Même si des facteurs externes peuvent parfois influencer les critères d’admission (par exemple, les DDASS peuvent inciter certains établissements à accueillir de préférence des personnes originaires du département, ou à développer l’accueil avec enfants) dans la pratique, l’admission relève des gestionnaires des centres et des équipes socio-éducatives qui peuvent admettre ou refuser une personne selon leurs propres critères et leurs capacités d’accueil. Les critères d’admission dépendent en général de l’histoire et du projet éducatif de chaque établissement. Une fois la décision prise en équipe, le directeur informe la préfecture qui prononcera l’admission à l’aide sociale.
Afin d’éviter l’arbitraire, l’équipe socio-éducative et le responsable du centre qui décident de ne pas accueillir une personne, doivent informer la personne de cette décision et la motiver. L’établissement doit transmettre régulièrement à la DDASS la liste des personnes qu’il a refusée. Le choix du public est donc une réalité reconnue et légale même si elle est contraire à la logique de la mission de service public. Pour réaliser cette sélection, les équipes pratiquent en général un entretien préalable entre un travailleur social et le demandeur. Puis le travailleur social prend contact avec les services sociaux qui suivent cette personne, ou l’organisme qui l’a adressé au CHRS. Certains CHRS se spécialisent dans l’accueil des sortants de prison, des femmes ou hommes voulant sortir de la prostitution, ou bien encore des femmes seules avec enfants. Mis à part cette première sélection, d’autres critères beaucoup plus subjectifs peuvent entrer aussi en jeu. Par exemple, Lallemand (2000) souligne que les critères reposent généralement sur la possibilité de mettre en place avec la personne un projet d’insertion. Néanmoins, cette notion de mise en place d’un projet d’insertion reste mal définie, pouvant tout autant désigner une capacité du centre d’accueil à aider la personne qu’une, capacité de la personne à réaliser un projet d’insertion.
Pelège (2004) de son côté, observe que le critère de « l’employabilité » est le critère le plus souvent retenu et en particulier pour la population masculine ou féminine qui se présente sans enfants à charge. Mais avant tout, l’auteur affirme qu’un des critères le plus retenu est relatif à la « demande », voire au « désir » des postulants. Cette thématique du « désir » est portée par l’histoire de la culture des travailleurs sociaux. En effet, la psychologie et la psychanalyse se sont développées dans le secteur du travail social et sont souvent une référence pour prendre des décisions. Avec le critère du « désir », les travailleurs sociaux restent ainsi la plupart du temps les seuls juges du mode d’entrée et de sortie des CHRS. De plus comme le souligne Pichon (1995), l’arbitraire et l’aléatoire du désir (souvent nommé demande) s’avère la clé pour entrer, mais fonctionne seulement quand il est identique aux attentes et aux représentations construites par les équipes des CHRS. Ces formes d’exigence aboutissent ainsi à diviser la population en deux. Ceux qui seraient « mûrs » et « prêts » pour la réinsertion et ceux qui ne seraient « pas prêts» ou « pas adaptés ». Ces derniers relèveraient soit du soin ou de l’urgence en attendant que leur état de santé soit meilleur ou que leur « désir » soit conforme aux attentes de l’équipe. Ces critères ont une incidence directe auprès de certaines populations. Par exemple, une des populations la plus touchée est celle des jeunes en errance qui sont en général les plus hostiles aux formes contraignantes des horaires et des contrats éducatifs ou sociaux (Dequiré et Jovelin, 2009).
Un autre critère de sélection dégagé par Pelège (2004) est de nature plus organisationnel. De fait, il semble que les directeurs et les équipes éducatives ont pour souci de veiller à l’équilibre interne de la structure. Ainsi, ils essaient de ne pas prendre trop de personnes d’une même classe d’âge, d’une même ethnie ou d’une même problématique. La conjugaison de ces différents critères et le faible turn-over des publics accueillis font que l’accès aux CHRS est particulièrement sélectif.
Une fois sélectionnée, la personne doit le plus souvent signer un contrat. En effet, depuis quelques années13 la pratique de la signature d’un contrat qui définit les droits et les devoirs de chaque partie s’est développée. Il ne s’agit pas d’un contrat au sens juridique du terme, mais plutôt d’un outil éducatif. La personne accueillie est en général associée à l’élaboration de ce contrat qui varie selon les personnes et les CHRS. Il est en général assez souple et est revu régulièrement avec l’intéressé, afin de l’adapter en fonction des avancées et des échecs de la personne. Depuis la loi de lutte contre les exclusions, la durée de l’accueil n’est plus limitée dans le temps. Elle est laissée à l’appréciation des équipes de professionnels et des intéressés. En contrepartie de cette souplesse, les équipes doivent faire un bilan de la situation de la personne ou de la famille au moins une fois tous les six mois.
La fin d’une prise en charge peut avoir lieu soit avec l’accord des deux parties ou de manière unilatérale.
Elle peut se produire quand celle-ci arrive à son terme, ou que la personne a acquis une autonomie suffisante pour évoluer sans aides éducatives. Elle peut se produire aussi s’il existe un désaccord sur les objectifs de l’accueil et que les deux parties sont d’accord pour se séparer.
Elle peut être obtenue par la personne elle-même quand elle quitte les lieux sans donner de nouvelles ou si la personne choisit d’aller vivre chez un ami ou de retourner chez son conjoint.
Ce cas est assez fréquent quand la personne ne respecte pas son contrat ou le règlement intérieur ou commet des actes de violence ou d’incivilité. Le départ peut être négocié et s’étaler sur plusieurs jours, afin de préparer la sortie. Il peut aussi être immédiat (renvoi) en cas de violence grave envers d’autres accueillis ou le personnel. Le renvoi pose aux professionnels des questions délicates, car il se réalise en période de crise de l’accueilli. En effet, en agissant ainsi les professionnels sont conscients qu’ils participent à l’exclusion de personnes qui sont dans une phase de réparation des dégâts psychiques et physiques engendrés par l’exclusion sociale. En même temps, apprendre à respecter un règlement et un contrat permet à l’usager l’apprentissage de la citoyenneté. Certains CHRS avant d’arriver à l’exclusion mettent en place un processus de sanctions allant crescendo.
Ainsi, contrairement au logement où le droit est soumis aux règles de la loi du 6 juillet 1989 qui régit les rapports entre locataires et bailleurs, les personnes hébergées en CHRS sont soumises à un règlement intérieur rédigé par l’établissement. Elles peuvent être expulsées immédiatement en cas de non respect du cadre imposé. Les équipes éducatives des CHRS portent donc une responsabilité très lourde sur le choix du public. D’un côté, elles doivent s’assurer au maximum de la réussite possible de l’accompagnement et de l’autre, elles savent que la situation d’urgence compliquera encore plus la problématique de la personne.
Face au nombre important de demandes et afin de limiter les subjectivités individuelles, les décisions sont prises en équipe. Néanmoins, même si les décisions sont collectives, elles reposent sur des informations qu’apporte le travailleur social qui a réalisé l’entretien d’admission. Ce choix d’accepter ou de refuser d’héberger une personne en CHRS peut avoir des conséquences importantes sur le devenir des personnes car cette sélection influencera le parcours des personnes sans domicile. En effet, accueillir la personne en CHRS d’insertion, lui ouvre une possibilité d’orientation vers un parcours d’insertion alors qu’un refus d’admission risque de la laisser dans les dispositifs d’urgence et de stabilisation. Ce choix est d’autant plus difficile que depuis plusieurs années, les décisions se prennent dans un contexte de pénurie de place et que le nombre de demandeurs est largement supérieur au nombre de places disponibles.
Il est à signaler que la signature d’un contrat de séjour est devenu obligatoire avec la loi 2002-2 qui rénove le secteur de l’action sociale.