle il se trouve.