1.1 L’intégration algébrique

Il a été vu lors du chapitre consacré à la formation d’impression que pour émettre un jugement, l’individu avait recours à des règles algébriques simples. (Additions, multiplications, moyenne etc.) Toutefois, cette règle algébrique ne pouvait être découverte qu’une fois les réponses données et ne pouvait pas prendre en compte la subjectivité individuelle. L’originalité des travaux d’Anderson vient essentiellement des méthodes utilisées et plus particulièrement de la mesure fonctionnelle. Avec cette méthode, il devient possible d’intégrer la subjectivité de chaque participant et de rechercher la règle algébrique générale et non individuelle. Dans cette théorie, la description mathématique et l’explication convergent, car il devient possible d’expliquer le comportement des personnes une fois qu’une algèbre mathématique est mise ne lumière.

La Figure 3 schématise le diagramme d’intégration de l’information selon Anderson (1996). Lorsqu’un individu est placé dans un environnement complexe qui l’oblige à traiter de multiples stimuli, il est amené à passer par trois opérations mentales appelées Valuation, Intégration et Action.

Figure 3 : Diagramme d’intégration de l’information

Source : Siméone (1999) d’après Anderson (1996) p 6

Le concept de valuation est difficilement traduisible en français. Il ne faut pas le confondre avec une évaluation ou une estimation du stimulus externe. Il correspond plutôt à la transformation des stimuli physiques ou sociaux en des stimuli psychologiques prêts à être intégrés. Pendant cette opération, le sujet va attribuer une valeur subjective à chaque stimulus reçu, en fonction de ses propres critères et de son état motivationnel. La phase de valuation tient compte de l’impression initiale du sujet (s0). Cette dernière correspond à l’état initial de la personne, c’est-à-dire à son attitude, son optimisme, son pessimisme, sa favorabilité ou non par rapport à la situation présentée. L’impression initiale est préalable à la prise en compte des autres stimuli et à leur traduction. Elle correspond techniquement à une tendance de la personne à utiliser de préférence certaines parties de l’échelle de réponse.

Une fois que l’étape de la valuation est terminée, le sujet passe à la phase intégration. A ce moment, le sujet va donner des poids différents aux informations reçues (w1, w2 etc.). Ainsi, le sujet pourra ou non donner plus de valeur à certaines informations en y attribuant un poids différent. Cette phase permet donc au sujet d’ordonner les modalités des variables en fonction de l’importance qu’il leur accorde.

L’opération d’intégration conduit à obtenir une réponse r dite interne avant de donner la réponse observable (R). Cette étape s’appelle l’Action. La réponse observable (R) peut être une réponse verbale, une expression faciale, ou une réponse donnée sur une échelle de réponse non graduée. C’est cette dernière modalité qui est utilisée dans la méthode de la mesure fonctionnelle.

Cette méthode semble très adaptée pour connaitre l’importance qui est accordée aux différentes informations, mais aussi pour tenter de mettre en lumière l’algèbre mathématique qu’utilisent les travailleurs sociaux quand ils sont dans l’obligation de faire un choix entre plusieurs candidats. De cette manière, il deviendra possible d’expliquer le comportement des travailleurs sociaux lors des prises de décision.

Pour utiliser la théorie fonctionnelle de la cognition, nous devons respecter deux conditions expérimentales :

  • Le questionnaire doit comprendre la totalité des combinaisons des variables que l’on souhaite observer.
  • L’échelle de réponses doit être linéaire, afin de pouvoir traduire la réponse en valeur numérique.

De plus, l’intérêt de la non graduation est qu’elle limite la mémorisation des réponses, des mots, des nombres ou des symboles. Ainsi, les sujets calibrent leurs réponses en fonction de leur propre représentation métrique.

Cette méthode permettra de construire des lois psycho-cognitives du processus de formation d’impression, en mesurant le poids de chaque information et en y incluant la part de la subjectivité des professionnels. La théorie fonctionnelle de la cognition et plus particulièrement la mesure fonctionnelle permettent aussi de trouver, une fois les réponses données, le ou les modèles algébriques que les personnes ont utilisés pour élaborer leur jugement. Le chapitre suivant est consacré à la lecture des différents modèles.