2.2 Outil de recherche et procédure de passation

Pour cette enquête qui a été menée entre novembre et décembre 2008, il a été utilisé la Théorie Fonctionnelle de la Cognition et plus précisément la méthode de la mesure fonctionnelle (Anderson N.H. 1981, 1996). Cette méthode permet de décrire les lois psychologiques cognitives du traitement et de l’intégration de plusieurs stimuli physiques ou sociaux. Anderson est parvenu à démontrer que lorsqu’une personne émet un jugement, elle a recours à des règles algébriques simples. Lorsqu’un individu est dans l’obligation de traiter de multiples stimuli, il est amené à passer par deux opérations mentales (Valuation et intégration) avant de donner sa réponse (Action). Dans la phase de valuation, le sujet attribue une valeur subjective à chaque stimulus, puis lors de la phase intégration, il affectera un poids différent aux informations reçues. Le résultat de cette combinaison sera une réponse (Phase Action) qui peut être verbale, une expression faciale, mais aussi, comme pour cette enquête, une réponse sur une échelle de jugement non graduée.

Pour cette recherche, nous avons sélectionné quatre critères parmi ceux qui étaient les plus cités dans la première enquête (Problème de logement, Isolement social, Motivation, Alcoolisation,) auquel a été ajouté celui du sexe du demandeur. En effet, la recherche porte sur des CHRS d’insertion tous publics et de ce fait ils doivent accueillir aussi bien les hommes que les femmes. A ces cinq facteurs il été attribué deux modalités opposées de la façon suivante :

  • Facteur Sexe : Homme / Femme
  • Facteur Isolement social : N’est pas isolé socialement/ Est isolé socialement
  • Facteur Alcoolisation : Est alcoolisé / N’est pas alcoolisé
  • Facteur Motivation : N’est pas motivé / Est motivé
  • Facteur Logement : Est logé chez un tiers / Vit à la rue

Sur les cinq facteurs, deux sont des informations sur la situation sociale des demandeurs (Facteur sexe, facteur logement) et sont relativement objectives. Les trois autres sont donnés comme des informations personnelles qui peuvent être interprétées et discutées (Facteur Alcoolisation, facteur isolement social, facteur motivation). En effet, savoir qu’une personne est un homme ou une femme est une information pratiquement incontestable. Savoir que cette personne vit dans la rue depuis six mois ou chez sa sœur, informe sur son lieu de vie et permet d’évaluer le niveau d’urgence. Mais savoir qu’une personne semble alcoolisée au moment de l’entretien ne donne pas d’information directe et peut être lu différemment. Elle a pu boire exceptionnellement ou seulement pour se donner du courage avant de venir demander de l’aide. Une personne qui peut sembler à jeun peut être alcoolo-dépendante et avoir bu juste ce qu’il lui fallait pour être bien et ne pas trembler. Une personne peut être perçue comme motivée, car elle sait tenir le discours attendu mais ne l’est pas. En effet, pour réaliser une évaluation de la motivation d’une personne, il faut utiliser des outils spécifiques et demande un peu plus de temps qu’un entretien d’admission.

Le matériel de cette recherche se compose d’un carnet de quarante-deux vignettes au format A4 coupé en quatre dans le sens de la longueur. Sur chaque vignette une étude de situation est proposée qui correspond à un scénario différent. La personne testée doit donner son avis sur l’admission en CHRS de ce personnage fictif.

Les 42 vignettes ont été construites à partir des cinq facteurs pour lesquelles il a été attribué les deux modalités : Sexe (Homme / Femme), Isolement social  (Pas isolé socialement / Isolé socialement), Alcoolisation (Alcoolisé / Pas alcoolisé), Motivation  (Pas motivé / Très motivé), Logement  (Logé chez un Tiers / Vit à la rue). Ces scénarios sont créés selon un plan factoriel 2x2x2x2x2 soit 32 scénarii, auxquelles il a été ajouté dix scénarii comportant une seule modalité (Voir Tableau 26).

L’ordre de présentation des vignettes est aléatoire, mais est le même pour tous les participants. Quatre-vingts carnets ont ainsi été imprimés. La phrase d’introduction et la question sont identiques pour chaque scénario. « Une personne vient vous voir pour la première fois. Elle vous demande une place en CHRS d’insertion. Cette personne est : liste des informations (par exemple Un homme, qui est isolé socialement, qui est alcoolisé, qui est très motivé pour sortir de sa situation et qui est logé chez un tiers). Seriez-vous favorable pour l’accueillir prioritairement en CHRS d’insertion ? ». La réponse s’effectue sur une échelle horizontale non graduée de 200mm, allant de « Pas très favorable à Tout à fait favorable ». La personne enquêtée doit répondre par une croix le long de l’échelle à l’endroit qu’elle juge approprié. La procédure de recueil de données comprend une phase de familiarisation où le professionnel peut revenir sur ses évaluations autant de fois qu’il le souhaite. Cette phase a pour objectif de se familiariser avec l’outil et de construire sa propre échelle de valeur. Ensuite le participant passe à la phase expérimentale qui est analogue à la phase de familiarisation, mais les scénarios sont présentés dans un ordre aléatoire différent et le participant ne peut plus revenir en arrière pour vérifier ou modifier son évaluation. Le travail demandé est réalisé de manière individuelle et au rythme de chaque participant.

Pour finir, un questionnaire est proposé. Il nous permet de construire nos variables indépendantes : « Sexe du travailleur social », « Expérience professionnelle », « Type de tâche », « Type de diplôme », « Type de départements » (questions 1, 2, 3, 6) ; de connaître leurs critères de sélection (questions 4, 5, 8) et de connaître le niveau d’importance qu’ils donnent aux informations fournies dans les études de situation (questions 7 et 9).

Ainsi le matériel pour chacun des 72 participants est composé de deux carnets de 42 vignettes, un pour la phase de familiarisation et un pour la phase expérimentale. Toutefois le carnet de familiarisation est différent de celui de l’expérimentation du fait que les scénarios exposés ne sont pas présentés dans le même ordre d’apparition. Le questionnaire post expérimental est imprimé en recto-verso sur une feuille A4.

Tableau 26 : Tableau de construction des vignettes sur le plan factoriel 2*2*2*2*2