4. Les tableaux de la Vierge à l’Enfant sur les territoires des Slaves d’Occident entre le XIVe et le XVe siècle

Le sujet de notre étude portant particulièrement sur les représentations d’une Vierge à l’Enfant, notons que ce type iconographique bénéficiait d’une grande popularité dans deux pays des Slaves occidentaux : la Bohême et la Pologne. Nous pensons que les questions liées à l’existence même de ces effigies dans l’Église peuvent rend compte des rapports socioculturels en Europe dès la seconde moitié du XIVe et durant le XVe siècle. C’est pourquoi, il est non seulement loisible, mais indispensable d’abstraire l’imaginaire des faits historiques relevant des comportements et des caractéristiques des sociétés desquelles elles sont issues. Afin de bien saisir le système d’interaction entre la créativité, la croyance, les changements socioculturels et l’essor des pays de l’Europe du Centre-Est au bas Moyen Âge, nous nous référons tout d’abord aux travaux de Jerzy Kłoczowski317.

Il s’avère que le prestige du Royaume de Bohême, établi sous le règne de Charles IV de Luxembourg au XIVe siècle, s’effondre au cours du siècle suivant. En revanche, la Pologne retrouve sa prospérité. Le premier rôle semble dès lors dévolu à la monarchie des Jagellons. Sans entrer dans les méandres de l’histoire, ce qui nous éloignerait de notre sujet principal, on doit pourtant signaler des divergences entre la Bohême des hussites et le traditionalisme polonais. En outre, remarquons que l’état réuni de Pologne et de Lituanie se trouva au carrefour des influences de la civilisation médiévale européenne et de celles provenant d’Orient. Il en résulte que, dans cette partie du continent, le processus d’occidentalisation s’établit parallèlement à l’implantation du byzantinisme. Par conséquent, d’après Kłoczowski il faut prendre en considération, sur le plan européen, l’importance des cultures indigènes de divers types qui sont à la base de l’épanouissement de la connaissance des cultures nationales318. Dans cette optique, la réception de la culture occidentale était, bien évidemment, la conséquence de l’attachement à la chrétienté latine qui se cristallisa au XIIIe siècle, après le IVe concile du Latran319. Le fait que la majorité des évêques polonais ait été présente à Rome en 1215, pendant ce concile, aurait été un acte symbolique du rapprochement de la chrétienté polonaise avec le Saint-Siège, donc avec la chrétienté occidentale, sa culture et sa philosophie320.

C’est avec la scolastique que l’art gothique prit son essor chez les Slaves occidentaux, se déployant entre les centres culturels qu’étaient alors Prague et Cracovie321. Par la suite, les relations entre l’Ouest et l’Est se développèrent de manière considérable. Et, l’Europe centrale dans son ensemble continua, au cours du XVe siècle, d’évoluer malgré certains moments régressifs. Pour ce qui concerne la production artistique, la peinture gothique des ateliers tchèques et polonais se distingue sur le plan européen. Dans une opulence de formes plastiques, elle s’appuie sur des modèles tantôt occidentaux, tantôt byzantins, pour créer enfin une formule singulière des images dévotionnelles. Il s’agit de l’interprétation d’un ancien type pictural dans de nouvelles conditions socioculturelles. A ce propos, nous allons esquisser la problématique générale de la peinture sur panneau de bois, en mettant l’accent sur les tableaux mariaux répandus en Bohême et en Pologne à partir du XIVe jusqu’aux deux premières décennies du XVIe siècle.

Notes
317.

J. KŁOCZOWSKI, Rozwój środkowowschodniej Europy w XIV wieku (dans :) Sztuka i ideologia XIV wieku, Materiały sympozjum Komitetu Nauk o Sztuce Polskiej Akademii Nauk, Warszawa 29-30 listopada 1973, (dir.) P. Skubiszewski, Warszawa 1975, p. 13-52 ; Id., Rozwój środkowowschodniej Europy w XV wieku, (dans :) Sztuka i ideologia XV wieku, Materiały sympozjum Komitetu Nauk o Sztuce Polskiej Akademii Nauk, Warszawa 1-4 grudnia 1976 r., (sous la dir.) P. Skubiszewski, Warszawa 1978, p. 17 ss. ; Id., Europa Słowiańska w XIV-XV wieku, Warszawa 1984, passim ; Id., La Pologne dans l’Église médiévale, Aldershot 1993, passim ; Id., Młodsza Europa : Europa Środkowo-Wschodnia w kręgu cywilizacji chrześcijańskiej średniowiecza, Warszawa 1998, passim ; Id., Les pays d’Europe du Centre-Est, du XIV e au XVII e siècle, (dans :) J. Kłoczowski, J. Delumeau, C. Lepelley (éd.), Histoire de l’Europe du Centre-Est, Paris 2004, p. 173-194.

318.

Idem 1978, p. 17, 30, 47 s.

319.

Ibid., p. 30.

320.

J. DĄBROWSKI, Dawne dziejopisarstwo polskie (do roku 1480), Wrocław 1964, p. 74 ; J. KŁO-
CZOWSKI, Les grandes lignes d’histoire de l’Église en Pologne, (dans :) Instituzioni, Cultura e Società in Italia e in Polonia (secc. XIII-XIX), Atti del Convegno italo-polacco di Studi Storici (Lecce – Neapoli, 10-17 febbraio 1976), Galatina 1979, p. 113 ; Id., Chrześcijaństwo i historia : wokół nurtów reformy chrześcijańskiej VIII-XX w., Kraków 1990, p. 116.

321.

KŁOCZOWSKI 1978, p. 41 s., note n° 11.