2.2 La confirmation d’hypothèses

Lorsque des individus sont mis en position de résoudre des problèmes, ils émettent rapidement des hypothèses de compréhension. Ceci est possible grâce à l’utilisation de stéréotypes. Si ces derniers peuvent être considérés comme des économiseurs d’énergie cognitifs, il ne faut pas en conclure que les conserver ne demande aucun effort. En effet, s’il est essentiel de fournir un effort pour s’éloigner d’une connaissance stéréotypée d’une personne, il faut pour conserver un stéréotype, que l’individu fasse correspondre l’information individualisée avec le stéréotype (Yserbyt, Coull et Rocher, 1995).

Par exemple, Snyder et Swann (1978) ont montré que les évaluateurs ont tendance à donner la priorité aux questions qui leurs permettront de confirmer leur hypothèse de départ plutôt qu’à chercher à l’infirmer. Pour montrer cela, les auteurs ont réalisé une expérience ou ils ont demandé à des personnes d’évaluer le degré d’introversion versus d’extraversion d’une autre personne avec laquelle il communiquait à l’aide d’un micro. Les sujets disposaient de 26 questions parmi lesquelles ils devaient en sélectionner 13. Certaines étaient sur le versant extraverti (ex : Que feriez-vous si vous souhaitiez mettre de l’animation dans une soirée ?) et d’autres sur le versant introverti (Ex : Dans quelles situations souhaiteriez-vous pouvoir être avenant ?). Les résultats sont sans appel et montrent que lorsque le sujet est censé évaluer l’extraversion d’une personne, il utilise de préférence les questions induisant l’extraversion et lorsqu’il doit évaluer son introversion, il utilise de préférence les questions induisant l’introversion.

Dans une autre expérience Snyder M. (1992) montre que, quel que soit le but recherché (directionnel ou d’exactitude), l’individu n’arrive pas à se détacher de ses préjugés et cherche à confirmer ses hypothèses tout au long de l’entretien même si l’objectif de celui-ci est directionnel. Pour montrer cela, il demande à des étudiantes de se faire une impression d’une jeune femme avec qui elles communiquent par téléphone. En premier, il leur demande de trouver quels sont ses traits de personnalité et de trouver ce qu’une personne avec une telle personnalité peut dire et faire. Dans un deuxième temps et à partir des premières impressions obtenues, elle doivent utiliser dans la conversation la stratégie qui permettra de bien s’entendre avec elle et de faire en sorte d’avoir une conversation douce, plaisante et sans maladresse. Ensuite, sous un prétexte quelconque, l’expérimentateur glisse pendant l’interview une prétendue photo de l’interviewée. La photo ne correspond en rien à la personne réelle. La photo montre à certain une personne obèse et à d’autres une personne de poids normal. Pour les étudiantes enquêtées, l’obésité est liée à des caractéristiques négatives et déplaisantes. Les résultats montrent que le but d’exactitude qui a été induit au début n’a pas permis aux étudiantes de surpasser leurs préjugés. Elles ont surtout cherché les indices qui leur permettaient de confirmer leurs hypothèses et la suite de l’interview s’est déroulée de manière plus désagréable avec la personne prétendue obèse qu’avec celle de poids normal. On peut donc dire qu’une motivation d’exactitude n’est pas une garantie d’une perception plus fine, car en cherchant à individualiser, les gens peuvent se tromper et persévérer dans l’erreur, puisqu’ils sont sûrs d’être sur la bonne voie.

Pour conclure, nous voyons qu’une motivation à l’exactitude ne donne pas une perception plus exacte qu’une motivation à but directionnel. Les recherches présentées montrent que selon le but fixé (but directionnel ou but d’exactitude) ou selon la stratégie (stratégie de suffisance ou stratégie de nécessité), l’être humain ne recherche pas les mêmes informations pour se faire une impression d’une personne, mais que dans tous les cas, les évaluateurs essayent de confirmer leurs hypothèses. Ainsi percevoir autrui, n’est pas une simple résolution de problèmes intellectuels où il suffirait d’avoir un but et des capacités cognitives. Le chapitre suivant permettra de comprendre pourquoi le jugement d’autrui ne peut être donné que dans le cadre d’un consensus socialement partagé.