3.1.3 La recherche du noyau central

Afin de rechercher le noyau central et les périphéries, il a été comptabilisé le nombre de mots ou d’expressions appartenant à chaque catégorie, ainsi que leur rang moyen d’importance et leur rang moyen d’apparition. Puis, il a été calculé pour l’ensemble des mots, le rang moyen d’importance ainsi que la moyenne générale des fréquences. Nous obtenons un rang moyen d’importance de 4,27 et une fréquence moyenne de 5%. Pour terminer, les polarités ont été calculées conformément aux prescriptions de De Rosa (2003). Les calculs ont été effectués à l’aide d’un tableau Excel réalisé par nos soins. Pour terminer, un test de corrélation entre le rang moyen d’apparition et le rang moyen d’importance a été effectué. Il donne un coefficient de corrélation de : r= 0.3795. Ces résultats permettent d’affirmer que la corrélation entre l’apparition des mots et l’ordre d’importance est significative. En regardant les résultats plus en détail, les coefficients de corrélation de certaines catégories ne sont pas significatifs. Ceci signifie que pour ces catégories, les moyennes observées entre l’ordre d’apparition et l’ordre d’importance des mots ne peuvent pas être considérées comme identiques. L’ensemble des résultats sont reportés dans le Tableau 9

Tableau 9 : Tableau résumant les résultats obtenus pour les 230 sujets

Afin de dégager la structure de la représentation sociale, les catégories constituées ont été analysées à l’aide de la méthode du noyau central initié par Abric (1989). Le Tableau 10 présente les résultats obtenus. Les nombres écrits entre parenthèses sont dans l’ordre d’apparition, la fréquence en pourcentage, le rang moyen d’importance et le signe + ou – correspondent à la polarité. Exemple : Sans logement (11,9 ; 2,95 ; +) signifie que les mots ou expressions de cette catégorie correspondent à 11,9% des expressions, qu’elles obtiennent un rang moyen d’importance de 2,95 et qu’elles ont une connotation positive.

Tableau 10 : Composition du noyau central et de ses périphéries (230 sujets)

Le noyau central est composé des cinq éléments suivants : « Sans logement », « Isolements/Exclusion », « Motivation, désir, volonté », « Besoin d’accompagnement ou d’aide », « Difficultés et problèmes sociaux ». Les catégories de signification « Sans logement », « Isolements/Exclusion » regroupent chacune plus de 10% du total des mots évoqués et obtiennent un rang moyen d’importance fort avec 2,95 et 3,74 respectivement. Les autres catégories « Motivation, désir, volonté », « Besoin d’accompagnement ou d’aide », « Difficultés et problèmes sociaux » obtiennent une fréquence beaucoup moins grande avec 5,8 ; 5,7 et 5,3 respectivement. En regardant le rang moyen d’importance de la catégorie « Difficultés et problèmes sociaux », on s’aperçoit que celui-ci est de 3,89, ce qui signifie que les mots ou expressions de cette catégorie ont été qualifiés comme assez importants. De ce fait, cette catégorie est assez proche des éléments contrastés. Les deux catégories « Isolement/Exclusion », « Motivation, désir, volonté », avec un rang moyen d’importance beaucoup moins fort (4,13 ; 4,26 respectivement), pourraient se rapprocher de la première périphérie. Il est donc possible de dire que les catégories « Sans logement », « Isolement/Exclusion » sont au cœur de la représentation sociale de l’ensemble des participants et que les trois autres sont très proches de la première périphérie et des éléments contrastés.

La première périphérie est composée des cinq éléments suivants : « Caractéristiques sociales », « Pauvreté économique », « Addiction, Alcool », « Projet » et « Accepter et respecter les règles ». Les deux catégories « Caractéristiques sociales » et « Pauvreté économique » obtiennent une fréquence de 7,6 et 7,0 et un rang moyen d’importance de 4,28 et 4,38 ce qui leur permet d’être assez proche du noyau central. La catégorie « Addiction, Alcool » montre que les mots évoqués de cette catégorie ont une connotation négative (Indice de polarité –0,45). Les deux catégories « Projet » et « Accepter et respecter les règles » semblent assez proches de la deuxième périphérie.

La deuxième périphérie est composée de quatre éléments dont deux (« les troubles psychiques » et la « violence ») ont une connotation négative et deux ont une connotation positive (« Sans emploi » et « Autonomie »)

La case des éléments contrastés est composée de six catégories de signification. On y trouve les catégories : « Précarité », « Victime de violence », « Urgence », « Demander de l’aide », « Rupture familiale ou sociale » et « Errance ».

Les résultats qui viennent d’être exposés ont été obtenus en utilisant les rangs d’importance indiqués par les travailleurs sociaux. Afin d’affiner les résultats, il a été réalisé pour chaque catégorie un test de comparaison (Test t de Student) entre le rang d’importance et le rang d’apparition. Sur les vingt catégories retenues, il a été observé des écarts significatifs pour les catégories « Besoin d’aide ou d’accompagnement » ( Test t=3,324, dl=68, p<0,001), «  Victime de violence » (Test t= 3,788, dl=49, p<0,001), « Addiction, Alcool » (Test t=-4,7666, dl=74, p<0,0001), « Sans emploi » (Test t= -3,61, dl=38, p<0,0001). Les tableaux des résultats sont en annexe.Les écarts montrent que pour les deux premières catégories, les sujets ont eu tendance à donner plus d’importance à ces critères que le laissait paraître le rang d’apparition, alors qu’ils ont agi à l’inverse pour les deux derniers.

Afin de vérifier si certaines catégories de signification pourraient être spécifiques à un des groupes constitué par nos variables indépendantes (Sexe, Formation, Activité, Expérience, Expérience en CHRS), un test du Khi 2 a été réalisé à l’aide du logiciel STATISTICA version 6. Les résultats ont montré des écarts significatifs pour les catégories de significations suivantes : « Isolement exclusion », « Addiction Alcool », « Caractéristiques sociale », « Demander de l’aide », « Rupture familiale ou sociale », « Urgence », « Précarité », « Errance », « Sans emploi », « Autonomie »

Les mots ou expressions de la catégorie « Isolement, exclusion » sont plus exprimés par les étudiants de première année que par les étudiants de troisième année ou professionnels (Test Khi2= 10,47 ; dl=2 ; p<.01). Ceux de la catégorie « Addiction Alcool » sont plus exprimés par les sujets ayant une formation d’éducateur spécialisé que par les autres (Test Khi2= 3,73 ; dl=1 ; p<.05). Ceux de la catégorie « Caractéristiques sociales » sont plus exprimés par les étudiants de troisième année que par ceux de première année ou par les professionnels (Test Khi2=7,45 ; dl=2 ; p<.05). Ceux de la catégorie « Demander de l’aide » sont plus exprimés par les sujets ayant une formation d’éducateur spécialisé que par les autres (Test Khi2= 6,42 ; dl=1 ; p<.01). Ceux de la catégorie « Rupture familiale ou sociale » sont plus exprimés par les étudiants de première année que par les autres (Test Khi2= 13,11 ; dl=2 ; p<.001). Ceux de la catégorie « Urgence » sont plus exprimés par les étudiants de troisième année que par les autres (Test Khi2= 8,98 ; dl=2 ; p<.01). Ceux de la catégorie « Précarité » sont plus exprimés par les étudiants que par les professionnels (Test Khi2=5,71 ; dl=1 ; p<.05). Ceux de la catégorie « Errance » sont plus exprimés par les étudiants de première année que par les autres (Test Khi2= 28,28 ; dl=2 ; p<.0001). Ceux de la catégorie « Sans emploi » sont plus exprimés par les étudiants de première année que par les autres (Test Khi2= 11,65 ; dl=2 ; p<.005). Ceux de la catégorie « Autonomie » sont plus exprimés par les professionnels que par les étudiants (Test Khi2=19,03 ; dl=2 ; p<.0001)

En regardant les cinq catégories qui se trouvent dans le noyau central, il est possible de dire que pour les 230 sujets enquêtés, la représentation sociale des critères d’admission en CHRS est organisée autour d’un besoin de logement et d’une situation d’exclusion et d’isolement de la personne. Ces deux critères sont bien au cœur des missions du dispositif et le nombre d’évocation et le rang d’apparition de ces deux catégories se distinguent de toutes les autres. Il est donc probable que tous les sujets ont bien intégré les missions des CHRS d’insertion. Il a été observé que les autres catégories qui composent ce noyau central sont assez proches, soit de la première périphérie « Motivation, désir, volonté », « Besoin d’accompagnement ou d’aide », soit des éléments contrastées « Difficultés et problèmes sociaux ». Il est donc vraisemblable qu’ils ne fassent pas tous partie du noyau central de tous les groupes de notre échantillon.

Les deux catégories « Besoin d’accompagnement ou d’aide » et « Difficultés et problèmes sociaux » correspondent à des critères évoqués par l’article 375-1 du code de l’action sociale et des familles et montrent que les travailleurs sociaux de notre échantillon veulent s’assurer que les demandeurs rencontrent bien des difficultés sociales et qu’ils ont besoin d’être aidé s’ils veulent s’en sortir. Par contre la présence de la catégorie « Motivation, désir, volonté » est surprenante car elle ne correspond à aucun critère spécifié par la loi. Il semblerait donc que notre échantillon partage l’idée que pour intégrer un CHRS, il est important que le demandeur soit motivé, alors que cela n’est spécifié à aucun endroit. Compte tenu de ce qui a été étudié dans le cadrage théorique de ce document, il est possible de penser que la volonté de rechercher la motivation du demandeur corresponde aux normes d’internalité mises en lumière par Dubois (1994) et que son évaluation se réalisera à partir d’interprétations de certaines informations perçues pendant l’entretien.

Compte tenu de ces premiers résultats, il est possible de penser que les représentations sociales des critères d’admission en CHRS d’insertion évoluent au cours de la formation professionnelle. C’est ce qu’il va être vérifié dans le chapitre qui suit.