3.4 Recherche du modèle d’intégration algébrique

La partie théorique consacré aux travaux d’Anderson (1981, 1996) a permis de souligner qu’il était possible de découvrir le modèle d’intégration algébrique utilisé par les personnes une fois qu’elles avaient émis leur jugement. Il a été étudié différents modèles théoriques, mais Anderson a montré qu’en général, le jugement d’autrui s’élaborait sur un modèle algébrique de type moyenne. Nous allons dans cette partie tenter de décrire le modèle algébrique sur lequel les travailleurs sociaux s’appuient pour élaborer leur jugement de la nécessité d’aide.

Les résultats généraux ont montré que le facteur « logement » n’était pas pris en compte lors des évaluations et que celles-ci ne se sont réalisées qu’à partir des facteurs Motivation et Alcoolisation. Il a été montré qu’une seule interaction était significative ce qui nous laisse penser que le modèle d’intégration a toutes les chances de correspondre à un modèle de type moyenne. L’analyse de l’interaction significative Alcoolisation x Motivation représenté par la Figure 28 et le Tableau 65 ont montré que la Motivation du demandeur était le facteur principal et que l’alcoolisation permettait de faire un choix entre deux personnes du même degré de motivation. La Figure 41 représente pour le plan principal, le jugement de la nécessité d’aide à partir des informations sur la motivation du demandeur associé à l’alcoolisation du demandeur. La courbe en pointillés représente les résultats moyens obtenus aux scénarios unifactoriels pour le facteur « Motivation ». Le Tableau 84 donne les moyennes des cotations obtenues pour cette interaction et les écarts entre les différents degrés d’alcoolisation.

Figure 41 : Graphique représentant l’interaction Motivation x Alcoolisation pour le plan principal avec la courbe en pointillés.
Tableau 84 : Ecarts entre les degrés d’alcoolisation au sein de chaque degré de motivation
Motivation Alcoolisation Moyenne Ecart entre degré 2 et degré 1 Alcoolisation Ecart entre degré 3 et degré 2 Alcoolisation
Pas motivé Alcoolisé 61,62 7,21  
Semble alcoolisé 68,83 8,81
Pas alcoolisé 77,64  
Moyen. motivé Alcoolisé 92,51 6,24  
Semble alcoolisé 98,75 15,01
Pas alcoolisé 113,76  
Très motivé Alcoolisé 136,50 4,45  
Semble alcoolisé 140,95 17,39
Pas alcoolisé 158,34  

L’observation du graphique permet de voir que les courbes sont pratiquement parallèles et ceci pourrait laisser penser à un modèle d’intégration des informations de type additif. Toutefois, en regardant de plus près, on observe que les écarts entre les trois degrés d’alcoolisation dans chaque degré de motivation ne sont pas identiques. Le Tableau 84 montre clairement que les écarts observés sont différents. Lorsque le personnage est décrit comme pas motivé, les écarts entre le degré 1 et 2 (7,21mm) et 2 et 3 (8,81mm) sont sensiblement identiques, alors que lorsque le personnage est décrit comme moyennement motivé ou motivé les écarts entre les degrés sont différents. En effet, lorsque le personnage est décrit comme moyennement motivé les écarts entre le 1er et le 2eme degré (6,24mm) et entre le 2eme et le 3eme degré (15,01mm) sont sensiblement différents. Cette observation est aussi valable lorsque le personnage est considéré comme très motivé (4,45mm et 17,39mm). D’autre part, l’analyse de la variance indique que cette interaction est significative ce qui permet d’éliminer définitivement l’hypothèse du parallélisme des courbes et par conséquent d’éliminer l’hypothèse d’un modèle d’intégration algébrique de type additif.

Le graphique semble montrer que les courbes sont en forme d’éventail avec une ouverture vers le haut. Les écarts qui séparent la courbe du personnage pas alcoolisé et moyennement alcoolisé aux trois degrés différents de motivation (8,81mm, 15,01mm et 17,39mm), permettent de confirmer cette hypothèse. Ainsi ce graphique pourrait correspondre soit à un modèle multiplicatif ou soit à un modèle de type moyenne non équipondérée. La courbe en pointillés va permettre de différencier ces deux modèles. Nous observons que la courbe en pointillés coupe en partie les deux premières courbes, mais ne coupe pas la courbe du personnage décrit comme alcoolisé. Compte tenu de cela, il est possible d’affirmer que la courbe en pointillés n’est pas parallèle et d’éliminer l’hypothèse d’un modèle multiplicatif. Ainsi de toutes les hypothèses possibles, il ne resterait que le modèle d’une algèbre de type moyenne non équipondérée.

Mais comme la courbe en pointillés du graphique ne coupe pas clairement les trois courbes comme dans le modèle théorique, il est difficile de pouvoir affirmer cette hypothèse sans avoir recours à une autre vérification. En effet, il est possible de vérifier si ces courbes ne se croisent pas en dehors du graphique. Pour s’en assurer il a été nécessaire de prolonger les courbes et de vérifier que les écarts qui séparent les moyennes de la courbe en pointillés avec toutes les autres finissent par se croiser. Cette vérification montre que les écarts qui séparent la courbe en pointillés et la courbe correspondant au personnage qui n’est pas alcoolisé à chaque degré de motivation, se réduisent (21,21mm, 18,94mm, 16,87mm). Ceci permet de dire que les courbes se rapprochent et qu’elles finiront par se rejoindre. Compte tenu de ces observations, nous pouvons penser que le modèle d’intégration des facteurs « Motivation » et « Alcoolisation » prend la forme d’une équation de moyenne non équipondérée qui s’écrit de la manière suivante :

Jugement d’admission= (wM + w’A / w+w’)

Avec :

M correspondant au facteur de Motivation du demandeur

A correspondant au facteur d’Alcoolisation du demandeur

w variant en fonction du niveau de M

w’ variant en fonction du niveau de A

Compte tenu que peu d’écart ont été observés entre nos différents groupes, il est possible de penser que le modèle d’intégration soit identique pour l’ensemble de notre population. Afin de vérifier cette hypothèse, les calculs et les graphiques ont été refaits avec les deux variables indépendantes « Expérience sociale » et « Expérience CHRS ». Les résultats obtenus ne montrent pas de différences significatives et tous les groupes semblent utiliser le modèle algébrique de la moyenne non équipondérée.