3.3. La maniera graeca des tableaux mariaux et l’essor de la peinture italienne du XIIIe siècle

Nous avons noté ci-dessus que l’on trouve les premiers tableaux mariaux d’Occident à Rome à partir du haut Moyen Âge ; l’image de Santa Maria Antiqua serait, d’après la tradition, la plus ancienne des œuvres conservées (fig. 1)224. Tous les exemples présentés, encore peu nombreux dans cette première période, occupent une position prestigieuse auprès de la société romaine. C’est la provenance orientale, ayant recours à l’image – archétype, qui décide de leur originalité.

Les premières influences byzantines sur la peinture occidentale avaient, ce que suggère entre autres Weitzmann, commencé autour du VIe siècle225. Ensuit, d’après Renato Pisani, pendant la période de l’iconoclasme certaines icônes avaient été sauvées et envoyées en Italie, à Rome ou à Florence226. Et, ce sont ces icônes qui sont devenues les modèles d’une série d’images répétitives227. Enfin, beaucoup d’artistes occidentaux s’inspiraient, entre le XIe et le XIVe siècle de l’art byzantin228. D’ailleurs, l’étude déjà ancienne de Venturi démontre que la peinture italienne doit son essor à l’adaptation des formes byzantines229 ; c’est la représentation de l’Hodighitria 230 , répandue dans diverses variantes iconographiques, qui était entourée d’une vraie admiration. Selon Pietro Amato, le XIIIe siècle était un des moments les plus intéressants en ce qui concerne le développement de l’iconographie mariale231. Avec les changements dans la liturgie et l’avènement d’une nouvelle spiritualité se développe la production des images peintes sur bois, similaires aux icônes, représentant dans la plupart des cas les Vierges à l’Enfant de types différents et les saints232.

En réalité, un véritable apport artistique de Byzance dans l’évolution de la peinture occidentale sur panneau a eu lieu au Moyen Âge central. A cette époque, les effigies mariales inspirées des formes picturales byzantines se répandent de manière spectaculaire dans la région du Latium, avec Rome comme siège principal, et sur les territoires de Toscane et d’Ombrie. Les artistes introduisant dans leurs créations des traits stylistiques des icônes, l’ancienne peinture toscane et ombrienne est désignée, dès le temps de Vasari, comme la peinture de la maniera graeca 233 . Les icônes en buste dites medietas imaginis, dans les langues vernaculaires demy-ymage et mezza figura, dont parle Guillaume Durand,jouissaient de l’estime et d’une sorte d’affection exclusive des Occidentaux234. Et, c’est leur modèle qui serait à l’origine du tableau d’autel.

Notes
224.

Voir infra § 2.

225.

WEITZMANN, Various Aspects..., p. 3.

226.

PISANI, loc. cit.

227.

Ibid.

228.

Ibid.

229.

VENTURI 1907, p. 39 ss., 552, passim.

230.

Cf. supra §2.2.a).

231.

AMATO, L’oriente cristiano, op. cit., p. 15 s.

232.

Voir chap. II, § 2, 3.

233.

G. VASARI, Le vite de’ più eccellenti pittori, scultori e architetti, (éd.) Firenze 1846, vol. II, p. 20, 24, 82 ; M. DENIS, Charmes et leçons de l’Italie, Paris 1935, p. 146 ; A. ALAZARD, L’art italien, Paris 1949, vol. I, p. 103 ; L. RÉAU, G. COHEN, L’art du moyen âge : arts plastiques, art littéraire et la civilisation française, Paris (1935) 1951, p. 252 ; WEITZMANN 1984, passim ; J. VON SCHLOSSER, On the History of Art Historiography, (dans :) G. Schiff (éd.), German Essays on Art History, New York 1988, p. 211 ss. ; H. BIERMANN, Das „O” Giottos. Anmerkungen zur Fama Giottos, (dans :)K. Möseneder, A. Prater (éd.), Aufsätze zur Kunstgeschichte : Festschrift für Hermann Bauer zum 60. Geburtstag, Hildesheim-Zürich 1991, p. 109, 118 ss. ; P. LEE RUBIN, Giorgio Vasari : Art and History, New Haven 1995, p. 304 ; D. NORMAN, Siena, Florence, and Padua : Art, Society, and Religion 1280-1400, New Haven-London 1995, p. 222 ; H.-C. EVANS, W.-D. WIXOM (éd.), The Glory of Byzantium. Art and Culture of the Middle Byzantine Era A.D. 843-1261, (cat. de l’expo.) The Metropolitan Museum of Art, New York 1997, p. 486 ss. ; E. PANOFSKY, Deutschsprachige Aufsätze, (éd.) K. Michels, M. Warnke, Berlin 1998, p. 877 ; P. EICHEL-LOJKINE, Le siècle des grands hommes : les recueils de Vies d’hommes illustres avec portraits au XVI e siècle, Louvain-Paris 2001, p. 305 ; T.-D. KAUFMANN, Toward a Geography of Art, Chicago-London 2004, p. 28 ; FOLDA 2005, p. 516.

234.

Voir CHASTEL 1988, p. 99 s. ; WIRTH 1999 (a), p. 55.